dimanche, juillet 01, 2018

France, le moment politique (H. Juvin)

Commençons par un bon point : ce n’est pas trop écrit avec les pieds. J’avais été dégouté par un précédent livre de Juvin à cause de son style illisible. Pour l'occasion, il a fait un sérieux effort de clarté. Il y a même de beaux moments.

Son amour de la France paraît sincère.

Il écrit parfois d’énormes conneries. Lorsqu’il raconte que la France est menacée par des températures de 50°C ! Ou quand il nous dit que la France participe au au programme F35 ! Sans compter les fautes d'orthographe ou typographiques. Et la couverture est horrible, elle mériterait à son auteur une peine sévère, style audition des oeuvres complètes de Dave. Bref, c'est un livre outrageusement bâclé.

Mais on lui pardonne, au nom de son intelligence d'ensemble. Et puis, il est partisan du nucléaire, ce qui est la seule position écologique et raisonnable en matière de politique énergétique.

Que dit-il ?

Que la France n’est pas une abstraction et que les dirigeants mondialistes conspirent à faire disparaître cette réalité gênante, à la dissoudre dans des abstractions (l’UE, « la communauté internationale » …). La France qui ne serait plus qu’un terrain administratif où passent des flux humains, matériels et financiers ne seraient plus la France.

La menace est qu’on nous laisse des bribes de folklore pour consoler notre identité blessée et que nous nous en contentions.

Hélas, l’important n’est pas de pouvoir continuer à manger du cochon, mais que nous continuions à avoir collectivement du pouvoir, c’est-à-dire que la nation française continue à exister souverainement.

C’est bien à cette disparition du caillou dans la chaussure de la mondialisation que travaillent Emmanuel Macron et ses marionnettistes.

Juvin insiste sur le fait que la nation est le bon périmètre pour exercer le pouvoir, pour prendre des décisions concrètes et porteuses d'avenir.

Comme Bruno Bertez et d'autres, Juvin pense que la protection des libertés individuelles contre les manipulations des GAFA offre l'occasion d'un retour de l'Etat régalien. Je doute que celui-ci la saisisse.

Juvin se laisse emporter, certaines de ses idées sont mauvaises, mais tout cela est rattrapé par deux grandes forces :

♘ : son amour de la France est éclatant. Il est évident qu'il parle de héros, de villages, de gens avec le coeur, que ce n'est pas une acrobatie littéraire, tout simplement parce qu'il y raccroche des souvenirs personnels, que cela le concerne personnellement. Ah si, les Wauquiez, Macron et compagnie pouvaient cesser d'être des comédiens, mais la tripe, c'est justement ce qui leur manque.

♘ son idée directrice est juste. Hors de la nation, c'est l'individu et la tribu.

L'un des très grands mérites de ce livre est, de manière de plus en plus rare, de parler sans tabou (de l'immigration, de l'islam, de la soumission à l'Allemagne, du consumérisme, de la beaufitude, les éoliennes, la corruption et les paysages etc).

Juvin pense que le retour du politique (par opposition à l'économisme et au juridisme. Les libertés collectives par opposition à l'extension indéfinie et folles des libertés individuelles) est rendu inéluctable par l'urgence écologique au sens large (environnement, populations, cultures, ...). Il pense que la folie individualiste actuelle n'est possible que dans un contexte de croissance continue, pour en atténuer les effets humains néfastes à l'aide d'un raz-de-marrée de matériels et que cette croissance continue touche à sa fin.

C'est la parti la plus faible de son ouvrage : le futur n'est jamais écrit d'avance.

Il a raison : depuis le XVIIIème siècle, l'extension de l'individualisme se nourrit de la dissolution des solidarités permise par l'empire technique. Mais de là à penser que la date de la fin de ce processus est fixée, il y a un pas que je refuse de franchir. Comme il parle sans tabou, il aborde la question de l'effondrement de l'intelligence des occidentaux, mais sans en tirer les conséquences politiques : la révolte pas des idiots-bêtes est plus difficile.

Juvin établit enfin et tout de même, après tant d’attente, un manifeste conservateur pour la France. Ça manque de concret mais l’esprit est là. Il suffirait de quelques politiciens pour transformer ce manifeste en programme mais, hélas, les hommes, à droite ... comment dire ...

La recension de Zemmour :

Éric Zemmour : « Plaidoyer pour une écologie identitaire »

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(1) : Le programme de Juvin n'est pas une politique de Bisounours. Il assume et combat ses ennemis. « Certaines ONG, certains groupes de pression, certaines entreprises multinationales, certaines Églises ou sectes comptent aujourd'hui parmi les pires ennemis de la France. » Il rompt avec des allégeances qu'on ne remet plus en cause: «La justice est rendue au nom du peuple français. Pas au nom du droit, de la Cour de justice européenne, de cours et de conseils tous plus éminents les uns que les autres…» Il dénonce l'Otan à la manière gaullienne, pour ne plus être entraînée dans des expéditions militaires américaines qui ne sont pas dans l'intérêt de la France ; une politique gaullienne qui aurait eu la chance d'être débarrassée des boulets de la guerre froide et de la menace communiste: «Trente ans après la chute du mur de l'Est à Berlin, la chute du mur de l'Ouest, celui de la colonisation américaine qui coupe l'Europe du continent et interdit l'alliance avec la Russie et la Chine, est la première mission de l'Europe des libertés.»

Sa critique de l'Europe et de l'euro est plus argumentée que celle de Marine Le Pen pendant la campagne électorale.

[…]

« Tout conduit la France à être administrée par un manager américain. Tout la pousse à être gérée par un comptable allemand.» Au moins, Hervé Juvin, comme d'autres, aura essayé de l'arracher à ce destin funeste mais qui semble inéluctable. En vain. Jusqu'à quand ?
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