J'ai fini par l'acheter.
Il n'y a pas à s'y tromper, c'est du Zemmour.
Le style est percutant, on retrouve le sens zemmourien de la formule. C'est agréable à lire. Il y a un certain brillant, ce qui n'est pas du tout un compliment.
Car, si le style est plaisant, les idées sont parfois très légères. L'analyse zemmourienne des moeurs et de la politique est acceptable, sauf un énorme angle mort : le rôle de l'étatisme dans la décadence qu'il dénonce.
En se réclamant du colbertisme, Eric Zemmour est tout simplement ridicule (comme tant d'autres, Le Pen, Polony, Chevènement, Dupont-Machin, etc.).
Lui, qui se targue de sa connaissance historique et de son goût de l'histoire longue, oublie certaines choses quand ça l'arrange : le mercantilisme, base du colbertisme, est un échec complet. C'est même le besoin de comprendre cet échec qui donne naissance à la science économique moderne.
On se souvient des tapisseries des Gobelins et des vitrages de Saint-Gobain. On oublie qu'à l'époque la France était la Chine de l'Europe et que ses performances économiques étaient dépassées par des pays moins peuplés de plusieurs ordres de grandeur, les Provinces-Unies et le Royaume Uni, tous deux beaucoup plus libéraux.
Quant à l'époque moderne, c'est un contre-sens de faire de De Gaulle et de Pompidou des colbertistes. On a droit aux poncifs navrants sur la loi de 1973.
Ce n'est pas un hasard si l'étatisation progressive de la société, qu'on la mesure en part de dépenses publiques dans le PIB, en nombre de fonctionnaires ou en nombre de lois et décrets (environ 11 000 lois, 130 000 décrets à ce jour) est contemporaine de la dégradation des moeurs.
Il faut toute la puissance d'un Etat-mamma envahissant pour dissoudre les solidarités traditionnelles et étouffer les antiques libertés. L'atomisation des individus vient d'un Etat omniprésent et fait place nette pour l'individualisme hédoniste vomi par Zemmour.
Certains font remarquer que les entreprises, Google et Apple par exemple, sont désormais à la pointe de la déshumanisation de la société. C'est vrai, mais cela aurait-il été possible sans la déchristianisation et l'atomisation des individus dans lesquelles l'Etat a eu le rôle principal ?
Eric Zemmour, en chantant les louanges de l'Etat «à l'ancienne» tel qu'il l'imagine, prend la maladie pour le remède.
En réalité, le véritable Etat à l'ancienne était beaucoup plus libéral que dans la vision zemmourienne, pour la simple raison que le contrôle social était exercé par la société (il y avait ce qui se fait et ce qui ne se fait pas) et non par l'Etat (lois somptuaires, lois sociales, lois mémorielles et phobiques scélérates, etc).
Certains imbéciles (Salamé, Bourdin, ...) se sont contentés de critiques d'autant plus violentes qu'elles étaient superficielles et anecdotiques, comme les grands dégueulasses qu'ils sont (Bourdin qui demande à 10 secondes de la fin de l'interview à Zemmour s'il est révisionniste, c'est un moment exceptionnel de saloperie radiophonique, Bourdin est vraiment un enfoiré. On le savait). Mais critiquer Zemmour pour son interprétation du film Dupont-la-joie, de la chanson Lili ou du bouquin de Paxton, ça ne va tout de même pas pisser loin.
Je n'ai pas encore lu de critique de fond d'Eric Zemmour.
Je reste fidèle à mon opinion : Eric Zemmour est la borne-frontière du système, il le protège, comme Juppé par exemple, en empêchant l'émergence de la solution libérale-conservatrice. Juppé le protège par manque de conservatisme et Zemmour par manque de libéralisme. La France n'est pas sortie de l'auberge !
jeudi, novembre 13, 2014
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