lundi, juin 17, 2019

Ils ont conduit les Alliés à la victoire (D. Feldmann)

D. Feldmann s'intéresse à l'échelon « N-2 », ni commandant suprême , ni commandant de groupe d'armées mais commandant d'armée.

1) : A. Patch. Commande la 7ème armée américaine qui remonte de la Provence à l'Allemagne. Pragmatique, imaginatif, modeste, efficace. Il fait avec ce qu'il a. Il n'ennuie pas ses supérieurs. Le commandant d'armée idéal. Il manque de sens politique pour aller au niveau supérieur.

2) J. de Lattre de Tassigny. Commande la 1ère armée française à la droite de Patch. C'est tout le contraire : la diva. Il gagne largement son surnom « le théâtre de Marigny». Peu pragmatique sans être imaginatif. Injuste, instable, volontiers manipulateur. Peu efficace.

En revanche, il a un sens politique qui fera ultérieurement sa réussite en Indochine, où il est détaché des aspects opérationnels, dans lesquels il n'excelle pas.

Inférieur à Leclerc à tous égards (d'où les frictions entre les deux, qui se détestent, le bon étant subordonné au nettement moins bon). Les pertes de la 2ème DB augmentent dès qu'elle est placée sous le commandement de de Lattre.

3) H. Crerar. Commande la 1ère armée canadienne qui va de la Normandie à l'Allemagne, intégrée au dispositif de Montgomery. C'est un administratif, malgré une grande expérience comme artilleur pendant la première guerre mondiale. Il n'est pas à l'aise dans l'opérationnel, qu'il laisse à ses subordonnés.

C'est un politique qui n'a que peu d'impact militaire. Il a eu beaucoup de chance de la 1ère armée canadienne ne fut, de par son placement, jamais sous la pression d'une contre-attaque allemande.

4) C. Hodges. Commande la 1ère armée américaine, placée entre Montgomery et Patton. Sa promotion vient de sa familiarité avec la bande à Eisenhower. C'est un Patch sans les qualités militaires. Son armée est connue pour avoir libéré Paris.

L'armée américaine lui doit le massacre de la forêt de Hurtgen. Il s'est acharné sur un objectif secondaire favorisant outrageusement le défenseur allemand. Il a fallu que son supérieur Bradley intervienne pour qu'il remette la situation en perspective et cesse des attaques très meurtrières sans grand intérêt stratégique.

Ayant épuisé ses réserves dans des combats stériles et s'étant lui-même épuisé dans une vaine agitation, il s'effondre physiquement lors de l'offensive allemande des Ardennes mais n'est pas relevé de son commandement à cause de son copinage avec Bradley et Eisenhower.

Capricieux, injuste, mesquin, il n'a rien qui attire la considération.

5) G. Patton. Commande la 3ème armée américaine, celle qui est le plus à l'ouest, puis au sud du dispositif, à partir de la Normandie. C'est une grande gueule très attachée à son image, au point de falsifier son journal intime a posteriori, mais y a-t-il quelque chose derrière la façade ?

Il n'est engagé que le 1er août, Bradley et Eisenhower se méfiant de lui pour la phase statique de la bataille de Normandie. La poursuite en Bretagne puis le long de la Loire convient parfaitement à son tempérament de fonceur. Personne n'aurait avancé plus vite que lui sur son front : 600 km en 20 jours (mais Patch au sud ou des généraux russes -ou allemands- ont fait aussi bien).

En revanche, dès que les Allemands se réorganisent et résistent, il fait preuve d'un manque de flexibilité et d'imagination étonnant à ce niveau. Il persiste à attaquer frontalement les fortifications de Metz, alors que, plus au sud, Nancy est vulnérable (le général français Juin est même obligé de lui indiquer cette vulnérabilité !).

De plus, ses voisins des armées limitrophes, Hodges et Devers, se vengent de son coté diva en ne l'aidant pas autant qu'ils pourraient si leurs relations étaient bonnes.

Il n'est pas économe ni soigneux de ses hommes. C'est bien dommage.

Par contre, sa contre-attaque de l'offensive allemande des Ardennes est excellente, ainsi que sa percée vers le Rhin.

Eisenhower pense que Patton est à son niveau maximum comme général d'armée et qu'il ne faut pas le promouvoir. Les généraux allemands, un temps impressionnés en Tunisie, ont pris la mesure du personnage et ne semblent pas le redouter outre mesure. Ils positionnent plus de troupes contre Patch.

Les Allemands disent de lui qu'il est le meilleur général de blindés allié (en fait, il est le seul !). C'est un compliment aigre -doux : il n'est que général de blindés. Il ne viendrait à l'idée de personne de traiter Von Manstein de général de blindés.

Enfin, il est d'un antisémitisme violent qui en aurait fait un bon nazi. Ca la fout un peu mal.

Bref, pas un général exceptionnel.

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Je savais déjà Eisenhower et Montgomery assez médiocres. Les autres, à l'exception de Patch (et de Devers, de Juin et de Leclerc), ne sont guère mieux, quand ils ne sont pas franchement pires, comme Hodges.

Bref, les généraux alliés ne sortent pas grandis de cet ouvrage. Ils manquent plusieurs fois des occasions décisives. Ils se comportent plus comme des administrateurs que comme des généraux.

Peut-être ont-ils déjà basculé dans notre monde, celui où on manage plus qu'on ne dirige.

Il est vrai que, après avoir stagné à des grades de colonel dans l'entre deux guerres, ils ont bénéficié d'une ascension fulgurante. En grillant les étapes, ils ont sans doute manqué quelques apprentissages. Et aussi quelques filtres.

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