samedi, février 15, 2025

De Gaulle: L'or, le dollar et la France (1940-1970) (Gilles Ragache)

Quelques notes jetées à la va-vite :

> entre 1940 et 1945, la guerre pour l'or français (réfugié en Martinique) et contre la dictature américaine du dollar a été rude, mais, grâce à sa formidable intuition qui lui faisait deviner les manœuvres de ses ennemis et à l'appui des opinions publiques, De Gaulle l'a plutôt remportée.

> en 1948, De Gaulle a envisagé de mettre au programme du RPF la « dénationalisation » de Renault. Il n’est pas l’étatiste forcené dont nos communistes de gouvernement se réclament.

> les questions économiques occupent la moitié des ordres du jour des conseil des ministres entre 1958 et 1969. Il est absolument faux de dire que De Gaulle se désintéressait de l’ « intendance ». Une des leçons qu’il tire de la défaite de 1940 est que la France doit être une puissance industrielle pour assurer sa défense.

> en 1962, la France a remboursé toutes ses dettes extérieures.

> De Gaulle est très réticent aux avances de la Banque de France parce qu’elles sont inflationnistes et que l’inflation rend vulnérable à la spéculation contre le Franc (autant pour les crétins qui pestent contre « la loi de 73 » ).

> De Gaulle a bien compris que les accords de Bretton Woods sont bancals (pour financer leur guerre au Vietnam, les Américains sont obligés de saboter leur monnaie, donc le système monétaire mondial) et mène une guérilla contre le dollar, notamment en demandant à la Banque de France d’exiger que les Américains nous remboursent une partie de nos dollars en or.

> début 1968, la France est en passe de monter une coalition européenne contre la dictature du dollar, puis arrivent les événements de mai (bien sûr, ça n’a aucune rapport, n’est-ce pas ?).

> en novembre 1968, De Gaulle joue un bon tour aux spéculateurs.

Le ministre allemand des finances se réjouit bruyamment de la dévaluation du Franc qu'il croit proche. C'est à la fois une faute de goût, une faute politique et une faute psychologique.

De Gaulle lance une rumeur que la décision de dévaluation est prise (notre ministre des finances de l’époque témoigne que cette rumeur est une demande personnelle de De Gaulle) et annonce à l’issue du conseil des ministres deux jours plus tard qu’il n’y aura pas de dévaluation. Jeu, set et match. L'imMonde qui avait fait sa manchette sur la dévaluation est piégé, comme les spéculateurs, Viansson-Ponté, son directeur, commente : « Le Vieux a encore de la ressource ». Ses ennemis, beaux joueurs, applaudissent le coup de maitre (ils savent que le règne du souple Pompidou n’est pas loin).

Le jeune ministre du budget, Jacques Chirac, était partisan de la dévaluation.

> Aussitôt au pouvoir, Pompidou s’empresse de lâcher tout ce sur quoi De Gaulle résistait, dont la dévaluation. De Gaulle n’est pas surpris.

Avec le recul, on voit que De Gaulle volait à une tout autre altitude que le très intelligent Pompidou. Mais ce n'était pas tant une question d'intelligence que de psychologie : Pompidou voulait plaire, alors que De Gaulle méprisait les hommes, en particulier « les notoires et les notables », s'en fichait de leur plaire et prenait sans doute quelque plaisir à leur déplaire.