Pour les méchants libéraux conservateurs comme moi, il y a longtemps que l’Etat français est discrédité et que les politiciens ont perdu toute autorité. La cause en est simple : trop de trahisons. Un écart trop grand entre l’idéal et la pratique.
Que les politiciens ne soient pas tous honnêtes, c’est la vie. Qu’ils soient tous pourris, c’est trop. Que l’Etat ait quelques défaillances, on le comprend, que l’Etat accumule les défaillances, c’est trop. Que l’Etat ne soit pas toujours impartial, on vit avec. Qu’il soit systématiquement partisan, c’est trop. Que nos dirigeants ne remplissent pas tous leurs devoirs, on le tolère. Qu’ils les trahissent tous, c’est trop.
Si ce discrédit de l’Etat et ce mépris des dirigeants restaient confinés à quelques râleurs, cela serait sans conséquence. Mais il est clair qu’il gagne dans la population.
C’est doublement dramatique :
1) Je vous cite souvent Henri IV : « Il n’y a pire perte que la perte de l’Etat ». Bien sûr, il parlait de l’Etat régalien, pas de l’Etat obèse emmerdant le monde à coups de lois et de normes, engraissant des millions de feignasses et de bons à rien et gérant, avec quel talent, Areva, la SNCF et EDF.
Or, la perte de l’Etat, nous nous y dirigeons tout droit. Si l’Etat, à force d’être partisan en faveur de minorités, perd son autorité sur la majorité, il disparaît. La police devient une milice politique et le fisc est organisation de racket.
2) Ce premier problème classique est aggravé par un phénomène moderne : la « communication », c’est-à-dire un ensemble de techniques de manipulation des foules qui empêche que les questions dérangeantes pour le Système puissent être posées en termes clairs. Il s’en suit une paralysie catastrophique de la décision collective. Cet effet est, certes, recherché par certains ; il n’en demeure pas moins que ses conséquences sont dramatiques.
Dans cet entretien important que je vous cite souvent, car très juste et qui éclaire bien les enjeux, Chantal Delsol explique :
Je ne pense pas que la population française ait pris la mesure des causes [de ses malheurs]. Elle ressent que "ça va mal" et que "ça ne pourra pas durer", mais elle ne sait pas bien ce qui cloche. Elle sait qu’il faudrait des réformes mais en même temps elle défend qu’on les fasse, car chaque fois cela touche des privilèges (pays monarchique, encore une fois ne l’oublions pas). C’est compliqué… Mais il n’y a pas vraiment de prise de conscience, je ne crois pas. Juste une angoisse diffuse, ce qui sans doute est pire.
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