Les Republicains qui mettent la victoire d'Obama sur le seul compte des medias exagèrent mais n'ont pas complètement tort.
Le soutien des medias américains était si flagrant que c'en était devenu un sujet de plaisanterie pour les comiques.
Lecteur fidèle du New York Times, j'avais quelquefois l'impression d'avoir la berlue : l'Obamania y était si constante que je me demandais si on n'avait pas changé mon journal en tribune de l'équipe Obama. Notamment, les éditoriaux de Maureen Dowd ont souvent été ni plus ni moins que ridicules.
Trois causes expliquent à mon sens ce qui confine à une faute professionnelle collective :
> dans les démocraties modernes, les journalistes sont très majoritairement de gauche (1). Le phénomène est patent et l'explication sociologique n'est pas compliquée (lire Pourquoi les intellectuels n'aiment pas le libéralisme de Raymond Boudon suffit amplement).
> la nouveauté, surtout la plus vulgaire, la plus superficielle, attire les journalistes comme ce qui brille attire les pies. Et quoi de plus visible que la couleur de peau ?
> les journalistes volent au secours de la victoire (même quand elle change de camp - ce qui tend d'ailleurs à prouver que les medias ne font pas à eux seuls l'élection), comme nous l'avons vu en France lors des dernières présidentielles.
La question en suspens est celle-ci : dans quelle mesure les medias font-ils une élection ? Je ne sais pas.
Il y a un fossé entre le Obama des medias («Obama est allé à Bethleem : il a visité la crèche où il est né») et le Obama réel tel qu'un Français devrait pouvoir le décrire avec le détachement qui est le sien (2).
> Obama a un réel talent oratoire, mais ce n'est pas Démosthène, ni même Kennedy.
> Il semble bien entouré jusqu'à maintenant et avoir un sacré caractère.
> son génie électoral, rester une feuille vierge sur laquelle chacun pouvait projeter ses fantasmes, est aussi son plus gros défaut politique : il est tellement neuf que nul ne connait ses idées (il a dit à chacun ce qui lui plaisait d'entendre) et son comportement au pouvoir, c'est un saut dans l'inconnu assez terrifiant.
> son rapport messianique avec les foules est inquiétant. Lire l'excellent Obama and the politics of crowds proposé par un lecteur.
> il est noir. Mais depuis quand est-ce une qualité (ou un défaut) ?
A bien des égards, Obama est une Ségolène Royal qui a réussi : mutatis mutandis, les mécanismes électoraux qui ont fait sa victoire ressemblent à s'y méprendre à ceux employés par notre Jeanne d'Arc du néo-socialisme.
Bref, le fossé entre l'image et la réalité est tel qu'Obama décevra. Restent à connaitre la profondeur de la déception et ses conséquences.
Tout cela ne peut que nous inquiéter sur la santé et la pertinence de la démocratie.
A la question «Les mécanismes démocratiques modernes sélectionnent-ils les plus aptes à gouverner ?», Julien Freund répondait clairement par la négative.
Je suis plus mesuré, mais les dernières élections américaines, dans un camp comme dans l'autre (il y aurait aussi à dire sur les Républicains) renforcent cette interrogation.
(1) : quand vous entendez un gauchiste vous expliquer que les journaux sont de droite, écoutez le : vous comprendrez qu'en réalité, il leur reproche de ne pas être d'extrême-gauche.
(2) : aucune présidentielle ne change radicalement la politique américaine, et celle-ci n'a qu'une influence lointaine sur la vie française, nous devrions donc être aptes à un minimum de recul sur le sujet. Ce n'est pas le cas ? Serions nous cernés par les cons ?
L'obamania européenne a été ridiculisée par un très bon éditorial du Figaro.
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Quand vous êtes un journaliste plus que médiocre ou un artiste sans le moindre talent, faire de la lèche auprès des hommes de l'Etat pour en tirer des débouchés, une rente et des bénéfices n'est-il pas le meilleur moyen d'y parvenir ?
RépondreSupprimerLes media ont fait des gorges chaudes sur la remarque de Berlusconi mais ils ont soigneusement occulté le fait qu'Obama est partisan de la peine de mort, qu'il a reçu le soutien d'une partie du Ku Klux Klan et qu'il a été félicité par le meilleur ami iranien de Georges Bush.
Quant au fait qu'il soit métis (et non noir), ça me fait penser au mythe du bon sauvage : puisqu'il n'est pas blanc (en fait si, du côté de sa mère), il est forcément bon et innocent et ne pourra faire que des choses positives pour son pays.
"dans les démocraties modernes, les journalistes sont très majoritairement de gauche "
RépondreSupprimerLà, bravo ! Il fallait oser !
Il n'y a pas un seul journal quotidien, y compris l'Humanité, qui échappe à un groupe financier. A moins que Rothschild, Hachette-Filipacchi, Murdoch et consorts soient devenus d'affreux marxistes...
L'amertume vous égare !
La femme du rédacteur en chef d'un grand quotidien -une amie d'enfance, je vous rassure- me confiait que le propriétaire de ce journal n'exerçait aucune pression politique sur son mari pas plus d'ailleurs que sur le moindre journaliste de son équipe car tous avaient de toute façon épousé les idées du patron.
Le meilleur moyen pour pouvoir se regarder dans une glace le matin au rasage n'est pas de se dire que l'on a pas le choix mais que ce que l'on va dire est la Vérité.
Maintenant si vous pensez qu'Obama, le New York Times et d'autres sont "de gauche"...vous pouvez vous faire naturaliser américain sans peine !
Eux aussi sont tombés dans le piège de l'alternance !
D'ailleurs Théo2toulouse vous rappelle la "gaucheattitude" d'Obama : peine de mort, Ku Klux Klan et copains milliardaires
@canut : on peut être un extrémiste de droite et être socialiste. Hitler était authentiquement socialiste : il a réalisé 8 des 10 points du programme de Marx dans le Manifeste. La boucle est bouclée.
RépondreSupprimerJe vous renvoie à l'excellent livre de l'historien Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands. C'est assez terrifiant sur la manière dont Hitler s'y est pris pour acheter la paix sociale à la fin de la guerre.