mercredi, août 05, 2015

Doit-on le dire ? (J. Bainville)

Recueil des chroniques de Jacques Bainville dans Candide.

Bainville écrit la langue de tout le monde comme personne (ce n'est pas de moi !).

Je vous cadre tout de suite le personnage.

Fin 1918, il écrit : «L'Allemagne sera sociale et nationale. D'ailleurs cette république des Allemands unis, productive et deux fois plus peuplée que la France, restera-t-elle une république ?» Bref, nos chroniqueurs peuvent aller se rhabiller, même Zemmour, le moins mauvais d'entre eux, ne lui arrive pas à la cheville.

Bien sûr, certains propos sont datés. Mais d'autres sont un délice d'actualité. L'article sur socialiste, qui est à la fois une religion et un métier, paraît écrit pour Peillon, Belkacem, Valls, Hollande, Rebsamen et compagnie. Zemmour cite d'ailleurs ce court passage :

«On se moquait autrefois du paysan qui disait avec naïveté lorsqu'on lui demandait ce que faisait son fils:

- Mon fils, il a une bonne place de curé.

- Il y a maintenant des bonnes places de socialistes.»

Mais plutôt qu'un long discours je vous laisse avec cette chronique de 1924 :

LE VEAU D'OR DÉMOCRATIQUE

On chante à l'Opéra que le Veau d' or est toujours debout. Le Veau d'or de l'Histoire sainte, c'est ce qu'on appelle aujourd'hui la finance internationale. Or, la finance tout court est abhorrée par les socialistes qui se respectent, comme une forme de l'odieux capital. Mais lorsqu'elle devient internationale, le culte en est imposé par les prolétaires conscients.

S'il y a dans le monde des suppôts du capitalisme, ce sont les banquiers qu'on a réunis à l'hôtel Astoria sous le nom d'experts. Ces gaillards-là représentent les plus gros établissements de crédit du monde entier. Ils remuent à la pelle non de vulgaires monnaies de papier, mais d'authentiques dollars. Leurs usages sont ceux du prêt à intérêts. Enfin, ce sont de véritables requins. Quant à leurs opinions, il n'y a même pas besoin de leur demander ce qu'ils pensent du bolchevisme.

Cependant, plus on est de gauche et plus on admire l'oeuvre des experts. Pierpont Morgan est arrivé à Paris pour négocier l'emprunt de la Reichsbank. Voilà la bonne doctrine socialiste ! Le cartel des gauches le couvre de fleurs et l'invoque contre Poincaré et le Bloc national. En somme, toute cette affaire prouve que l'argent est roi. On ne médit du vil métal que pour l'adorer. C'est comme l'épargne qu'on recommande aux citoyens ainsi qu'une vertu louable et nécessaire, que tous les candidats promettent d'encourager et de défendre, et qu'on persécute d'autre part sous le nom de richesse acquise, comme si, pour acquérir de la richesse, il ne fallait pas d'abord épargner. Nietzsche disait que la liberté est une idée d'esclaves. Tout se passe comme si le respect de la ploutocratie était une conception de socialistes. Le résultat, c'est qu'on charge maintenant les banquiers de décider du sort des peuples par dessus la tête de leurs gouvernements. C'est ce qu'on appelle la démocratie et l'on est un réactionnaire quand on se permet de douter que ce soit un progrès.

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