samedi, mai 04, 2019

Le kéké de Marseille fait pitié

Pitié-Salpêtrière : Christophe Castaner n’aime pas la vérité. Un ministre digne de son président.

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Extraordinaire d’avoir vu un pouvoir d’État dévoyé un niveau rarement atteint sous la République. Extraordinaire le spectacle d’une presse nationale aux ordres de ce pouvoir. Extraordinaire cette mobilisation d’une classe intellectuelle et médiatique se lançant dans la surenchère pour applaudir un mensonge d’État dont l’évidence aurait pu sauter aux yeux en usant d’un minimum d’esprit critique.

Mais finalement, quelle leçon politique nous a fourni le déroulement de la journée du 2 mai et quel révélateur de la crise qui secoue la société française !

Chacun sait maintenant ce qui s’est passé dans l’après-midi du 1er mai sur le boulevard des Italiens et dans l’enceinte de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière. Le cortège de la manifestation a été scindé en trois par les forces de police, chaque partie faisant l’objet de charges et d’intervention de canon à eau. Cette stratégie volontairement dangereuse enferme les manifestants dans des nasses dont ils ont cherché à s’échapper de peur d’éventuelles violences policières.

C’est ce qui s’est produit avec l’intrusion de groupes pacifiques quelques instants auparavant, dans un parking dépendant de l’hôpital. Les gens, espérant que les policiers se contenteraient de disperser la manifestation sur le boulevard, ont vu avec effroi les policiers entrer dans le parking et y lancer leurs charges alors qu’il n’y avait aucun incident. Éparpillement des manifestants dans l’enceinte de l’établissement qui est une véritable ville avec ses bâtiments et ses rues. Les policiers ont poursuivi leur stratégie folle de chasse à l’homme dans cet entrelacs, provoquant naturellement la panique.

Cette réalité a été travestie par le ministre de l’Intérieur, complètement déshonoré pour l’occasion. Il n’y a pas, en présence, deux versions de ce qui s’est passé comme le prétendent ceux qui se sont imprudemment engagés, quitte à multiplier les contorsions. Il n’y en a qu’une. Celle de la vérité factuelle.

C’est la première leçon. Pour le service de ses petits intérêts politiciens, en période électorale, celui qui a la responsabilité de l’ordre public n’a pas hésité à profiter des excès des forces de l’ordre sous ses ordres et a proféré une série de contrevérités ahurissantes pour disqualifier ceux qui exercent leur droit constitutionnel de manifestation. Après les avoir traités de lépreux, de fainéants, d’illettrés, de foule haineuse, d’antisémites, de factieux, on les qualifie de monstres assoiffés de sang qui s’attaquent au sanctuaire absolu qu’est le service de réanimation d’un hôpital. Chacun sait que Christophe Castaner n’aurait jamais dû être nommé à ce poste, cette dernière initiative n’en est qu’une nouvelle est atterrante illustration.


Quand Libé sauve l’honneur de la presse [ça m'arrache deux mètres de tripes de l'avouer mais c'est vrai]

La seconde leçon concerne toute la cohorte de ceux qui se sont précipités pour soutenir l’insoutenable [dont ce connard à la mords-moi-le noeud de Wauquiez dont je rappelle (c'est si facile de l'oublier) qu'il est censé représenté l'opposition et donc ne pas avaler l'hameçon , le flotteur et la ligne des conneries gouvernementales. Ah, j'oubliais, cet abruti est aussi censé être « brillant»]. Le caractère invraisemblable de la présentation et des accusations sautait pourtant aux yeux.

Malgré cela, précipitation et abdication de tout esprit critique et symptômes de l’allégeance au pouvoir dominant ont conduit l’essentiel des médias, à l’exception heureuse de Libération, à emprunter la voie du déshonneur professionnel. Accompagnés par une collection de personnalités lancées dans une surenchère assez obscène, bombardant Twitter et autres réseaux de messages de courroux solennel condamnant les atrocités. On ne va pas dresser la liste de ceux qui qui voient revenir maintenant les boomerangs, occupés à des contorsions risibles pour se justifier et à essayer d’effacer les messages qui seraient passés au travers des captures d’écran. Citons simplement Martin Hirsch directeur de L’APHP qui n’a pas hésité à évoquer la possibilité d’une volonté meurtrière contre les malades dans « l’attaque » du service de réanimation. Et ce conseiller à l’Élysée auteur d’un statut Facebook vengeur vilipendant les terroristes jaunes et noirs, curieusement disparu dans l’après-midi. Et peut-être aussi Jean-Paul Enthoven, doublement imprudent, d’abord par le relais empressé du mensonge castanérien, puis par un engagement aventureux à manger son chapeau s’il s’avérait qu’il avait tort. Il va falloir s’exécuter Monsieur Enthoven, votre dignité est à ce prix, et sachez que le panache est le seul moyen de réussir ses échecs. On réservera un ban pour Éric Naulleau qui n’a dit que des bêtises et a ensuite tout laissé.

Les réseaux étant pleins de ces vidéos, captures d’écran, explications gênées, voir les uns et les autres patauger dans l’embarras et la confusion, voire un cynisme tranquille, est une vraie gourmandise. Et que dire du spectacle de la caricature de la crise générée par Emmanuel Macron : France d’en haut contre France d’en bas.


Répression partout, justice nulle part

C’est justement là que se loge la troisième leçon. Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a accentué les atteintes aux libertés publiques. Comme seule réponse à la crise politique qu’il a provoquée, il a ensuite instrumentalisé la police à des fins de répression violente dont la brutalité et les illégalités se multiplient sous le regard des caméras dont tous les citoyens disposent aujourd’hui si bien qu’on retrouve des vidéos effarantes à foison sur les réseaux. Sous le regard stupéfait de la presse et des institutions internationales, on y voit dans toute la France les membres forces de l’ordre se comporter trop souvent comme des nervis.

Emmanuel Macron, bénéficiant d’une complaisance désolante de la magistrature, a instrumentalisé la justice et mis en place une répression judiciaire d’une brutalité inconnue depuis la guerre d’Algérie. Il ne faut pas se tromper, la panique des manifestants sur la passerelle devant le service de réanimation de la Salpêtrière a pour origine cette peur justifiée de la violence policière et de la brutalité judiciaire qui multiplie gardes à vue illégales et peines de prison délirantes.

Enfin, Emmanuel Macron a instrumentalisé une Assemblée nationale croupion, composée de parlementaires godillots qui acceptent sans broncher de voter des textes gravement liberticides, sans que le Conseil constitutionnel d’Alain Juppé n’y voie d’inconvénient.
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« Quand les gardiens de la vérité se font avoir au jeu du fact-checking »

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Les esprits soupçonneux iront plus loin. Ils feront remarquer que depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » , la rhétorique officielle combine deux registres: le grand débat pour trouver des solutions concrètes (le Bien) et la violence des manifestants (le Mal). Sur ce second thème, le discours officiel, un moment obsédé par une mythique tentative « à la février 34 » de l’ultra-droite (ou « c’est la peste brune qui remonte les Champs-Élysées» ), s’est ensuite fixé sur des violences « contre les valeurs républicaines », puis sur la problématique beaucoup plus réaliste des black blocs.

Cela incite La République en Marche à adopter le langage du parti de l’ordre (d’où un petit gain à droite dans les sondages) et à répéter le mantra: violence, populace et factieux. Cette vieille thématique des classes dangereuses demande à être ravivée par des exemples qui nourrissent la peur. Considérant que l’action des groupes ultra avec images d’émeutes le servent, le gouvernement jouerait l’exploitation objective des désordres, pourtant minoritaires. Quitte à les exagérer ou à surinterpréter.

Du reste, des vérificateurs ont déjà décelé nombre de désinformations provenant non pas des manifestants - qui sont volontiers présentés comme complotistes ou prêts à croire les intoxications en ligne, ce qui n’est pas toujours faux - mais les partisans du président. Qu’il s’agisse d’attribuer aux « gilets jaunes » l’incendie du musée du jeu de Paume ou d’inventer qu’un manifestant filmé fait le salut nazi (alors qu’il dit « Ave Macron » et salue comme dans Astérix). Ce serait donc une stratégie de communication délibérée, quitte, comme le ministre de l’Intérieur, à proférer ce que l’on considérerait comme des « faits alternatifs » dans la bouche de Donald Trump.

Nous ne pouvons par trancher entre la thèse de l’énervement et celle de la diabolisation stratégique. Mais dans tous les cas, ce sont des signes annonciateurs de nouvelles luttes politiques. Elles auront pour enjeu l’établissement de faits qui se déroulent pourtant la plupart du temps à portée de caméra: l’interprétation de ce qui se déroule ostensiblement. Nous savions déjà que les mêmes images montées différemment et avec d’autres mots pouvaient mettre la responsabilité et la théâtralité de la violence d’un côté ou de l’autre. Nous savions que les réseaux sociaux, vers lesquels se retournent volontiers les « gilets jaunes » (méfiants à l’égard des médias classiques) peuvent donner une version totalement contraire des mêmes incidents. Mais aussi fournir des images et des témoignages qui renvoient la responsabilité à l’autre camp et contestent la version « officielle ». La réalité, même documentée, est donc ouverte à des lectures divergentes, preuves et contre-preuves, mentis et démentis.
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