dimanche, décembre 23, 2018

Mon oncle de l'ombre (S. Trouillard)

C'est le livre d'une Bretonne. Il faut l'entêtement breton pour écrire un tel livre.

Le grand-oncle de Stéphanie Trouillard, André Gondet, est assassiné le 12 juillet 1944, à 23 ans, à Kérihuel, par des traitres français au service des Allemands, en même temps que le capitaine Marienne, une légende des parachutistes.

La famille de l'auteur est muette sur ce drame, ce sont des choses dont on ne parle pas devant les enfants, et dont on ne parle pas, en général.

A la mort de son grand-père, frère du héros martyr, elle se pose toutes les questions qu'elle regrette de ne pas lui avoir posées. Et décide d'y répondre.

A partir d'un état-civil et d'une photo, après des milliers de lettres et d'emails, des centaines d'heures de visites d'archives et d'entretiens, elle parvient à reconstituer le parcours de ce Résistant à la fois ordinaire et singulier.

C'est un livre très émouvant, comme lorsqu'une des dernières survivantes de la rafle lui dit qu'elle a le même visage rond que son grand-oncle.

Elle est souvent accompagnée de ses parents, qui n'en savent pas plus qu'elle.

Elle reconstitue à peu près tout le parcours : le départ en Allemagne pour le STO (ce que toute la génération suivante ignorait), puis l'engagement dans le maquis à la faveur d'une permission, puis les combats finaux du maquis de Saint-Marcel.

A l'issue de ce travail de Romain, Stéphanie Trouillard comprend bien des silences et des non-dits.

Question en suspens : il est admis que le drame de Kérihuel résulte d'une dénonciation ou d'un aveu sous la torture. Stéphanie Trouillard n'en est pas si sûre : depuis plus d'un mois, parachutistes et FFI se battent sans discontinuer, dans un environnement étrange, à la fois amical et dangereux, la vigilance baisse, des négligences apparaissent, ceci suffit peut-être à expliquer cela.

Mention anecdotique : nous célébrons les héroïnes de la Résistance, mais, à l'époque, certains les voyaient comme des « filles à soldats », pas un compliment.

Par réaction au « résistantialisme » de nos pères (ah, ce que le meurtre du père aura fait faire de conneries ...) et par le fait de grands dégueulasses style BHL ou Chirac, on nous  présente désormais la France comme une nation de pétainistes.

Des Français comme André Gondet, ou comme Marie-Julienne Gautier,  ou comme Jeanne Bohec, remettent les choses à l'endroit.

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