samedi, février 22, 2020

Nos ancêtres les paysans : mais au fait combien de français ont encore une idée de la vie à la ferme ?

D'après une étude réalisé par l'IFOP et datée de 2018, 81% des Français estiment que la vie à la campagne représente le mode de vie idéal. La campagne séduit donc et pourtant de moins en moins de Français ont de liens réels avec le monde agricole.D'après une étude réalisé par l'IFOP et datée de 2018, 81% des Français estiment que la vie à la campagne représente le mode de vie idéal. La campagne séduit donc et pourtant de moins en moins de Français ont de liens réels avec le monde agricole.

Avec Sylvie Brunel


Atlantico : On parle de la France comme étant un pays agricole mais les Français savent-ils encore ce qu'est réellement la vie à la campagne ? Que savent-ils concrètement du quotidien d'un agriculteur ? Quel pourcentage de la population a encore des liens avec le monde agricole ?

Sylvie Brunel : En réalité, 95 % de la population française vit désormais sous influence urbaine et se fait de l’agriculture une image fantasmée, soit nostalgique, soit passéiste. Elle ne connaît rien ou presque de la technicité et du professionnalisme du monde agricole aujourd’hui, de l’ampleur des normes sanitaires, des obligations légales, des contrôles répétés, du nécessaire respect du droit du travail, des cahiers des charges draconiens des acheteurs… Aujourd’hui, pour avoir une exploitation agricole, il faut être bon dans tous les domaines. Mais pour l’opinion publique, le paysan reste toujours plus ou moins un « bouseux » qu’on peut sans scrupule renvoyer à la pénibilité, aux durs travaux à la main, à des revenus chichement comptés. Quand il gagne correctement sa vie, le voilà suspect ! Et tout le monde s’autorise à donner des leçons de nature aux paysans, ce qu’on ne ferait pas dans l’automobile, l’énergie ou l’architecture par exemple.

Quelles catégories socioprofessionnelles de la population entretiennent encore des liens avec le monde agricole ? Quelles sont les régions les plus touchées par cette déconnexion avec le monde agricole ?

Sylvie Brunel : En amont c’est-à-dire dans le secteur de fournitures des intrants, des machines, de la construction, comme en aval, dans celui de la transformation et de la distribution, on estime que l’agriculture et l’agro-alimentaire concernent 14 % de la population active, ce qui fait de ce secteur le premier employeur privé de France, avec l’artisanat. Mais j’ai pu observer que la connaissance du monde agricole est souvent cloisonnée, par régions et par filières. Les viticulteurs bordelais ne connaissent pas toujours les éleveurs de porcs bretons, pourtant ils ont également entamé une démarche de responsabilité sociétale et environnementale. Mais les préjugés et la stigmatisation existent même au sein du monde agricole, parce que sortis de leur domaine de compétence, les agriculteurs eux-mêmes vont reproduire les idées reçues transmises par les médias. Le pire à mes yeux, ce sont les élites urbaines éduquées et en quête de critères de distinction, qui ne jurent que par le bio, le local, le « sans pesticides », sans connaître les conséquences économiques et sanitaires de leurs partis-pris. Je crains beaucoup le retour des pénuries, des contaminations, de la nourriture chère, de la dépendance alimentaire de la France, qui en seront les conséquences à moyen terme si nous continuons dans cette lancée. De nombreux risques sanitaires graves, comme les mycotoxines, sont ignorés des citadins prêts à bannir tous les traitements sans même savoir à quoi ils s’exposent [comme vous le savez, je suis pour l’extermination de ses connards, écolos urbains  trottinette, vegans, animalistes comme priorité nationale].

Si l'on s'intéresse précisément aux jeunes (moins de 30 ans) sont-ils encore plus coupé de la réalité du métier d'agriculteur ?

Sylvie Brunel : Beaucoup de jeunes sont fascinés par le monde agricole, synonyme de nature et de liberté. A l’heure du chômage de masse, on recrute dans les campagnes ! Il y a de nombreux postes à pourvoir. Beaucoup de communes rurales voudraient voir se réinstaller des jeunes, synonymes de renaissance, de territoires vivants, pour les services ou l’école. Les nouvelles installations de jeunes agriculteurs montrent qu’ils sont plus diplômés, pour un tiers issu de milieux non-agricoles (« hors cadre familial »), tentés par le bio et la pluriactivité. Et un sur six est une femme. Il y a un renouvellement profond de la profession, d’autant plus nécessaire que la moitié des agriculteurs va partir à la retraite dans les dix ans. 

Quelles sont les projections pour l'avenir ? Cette déconnexion devrait-elle s'aggraver ?

Sylvie Brunel : La déconnexion actuelle entre les citadins et les paysans devrait donc s’inverser à terme. J’espère que ce n’est pas un vœu pieu : actuellement les néoruraux, attirés à la campagne parce qu’ils la trouvent belle grâce au travail des agriculteurs (lavande, tournesol, haies, chemins ruraux…), leur pourrissent la vie à peine installés, à cause du bruit, des mouches, des crottins ou des bouses sur les routes, des tracteurs, des traitements, toujours perçus comme illégitimes  [avant, ces connards faisaient chier à distance, à cause du pouvoir qu’ils ont. Maintenant, ils viennent faire chier à domicile. Comme dit plus haut, l’extermination des bobos me semble une excellente idée, j’ai les noms. Même si on peut considérer qu’un programme si vaste est utopique]. Les tensions sont innombrables dans le périurbain. Les zones de non-traitement risquent de multiplier les broussailles, les friches et le découragement, et de servir de sanctuaires aux bioagresseurs des cultures. Il faudrait que les maires cessent d’installer des maisons au milieu des champs pour que les agriculteurs puissent travailler sereinement. Reconnaître qu’ils sont d’intérêt général. Une espèce en voie de disparition à protéger en priorité. Les premiers défenseurs d’une nature sculptée, apprivoisée, nourricière, ce sont les paysans !

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