jeudi, décembre 19, 2024

L'été 14 (Adolphe Messimy)

Adolphe Messimy est un saint-cyrien républicain, qui a démissionné de l'armée suite à l'affaire Dreyfus pour s'engager en politique.

Ministre de la guerre (à l'époque, on ne tourne pas autour du pot avec les titres ministériels) en 1911, puis du 13 juin au 27 août 1914. Après quoi, il passe la guerre au front (un ex-ministre en première ligne, ce n'est pas tous les jours. Chez les Anglais, il y eut Churchill).

C'est lui qui, en 1911, nomme Joffre généralissime. Il s'en mordra les doigts dans les tranchées (là encore, c'est rarissime qu'un ministre subisse directement les conséquences de ses décisions). Il a aussi essayé, sans succès, contrecarré par la collusion des industriels et des services de l'armée, de pousser l'artillerie lourde. La pénurie d'appuis lourds sera un drame de l'armée française jusqu'en 1916.

Ses carnets de l'été 1914 ont été publiés après sa mort, mais il en avait préparé l'édition.

Ils sont très intéressants.

La tension de cet été maudit est palpable, insupportable. Messimy est un colérique, instable. En conseil des ministres, il tente d'étrangler son collègue de la Marine (vous imaginez la scène !). Il indispose. Au moins, Messimy a, plus que ses collègues, conscience de la précarité de la situation de l'armée française.

Rappel, la journée la plus meurtrière de l'histoire de l'armée française, le 22 août 1914, 27 000 morts :

22 août 1914 (JM Steg)

Il prend deux bonnes décisions, une excellente et une très mauvaise.

Les deux bonnes décisions :

> pousser les Russes à l'offensive immédiate dès fin juillet (sans cela, pas de victoire de la Marne).

> ordonner, contrairement aux plans, le transfert immédiat des divisions marocaines, elles arriveront juste à temps pour la Marne.

L'excellente :

> virer le général Michel et nommer Gallieni gouverneur militaire de Paris, en brusquant les procédures du temps de paix. Gallieni est un militaire comme on les voudrait tous : décidé, imaginatif, pertinent. Début août, il a imaginé que les Allemands traverseraient la Belgique par Liège et seraient début septembre devant Paris. Il en a discuté avec Messimy. Les événements confirment qu'il est l'homme de la situation.

A noter : en 1913, avait eu lieu un exercice sur table. Gallieni commandait les armées allemandes ! La conclusion était claire. Les armées françaises devaient adopter une stratégie défensive, pour empêcher les armées ennemies, plus nombreuses, de profiter des mouvements pour se déployer et nous déborder. Comme quoi, le désastre d'août n'avait rien d'un coup du sort imprévisible. La seule surprise (de taille) de ce début de guerre est la mobilisation des réserves allemandes, qui renforce l'argument en faveur de la posture défensive. Joffre était un âne (mais il a bien préparé la mobilisation, c'était le genre de travail bureaucratique adapté à ses capacités limitées).

Pendant ce temps, Lanrezac sauve l'armée française de l'encerclement après le désastre de Charleroi (21-23 août) en ordonnant le repli général (en désobéissance des ordres du GQG), puis s'effondre, à bout de nerfs.

La très mauvaise :

> soucieux de ne pas reproduire les fautes de l'impératrice Eugénie s'immisçant dans les opérations militaires, Messimy laisse la bride sur le cou à Joffre, qui est un butor sans imagination et sans honnêteté, qui rejette ses fautes sur ses subordonnés et n'hésite pas à falsifier ou à « perdre » des documents pour aménager sa gloire. Son attitude vis-à-vis de son ancien chef Gallieni (qui a tort d'avoir raison) est indigne.

Situation totalement folle, le GQG de Vitry tient le gouvernement, y compris le ministre de la guerre, dans l'ignorance totale des défaites françaises, que les ministres apprennent par la presse anglaise et la presse suisse, non censurées, et par les préfets, qui signalent l'avance de l'ennemi. Cela aurait du valoir à Joffre d'être fusillé avant la fin de 1914, une fois le danger imminent passé.

Et le débat avec Gallieni n'est guère mieux : Joffre veut une contre-attaque de face, front à front. Gallieni estime que les troupes sont trop épuisées et qu'elles se feront hacher. Il préfère une attaque de flanc. C'est évidemment lui qui a raison.

Le seul ordre direct que Messimy donne à Joffre est de fournir des troupes à Gallieni. Ordre salvateur. Quel dommage que le duo Messimy-Gallieni, qui avait une vision bien plus correcte de la situation, n'ait pas plus pesé.

Le gouvernement va trainer Joffre comme un boulet jusqu'à la fin de 1916, sans oser reprendre la main.

Les munitions

Et puis, il y a, dès août, la crise des munitions : l'état-major avait prévu de consommer 8 000 obus de 75 par jour, la consommation réelle est de 100 000 (et deux ans plus tard, 1 000 000 !). Messimy secoue les industriels et apprend que les composés chimiques pour fabriquer la mélinite venaient ... d'Allemagne !

Les solliciteurs

Le 23 août 1914, la situation des armées françaises est dramatique. Le GQG fait le black out mais les rapports des préfets ne laissent aucun doute sur la débandade des troupes et sur l'avancée de l'ennemi.

Le président du conseil René Viviani sollicite un entretien urgent au ministre de la guerre.

M. Viviani a une maitresse, cette dame a un mari mobilisé et ce monsieur n'aime pas l'ambiance de la chambrée, il préférerait coucher chez lui tous les soirs. Messimy a déjà dit non plusieurs fois à ce passe-droit. C'est pourquoi Viviani revient à la charge. On sent que, vingt ans après, Messimy reste saisi par l'incongruité de la démarche en de telles circonstances. Bien sûr, il refuse.

Il refuse d'ailleurs toutes les demandes de ce genre (il en a une liste longue comme le bras), inflexibilité qui lui fait beaucoup d'ennemis puissants.

Un solliciteur est plus malin que les autres. Devant le refus du ministre, il s'adresse à ses subordonnés (bien entendu, sans préciser que le ministre vient de refuser).

La faute

Messimy commet la faute, à la fois faute de goût et faute politique, de provoquer la « polémique du XVème corps ». Sur la foi de rapports erronés, il accuse, par l'intermédiaire d'un journaliste ami, les méridionaux doivent eu des « défaillances ». Tollé justifié. Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du pays, c'est vraiment mal venu d'accuser une partie de la population. Messimy « saute ».

La pratique de Joffre de rejeter l'effet de ses propres erreurs sur les « défaillances » de la troupe est absolument ignoble quand on connait les trésors d'héroïsme des soldats français, bien révélatrice de ce petit personnage, pas à la hauteur des hommes qu'il commande.

En réalité, Messimy paye la catastrophe du mois d'août 14 (et encore : les politiciens ne connaissent pas l'ampleur des pertes, que le GQG leur cache soigneusement, ils ne comprendront vraiment, épouvantés, que début 1915. Tout de même, ils se doutent que ça ne va pas bien.) et sa droiture.

Son successeur Millerand aura la responsabilité des catastrophes joffristes et Messimy dit qu'il en est soulagé. Il finira la guerre général de division.

La nomination de Joffre et les drames qui en découlent ne sont pas des accidents mais le résultat logique du manque de légitimité de la raie-publique. Elle se sent si peu sûre de son bon droit qu'elle préfère nommer un crétin dont elle n'a rien à craindre (sauf la défaite).

Compléments :

Les carnets de Gallieni

vendredi, novembre 15, 2024

Charles de Gaulle : L'angoisse et la grandeur (Arnaud Teyssier)

L’intérêt de celle d’Arnaud Teyssier, c’est qu’il a compris que de Gaulle avait un côté poétique, un peu fou, et que ça faisait sa singularité.

L'énigme des anti-gaullistes

Les anti-gaullistes (il en reste beaucoup) sont des crétins. Mais pourquoi ?

Je mets à part les nostalgiques de l’Algérie française incapables de surmonter leur sentimentalisme.

Pour moi, c’était simple. Pétain avait exposé une vision politique dans son discours du 17 juin 1940, de Gaulle avait exposé une vision opposée dans son appel du 18 juin 1940. La suite avait donné tort à Pétain et raison à de Gaulle, point par point. Pétain et les anti-gaullistes avaient tort, de Gaulle et les gaullistes avaient raison. Affaire réglée.

Alors pourquoi cette persistance des anti-gaullistes ? Je pense que c’est le côté poétique, fou, qui irrite. Les anti-gaullistes prennent cela pour du mensonge, ce n’est pas totalement faux. C’est pourquoi ils traquent minutieusement ce qu’ils considèrent comme les mensonges gaulliens, sans comprendre que l’esprit est juste (la France a été militairement écrasée en 1940 mais c’était faux de croire cet état définitif. Donner aux Français des raisons de croire en eux-mêmes, à la France une motivation pour se redresser).

Les anti-gaullistes reprochent à de Gaulle de se prendre pour Jeanne d’Arc alors que les gaullistes s’en félicitent. Quand les anti-gaullistes sont catholiques, ils sont doublement crétins : ne pas croire aux miracles, rejeter notre dirigeant le plus catholique depuis Louis XVI.

En fait, l'anti-gaulliste est incapable d'élévation, est irrité par Don Quichotte. Bref, on y revient, c'est un crétin. L'anti-gaulliste aurait trouvé en 1429 que Jeanne d'Arc en faisait trop et qu'il valait mieux se débarrasser de cette bergère surexcitée et s'arranger avec les Anglais.

Quand à la prétention des anti-gaullistes à la vérité, c'est toujours le même cinéma. Dès qu'on leur met le nez dans leur caca, ils se braquent. J'ai démonté récemment sur Touiteur  la légende noire de « de Gaulle, sous-marin des communistes » auprès d'un anti-gaulliste : il m'a bloqué. Les anti-gaullistes sont largement irrationnels, leur refus de l'élévation est psychologique, mais ce n'est pas à moi de les psychanalyser.

Bref, au fond, l'anti-gaulliste prend le gaullisme pour un reproche personnel. Est-ce justifié ? Je ne sais pas, je ne sonde pas les reins et les cœurs.

Folie et raison

Comme Teyssier a bien compris que, dans les moments tragiques de l'histoire, la folie à court terme (partir tout seul à Londres) est la raison à long terme (parier sur une guerre mondiale), son de Gaulle se tient bien.

Un militaire anti-militariste

C'est un point qui m'amuse beaucoup. Teyssier n'y insiste pas. De Gaulle était un militaire antimilitariste. Il voyait l'armée comme une grande chose mais ne débordait pas d'estime pour  les militaires.

On connait dans Le fil de l'épée « Parfois, les militaires, s’exagérant l’impuissance relative de l’intelligence, négligent de s’en servir. » Ou, lors du putsch d'Alger « Vous ne les connaissez pas, ce sont des militaires, ils vont s'embrouiller » (ce n'était pas mal vu).

Il faut dire que, quand on a affaire à des ânes bâtés comme  Gamelin, Weygand, Giraud, ça n'incite pas à l'estime. Et puis, les militaires sont par nature étroits d'esprit (la largeur d'esprit est la porte ouverte à l'indiscipline, De Gaulle en étant lui-même un exemple). Tous les militaires ne sont pas Lyautey. 

Le CNR expliqué

Certains croient encore que de Gaulle était juste un ambitieux voulant le pouvoir. C'est un manque de discernement peu commun : dans ce cas, de Gaulle aurait couru à Vichy, comme tant d'autres, et non à Londres.

Teyssier fournit l'explication la plus claire du Conseil National de la Résistance que j'ai lue.

La création du Conseil National de Résistance (CNR) s'inscrit dans  l'obsession gaulliste depuis juin 1940 (sûrement un peu avant le 18 d'ailleurs) : rétablir l'Etat pour rétablir la souveraineté de la France.

De Gaulle a donc besoin qu'à la Libération, il y ait une parfaite continuité de l'Etat, afin que personne (Américains, communistes, vichystes repentis -Laval avait des idées en ce sens, Herriot aussi, ...) ne puisse profiter de ruptures dans le service pour brader la souveraineté française.

A l'extérieur, cette fonction est remplie par le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) algérois, qui deviendra juste avant le débarquement le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF).

Mais, Alger, c'est de l'autre côté de la Méditerranée (si, si).

De Gaulle a besoin d'un pendant en métropole. C'est le CNR. Pour assurer, cette continuité de l'Etat non-partisane, il faut inclure large, d'où les communistes (ce que ce des crétins ne comprennent toujours pas) et les anciens partis (Pierre Brossolette ne l'a pas compris). Seuls exclus : le PSF (les Croix de Feu), et encore, après débat.

Jean-François Revel, jeune courrier de la Résistance (et futur pédophile, mais c'est une autre histoire), s'est plaint de trimballer à ses risques et périls des documents abscons sur des études fumeuses. Mais c'est dans la culture étatique d'aimer le papier et les études fumeuses.

Teyssier a bien compris que les anti-gaullistes de cette époque ont la nostalgie de la IIIème république et se défie du pouvoir exécutif, comme si la défaite n'avait pas été causée par l'impéritie du régime, ce qui témoigne chez ces gens très « intelligents » d'une singulière cécité.

Il estime que les anti-gaullistes sont tout simplement des conservateurs au sens péjoratif, qui ont horreur du changement et veulent conserver à tout prix leur position dominante. Comme la bourgeoisie est la classe bavarde, ils habillent leur égoïsme d'une logorrhée de « bonnes » raisons. Un Michel de Jaeghere (du Figaro) en est aujourd'hui un parfait exemple.

Teyssier, en s'appuyant sur la correspondance de Morand et de Chardonne, tous deux anti-gaullistes virulents, rend son verdict : au fond, ce que les anti-gaullistes détestent, c'est le pouvoir politique. Ils préfèrent toujours Retz, qui a écrit des mémoires superbes mais a échoué dans tout ce qu'il a fait, à Mazarin et à Richelieu.

Mitterrand a détruit la Vème république pour la même raison. Et la tantouse perverse Macron n'est pas autre chose : ce vrai psychopathe aime le pouvoir personnel et sadique, le pouvoir d'arracher les ailes des mouches et de faire souffrir les Français, mais le pouvoir politique, il s'en abstient complètement, il s'en débarrasse, il le délègue à von der Leyen, à Bruxelles, à Berlin, à Washington, à Doha, à la terre entière, mais il ne s'en empare surtout pas.

Le comportement de Jean Moulin est remarquable en sens inverse : il a tout de suite compris l'essence du gaullisme, ce qui est très étonnant chez ce préfet du Front Populaire (mais le gaullisme ne sortait pas de nulle part, il est issu de réflexions des années 30 que Jean Moulin connaissait). Les crétins anti-gaullistes (c'est le fil rouge de cette recension !) expliquent cela par le fait que Moulin aurait été agent soviétique, pure calomnie (ces gens sont décidément très bêtes, emportés par leur passion fausse) que rien n'a jamais confirmée (ni dans ses décisions, ni dans les archives soviétiques).

De Gaulle est un étatiste qui vit dans l'angoisse d'une défaillance de l'Etat. Il est étatiste non en théorie mais par réalisme pour la France : il considère que les Français ont une longue habitude de se reposer sur l'Etat, qui remonte à des siècles et qu'il est idiot de faire comme si ça n'existait pas.

Burnham

James Burnham est connu pour avoir théorisé dans les années 30 que les citoyens et les actionnaires seraient dépossédés de leur pouvoir et soumis à des technocrates-techniciens, les managers, aussi bien dans les démocraties que dans les pays totalitaires.

En 1943, comme Walter Lippmann 20 ans avant, il a écrit un livre The machiavellians, pour dire que les apparences de la démocratie devait être sauvegardées, mais seulement les apparences.

Il était aussi un agent de la CIA, qui a écrit une note sur le RPF (Rassemblement Pour la République), le parti gaulliste. Il a même publié un livre d'entretiens sur de Gaulle avec Malraux en 1948, The case for de Gaulle.

Et, en contrepartie, ou en parallèle, il écrit quelques articles pour la revue du parti. Il est très probable que de Gaulle les a lus.

La pratique du pouvoir (chrétienne)

La pratique du pouvoir gaullienne est aux antipodes de celle des minus comme Sarkozy ou Macron. Il délègue beaucoup, peut-être trop, et tranche quand l'essentiel est en jeu.

Sans doute, par exemple, a-t-il regretté d'avoir trop délégué les questions éducatives.

On en revient à la conception du pouvoir : les successeurs de de Gaulle depuis Giscard cherchent tous dans le pouvoir une flatterie de leur ego problématique, et non un service.

Or, la conception chrétienne du pouvoir comme service, et même comme sacrifice, est la seule vraiment féconde (elle est l'un des facteurs qui expliquent que le développement se soit produit chez nous et pas ailleurs).

On a un enregistrement de De Gaulle discutant avec ses subordonnés, ce n'est du tout « starteup nèchione ».

Le révolutionnaire De Gaulle

Teyssier a bien compris la nature révolutionnaire du gaullisme par rapport à ce qui se pratiquait depuis la chute du second empire, c'est-à-dire un régime bourgeois faussement démocratique (« La démocratie, c’est ce régime où les démocrates décident qui a le droit d'être élu » Charles Maurras).

J'ai déjà traité de ces aspects dans deux billets (et, en plus, deux livres de Teyssier) :

De Gaulle 1969. L'autre révolution (A. Teyssier)

Deux tiers des articles de la constitution ont été révisés, avec des conséquences très lourdes, plus diverses décisions gravissimes, absolument contraires à la volonté gaullienne, du conseil d'Etat et du conseil constitutionnel. Il est donc de mauvaise foi d'accuser De Gaulle d'avoir fait une mauvaise constitution en jugeant son fonctionnement actuel.

Le côté révolutionnaire d'un exécutif fort en prise direct avec le peuple a été totalement effacé par les petits hommes gris. Le régime des partis a reparu pire que jamais.


Par rapport à De Gaulle, Pompidou était dépourvu d'intuition. Ce qui fait que les textes du « vieux » De Gaulle paraissent plus actuels que ceux du « jeune » Pompidou.

Mai 68, c'est la victoire de la bourgeoisie sur le peuple. Certains l'ont compris immédiatement ("Je vous hais chers étudiants" : quand Pasolini fustigeait Mai-68).




dimanche, novembre 03, 2024

The second world wars (Victor Davis Hanson)

J'avais assez peu apprécié son précédent ouvrage, décousu, sur la guerre du Péloponnèse.

Victor Davis Hanson reprend le même procédé, mêlant chronologie et thématique, mais, pour une période que je maitrise, cela me gêne beaucoup moins.

Le pluriel du titre est une coquetterie superflue.

Il commence par quelques remarques de recadrage, comme de constater que les pays de l'Axe ont tué très majoritairement des civils et les Alliés des militaires, ou que les pays de l'Axe n'ont jamais été préparés, ni militairement ni économiquement, à une guerre mondiale.

Victoire impossible

La victoire de l'Axe dans une guerre mondiale était impossible.

Au mieux du mieux, l'Axe pouvait espérer une paix de lassitude qui fige les positions.

Hitler a signé le pacte germano-soviétique en 1939 pour cette raison (éviter l'embrasement généralisé) et il a persisté à espérer une paix blanche avec la Grande-Bretagne.

Barbarossa, l'attaque du 22 juin 1941, était un coup de dés, provoqué par la résistance churchillienne.

L'idée étant que, privée de l'allié potentiel soviétique, la Grande-Bretagne reviendrait à la « raison ». 

Churchill a donné des signes de faiblesse exagérés pour inciter Hitler à cette attaque suicidaire (l'Anglois est fourbe. La vraie faiblesse politique de Churchill viendra après la chute de Singapour).

Si les généraux allemands se sont fait beaucoup d'illusions (contrairement à ce qu'ils ont raconté après guerre), cela n'a pas été le cas d'Hitler si on décrypte ses propos toujours tordus.

En revanche, côté japonais, c'est la folie complète.

Les Japonais ont commis trois énormes bourdes, dont chacune était susceptible de leur faire perdre la guerre :

1) maintenir le gros des forces terrestres en Chine pour un gain nul.

2) Appuyer très (trop) mollement l'attaque allemande contre l'URSS.

3) Et la boulette de chez boulette, attaquer les Etats-Unis par surprise.

Un pays souffre énormément quand il a un gouvernement dysfonctionnel comme celui du Japon. Les rivalités Marine-Armée de Terre sans arbitre ont été une calamité.

L'Allemagne seule coupable

Hanson  est sans ambiguïté, c'est bien de ne pas tortiller du cul. La seconde guerre mondiale a plusieurs responsables (les Etats-Unis, la Grande-Bretagne) mais un seul coupable : l'Allemagne. Analyse que je partage entièrement.

Dans les guerres, le belligérant le plus faible se raconte des histoires, sinon il essaierait à toute force d'éviter cette guerre qu'il va perdre. Bien sûr, ce n'était pas évident au départ que les Grecs allaient vaincre les Perses ou que Sparte l'emporterait sur Athènes. Mais c'est le Sud qui a déclenché la guerre civile américaine alors qu'il n'a jamais eu la moindre chance de l'emporter. Et les probabilités étaient du côté de Rome et non de Carthage.

Tous les prétextes invoqués pour justifier la seconde guerre mondiale sont fantasmatiques. L'Allemagne (le Japon) vaincue d'après guerre n'a pas eu besoin des territoires de l'est (des ressources asiatiques) pour augmenter sa production agricole (industrielle), sa richesse et sa population.

Toutes les histoires d'« espace vital » et de « sphère de co-prospérité asiatique » étaient purs délires.

Avant de nous moquer de ces délires collectifs allemand et japonais,  rappelons nous que nous avons naguère participé à fond les ballons à un délire totalitaire (presque) planétaire par peur d'un rhume.

Un hommage appuyé à la Grande-Bretagne

Hanson rend un hommage appuyé à la Grande-Bretagne (plus qu'aux Etats-Unis), seul pays présent sur tous les théâtres d'opération du premier au dernier jour de la guerre (on pourrait nommer la France en tirant par les cheveux la France Libre) et le belligérant qui avait le moins à y gagner.

Il cite Britain's war machine, de David Edgerton. Je vous en ai fait la recension, je ne vais pas me répéter.

Hanson fait remarquer qu'on néglige une des contributions les importantes de la Grande-Bretagne à la victoire. Quand l'Allemagne attaqua l'URSS en 1941, la Luftwaffe n'était pas complètement remise de ses pertes de la Bataille d'Angleterre.

En effet, il y eut un pacte tacite entre Hitler et les Allemands jusqu'en 1943 (février 1943, discours de Goebbels sur « la guerre totale ») : L'Allemagne était le pays d'Europe où il faisait le meilleur vivre (si on n'était ni juif ni déporté), les Allemands travaillaient et se rationnaient moins que les Anglais.

Air

Les belligérants ont construit 800 000 avions, dont la moitié a été perdue, au combat ou par accidents.

Le Bomber Command seulement (pas toute la RAF), c'est plus d'un million d'hommes. Il y a dix « rampants » par aviateur. Une Forteresse Volante avec dix aviateurs, c'est donc cent « rampants ». Le Bomber Command a un taux de pertes colossal : 55 000 morts pour 125 000 aviateurs (certains pensent que cette perte de l'élite de jeunesse britannique a compté dans les mauvais choix, socialistes, d'après-guerre).

En 1945, les raids à 600 avions étaient courants, tant contre le Japon que contre l'Allemagne. Imaginez : vous êtes allemand et vous voyez passer des dizaines de « boxes » de B17 et de B24 au moins une fois par semaine (presque tous les jours si vous êtes à Berlin). Et la nuit, c'est la RAF.



L'Allemagne a produit des millions de canons et des milliers d'avions pour s'y opposer, en vain.

Le jeu en valait-il la chandelle ?

Les pertes catastrophiques du Bomber Command (bombardement de nuit, britannique) et de la 8ème Air Force (bombardement de jour, américaine) en 1942 et 1943 étaient insensées au plein sens du terme, elles n'avaient pas de sens, elles n'avançaient pas la victoire alliée d'un seul jour. Elles étaient entièrement dues à des rivalités de services : ne pas désavouer la doctrine du bombardement stratégique érigée en dogme, ne pas perdre des crédits et des positions de pouvoir.

En revanche, à partir de l'arrivée fin 1943 des chasseurs d'escorte à long rayon d'action, ça change. Les bombardements avaient toujours une efficacité discutable, mais les pertes diminuaient et la Luftwaffe, obligée de monter défendre ses villes, était étrillée.

Au printemps 1944, les Alliés avaient la suprématie aérienne absolue. L'attaque systématique des voies de communication et, surtout, des raffineries, donnait, enfin, enfin, des résultats militaires tangibles.

Des choix désespérés

Avec les ressources englouties dans les quelques milliers d'engins V1 et V2 totalement inefficaces, les Allemands auraient pu construire 24 000 avions, c'est-à-dire doubler leur production de 19444, mais ils n'auraient pas eu les pilotes et le pétrole pour les utiliser.

A la fin de la guerre, les écoles alliées brevetaient 10 fois plus de pilotes que l'Axe, et mieux formés.

Les kamikazes ont été bien plus efficaces que les armes-miracles d'Hitler. Ils ont coulé ou irrémédiablement endommagé 474 navires américains. S'ils avaient été employés dès la batailles de Midway, les Japonais auraient peut-être gagné leur guerre. Mais c'est le paradoxe des kamikazes : cette idée n'a été possible que parce que la situation était désespérée, la guerre déjà perdue.


La moralité des bombardements des villes

Hanson refuse de se prononcer sur la moralité de la politique de bombardement alliée, mais il fait tout de même remarquer que les Allemands et les Japonais ont le plus massacré dans la dernière année de la guerre, quand la défaite était déjà certaine, et que, si ces bombardements ont raccourci la guerre de quelques semaines, ils ont sauvé des milliers de vies de militaires, de prisonniers, de déportés et de civils.

Argument qu'ignorent ceux qui condamnent ces bombardements par anti-américanisme.

Mer

Sur mer, la supériorité des Alliés, en inventaire initial comme en capacité de production, était encore plus écrasante.

Après la désastre français, les Britanniques avaient un plan pour continuer la guerre seuls grâce à la Royal Navy. Quand les Américains entrèrent en guerre, la supériorité alliée redevint insupportable.

De plus, les Alliés faisaient les meilleurs choix de politique d'armement. Les pays de l'Axe n'avaient absolument pas les moyens de cuirassés comme le Bismarck ou le Yamato, très couteux et peu efficaces. Ils auraient mieux fait de construire des sous-marins et des porte-avions.

Les meilleurs porte avions de la guerre et les meilleurs sous-marins étaient américains (classe Essex et classe Gato - deux fois plus gros que les Type VII allemands). Et ils furent mieux utilisés : les commandants avaient la bride sur le cou et étaient audacieux et, contrairement aux Allemands et aux Japonais, les Américains et les Britanniques se coordonnaient.

Surtout, les Américains inventèrent le porte-avions d'escorte, des cargos transformés. Ils en construisirent 124 ! Une idée géniale. Incapables de faire la guerre indépendamment, ils permettaient à tous les convois d'avoir une couverture aérienne.

La révélation de cette guerre fut le destroyer. Couteau suisse, outil à tout faire, assurant une présence sur toutes les mers, 20 fois moins couteux que le cuirassé. Or, les Allemands et les Japonais en manquaient.

Pourtant, la seule occasion de victoire stratégique de l'Axe a été la bataille de l'Atlantique.

Il aurait fallu aux Allemands :

1) des sous-marins adaptés aux rudes conditions de l'Atlantique Nord. Bref, plus gros.

2) Commencer la production en 1938.

En 1942, c'était déjà foutu.

De toute façon, les Alliés réagissaient : meilleurs sonars, meilleurs radars, meilleures charges sous-marines, bombardiers transformés en chasseurs de sous-marins. Les Allemands aimaient bien les innovations spectaculaires (avions à réactions, V1, V2) mais investir dans l'électronique était une meilleure idée.

La Royal Navy a beaucoup souffert, souvent avec des matériels vieillissants et une sous-estimation du danger des avions. Elle a perdu 50 000 hommes (et 102 femmes) mais est restée présente sur toutes les mers du premier au dernier jour.




La marine marchande a aussi beaucoup souffert (voir Convoy). Imaginez vous un marin dans un convoi vers Mourmansk à l'hiver 1942.

Ceux qui ont vraiment morflé, ce sont les sous-mariniers allemands. 28 000 morts, trois quarts de l'effectif ! Seuls les kamikazes sont à ce niveau. A partir de l'inversion du rapport de forces de l'été 1943, la vie des sous-mariniers 1943 devint infernale.

Comme déclarait un amiral anglais du temps de Napoléon devant la chambre des lords : « Mes Seigneurs, je ne dis pas que les Français ne viendront pas. Je dis juste qu'ils ne viendront pas par la mer ».

Terre

Hors URSS, il n'y a jamais eu si peu de fantassins dans les armées :

1)  le traumatisme de la première guerre mondiale.

2) les nouvelles armes (chars, avions) à peupler.

3) Une puissance de feu inédite. Des rigolos se sont demandés comment se comporterait une section d'infanterie française de 2010 face à une section d'infanterie allemande de 1944 équipée de 2 MG42. Sans appui aérien, ce sont les Teutons qui gagnent.

Hanson fait remarquer que la supériorité de l'infanterie allemande va de pair avec l'infériorité allemande en aviation, marine et logistique. Que valait-il mieux pour gagner la seconde guerre mondiale ? Une infanterie ou une aviation, une marine et une logistique ?

90 % de l'armée allemande se déplaçait encore à pied et à cheval.

Comme l'excellent Big Serge, Hanson ne partage pas l'admiration de rigueur pour les généraux allemands, les von Manstein, Model et compagnie. D'accord, les généraux allemands étaient très bons tacticiens, parfois brillantissimes, mais pour quels résultats stratégiques ?

Et ça remonte à loin, facile de tout mettre sur le dos d'Hitler, qui a eu le bon goût de se suicider, mais, à la guerre précédente, Ludendorff disait déjà que la tactique était tout et que la stratégie ne comptait pas.

En janvier 1942 (échec allemand devant Moscou, échec japonais à détruire les porte-avions américains à Pearl Harbour), il était clair que l'Axe était acculé à la défaite à l'horizon de 3 à 4 ans (beaucoup de planificateurs alliés voyaient la fin de la guerre en 1946). Quel général allemand en a tiré les conséquences ? Ou, même simplement, a vu ce fait, qui était évident pour les chefs alliés ?

J'ai une conviction très minoritaire (mais ça ne me dérange pas : la majorité a le plus souvent tort) : vu l'ampleur des crimes commis, l'Allemagne aurait du disparaitre définitivement en 1945. Elle a été divisée en deux et la Prusse supprimée, c'était très insuffisant. C'est en douze ou en vingt qu'elle aurait du être divisée. Je connais des Bavarois qui n'auraient pas du tout été fâchés que leur pays retrouve son antique indépendance.

Vous remarquez que la France s'entendait plutôt bien avec l'Allemagne divisée. Nous avons une vocation à cohabiter avec l'Allemagne rhénane que nous n'avons pas avec l'Allemagne hanséatique ou teutonique.

Italie

Que les Alliés sont-ils allés faire dans cette galère ? Une fois la Sicile capturée comme base aérienne, où était l'intérêt de débarquer en Italie ? Probablement la plus grande erreur stratégique des Alliés à l'ouest.

France, Allemagne

Remarquable débarquement en Normandie. Spectaculaire offensive motorisée de juillet à septembre 1944.

Sinon, pas très flatteur : deux mois bloqués en dans le bocage, non-fermeture de poche de Falaise, opération Market-Garden foireuse, port d'Anvers libéré tardivement, bataille inutile et très couteuse de la forêt d'Hürtgen, difficulté à tirer tous les avantages de l'offensive ratée des Ardennes ... La somme de tout cela, c'est que la guerre a trainé six mois de trop, avec un nombre important de victimes innocentes dans les camps.

Bref, un bilan mitigé. C'est assez facile à expliquer : les armées de l'ouest étaient très efficaces mais assez mal commandées. J'en ai déjà parlé.

L'opération Bagration, qui se déroulait à l'est au même moment, était plus élaborée, avec une réflexion sur les différentes phases de l'offensive et comment empêcher l'ennemi de se rétablir.

Sièges

Le siège de Leningrad est :

> le plus long de l'histoire de l'humanité, 872 jours

> le plus meurtrier, 1,5 million de morts dont 1 million de morts de faim

> le seul dont le but était d'exterminer les habitants et non de conquérir la ville.

Les sièges acquièrent souvent une importance symbolique et politique supérieure à leur intérêt militaire.

Lors des sièges de Singapour (février 1942) et de Tobrouk (juin 1942), l'armée britannique est si lamentable, rendant les armes sans combattre, que Churchill se prend une motion de censure.

Mais cela compte peu finalement : l'Axe a choisi les mauvais sièges. L'Allemagne aurait du prendre Gibraltar et Malte plutôt que la Crète et Tobrouk, Moscou plutôt que Stalingrad. La Japon aurait du prendre Pearl Harbour plutôt que Singapour.

Tanks

Eisenhower disait : « Les amateurs discutent stratégie, les professionnels discutent logistique ».

Hanson insiste sur le fait que le Sherman était 3 à 4 fois plus disponible que le Tigre et plus facile à transporter (très important, vu les distances à parcourir). Au total, à productions égales (et elles étaient loin d'être égales), il y a 6 à 7 fois plus de Sherman sur le champ de bataille que de Tigre.

Là encore, on retrouve l'infériorité matérielle allemande. Notons que les Allemands se sont posé la question de copier le T34, ils auraient sans doute manqué d'aluminium pour le moteur.

En 1940, les chars allemands n'étaient ni les meilleurs ni les plus nombreux, mais les mieux employés. C'est en ce sens que c'est une étrange défaite.

 Dès que la machine se heurte à un ennemi qui n'est pas surpris, elle se grippe. C'est le cas à Koursk en 1943. Il reste l'excellence tactique des officiers allemands, agressifs et entreprenants. Mais pour quel résultat ? L'Allemagne était capable de battre la France seule (1870) mais pas d'affronter une guerre mondiale, ni en 1914, ni en 1939.

Les armées lancées à travers la France à l'été 1944 consommaient 3,5 millions de litres (3 500 m3) d'essence par jour, dont la moitié pour Patton. Cala peut paraitre négligeable (aujourd'hui, en France, on consomme 125 000 m3 par jour) mais cette consommation suppose tout de même une lourde logistique, les armées alliées tombent en panne sèche en septembre, les camions de ravitaillement arrivant au point où ils consomment plus d'essence qu'ils n'en transportent.

Etranglées, les armées allemandes tombent elles aussi en panne sèche (ce qui a permis au musée de Saumur de récupérer quelques blindés).

Mais le plus grand tueur de la guerre reste l'artillerie (la moitié des soldats tués). L'Amérique a produit un milliard d'obus. La Russie aussi.

L'artillerie a permis aux Américains de se sortir de plus d'un faux pas (la contre-offensive allemande à Anzio a été arrêtée comme ça). Ils avaient des moyens de coordination de l'artillerie très avancés pour l'époque. En 1945, ils avaient même les premières fusées de proximité. C'est un point fort des Américains moins sexy que le P51 ou la bombe atomique mais qui a compté aussi.

Les Allemands ont produit des obusiers gigantesques (800 mm) à peu près inutiles et à un coût faramineux. Toujours cette attirance pour le gigantisme pour compenser (bin, non) la moindre capacité de production.

Les dirigeants

Je suis d'accord avec les jugements d'Hanson sur Hitler (des éclairs de génie mais trop brouillon), Churchill (une ténacité exceptionnelle), Staline (psychopathe mais inflexible).

Je diverge à propos de Roosevelt (unificateur des efforts de l'Amérique) : il s'est servi du New Deal et de la guerre pour communiser l'Amérique autant qu'il pouvait. C'est une vraie trahison de long terme.

Les généraux

Si la qualité d'un général se juge à sa capacité à retourner une situation difficile, nous avons : Dowding (c'est bien qu'il soit dans cette liste), Patton (bof),Von Manstein, Slim, Spruance.

Slim est méconnu, c'est bien dommage. Il faut dire qu'il commandait une armée qui se surnommait elle-même « l'armée oubliée ». Partant du principe que les Japonais n'étaient pas plus habitués à la jungle que les Britanniques et qu'il n'y avait aucune raison qu'ils y soient supérieurs, il a entrainé ses troupes à la vie dans la jungle et obtenu des succès en infériorité numérique.

Von Manstein est typique des généraux allemands. La manière dont il retourne l'offensive soviétique après Stalingrad contre elle-même est rien moins que géniale, il passe dans un trou de souris. Mais pour quel résultat stratégique ? La seule option stratégique réaliste, c'était la retraite au moins jusqu'en Pologne et aucun général allemand ne l'a conseillée (ou même évoquée en privé).

Pour Hanson, l'amiral Yamamoto est le plus surévalué : il n'a pas su soit éviter l'attaque de Pearl Harbour, soit aller jusqu'au bout.

Spruance est décrit pendant la bataille de Midway comme « calme, concentré, sachant décider, cependant réceptif aux avis, gardant à l'esprit la représentation de forces largement dispersées, cependant saisissant audacieusement toute opportunité. » C'est autant plus intéressant que, pour une des rares fois de la guerre, les Américains étaient en infériorité numérique.

Hanson fait remarquer que, si les généraux anglo-saxons ne sont pas terribles, les amiraux sont excellents. Et même ces généraux médiocres n'ont commis que peu d'erreurs stratégiques (l'Italie. Hanson ajoute le débarquement de Provence mais je ne suis pas d'accord).

Etrangement, les généraux américains deux et trois étoiles sont bien meilleurs que les quatre et cinq étoiles.

Les travailleurs

L'histoire de la seconde guerre mondiale  serait incomplète sans la production et qui dit dit « industrie des années 40 » dit « Amérique ».

L'Amérique produisit 7 fois plus de pétrole que tous les autres belligérants réunis.  Et les autres chiffres (350 000 avions, 1 million de camions, 35 000 bateaux) sont à peine moins spectaculaires. Les Japonais considèrent comme un exploit d'avoir produit 16 porte-avions pendant la guerre mais l'Amérique en a produit ... 150 !

Cette orgie industrielle est due à trois facteurs :

1) L'Amérique n'était pas physiquement menacée, elle pouvait s'organiser au mieux.

2) Par l'intégration des femmes et des chômeurs de la Grande Dépression, la main d'oeuvre a presque doublé en un an.


(Pour les couillons qui ne l'ont pas reconnue, c'est Marilyn Monroe plus ou moins au travail en 1945.)

3) Un génie industriel, qui a presque entièrement disparu de nos jours. Henry Kaiser fait passer le temps de cycle de production des cargos, les Liberty Ships, de 230 jours à 24 jours (entre autres choses, il remplace le rivetage par la soudure : moins de force physique, donc faisable par des femmes) ! Toutes les  productions de la guerre (armement mais aussi tous les matériels qui vont autour, habillement, logement, logistique, agriculture ...) bénéficièrent de cet extraordinaire bond de productivité, du à la réalisation et à la convergence d'idées et d'inventions latentes dans la crise des années 30.

Certains crétins paranoïaques croient que les Américains ne sont pas allés sur la Lune. Leur délire n'est pas rationnel et aucun argument ne les fera changer d'avis. Mais une des raisons de leur délire est leur ignorance de ce qu'une nation d'ingénieurs peut faire.

Les Lunatiques ne sont pas les seuls à commettre ce genre d'erreur.

On peut soupçonner que Reinhard Gehlen (officier de renseignement, futur chef de l'espionnage ouest-allemand et agent américain) a induit volontairement Hitler en erreur sur les capacités soviétiques par anti-nazisme (ça fait cher pour l'Allemagne, parvenir à la fin du régime nazi à ce prix, mais il faut ce qu'il faut).

Concernant l'Amérique, Hitler s'est bien intoxiqué tout seul. Peut-être que sa connaissance de la première guerre mondiale, où la capacité industrielle américaine n'a pas eu un grand rôle, lui a joué un tour.

Hanson conclut simplement : ceux qui tuaient le plus ont été battus par ceux qui produisaient le plus.

Les morts

Exceptionnellement, les vainqueurs ont eu beaucoup plus de morts que les vaincus. La très grande majorité était civile.

Sur les environ 60 millions de morts (chiffre hallucinant), la moitié sont morts de faim, en Europe de l'est, en Russie, en Chine, en Inde, en Indonésie, dans les camps de prisonniers. On a oublié que 400 000 Grecs sont morts de faim. En France, on a tué Camille Claudel.

Militairement, il y a une équation simple : supériorité aérienne, peu de pertes ; pas de supériorité aérienne, grosses pertes. A l'été 44, les soldats allemands ne pouvaient plus bouger une oreille sans qu'un Jabo (chasseur-bombardier, en teuton) leur tombe sur la gueule. J'ai raconté dans un autre billet comment la RAF a détruit en 2 heures, de la réception du message de la Résistance au bombardement, un dépôt d'essence de la division Das Reich à Châtellerault.

Hanson faut faire un sort particulier à l'industrie d'extermination nazie. Comme dit Zygmunt Bauman, Auschwitz n'est pas une anomalie de la modernité mais son sommet. A lui seul, il justifiait (je me répète) la démantèlement définitif (autant que possible) de l'Allemagne (et la remise en cause de la modernité. Mais bien peu de mes contemporains y sont prêts).

Hanson comprend bien le rôle majeur, manipulatoire du peuple allemand, du judéocide « vilain secret de famille partagé qui colle tout le monde ensemble » (comme la pédophilie actuelle de la classe dirigeante). Tous les Allemands n'ont pas exterminé des juifs (comme tous nos dirigeants ne sont pas pédophiles) mais tous ont été mouillés.

Comme le pervers de génie qu'il est, Hitler l'a dit sans le dire, a gardé le secret tout en semant des indices (comme Macron avec la transexualité de Brigitte : officiellement, il porte plainte, officieusement, il fait des allusions). Sans ce vilain secret de famille partagé, les Allemands auraient probablement chassé Hitler en 1944.

Hanson est mal à l'aise avec la réaction des Alliés : rejet des réfugiés juifs, minimisation du drame, notamment dans l'entourage de Roosevelt (qui comportait pourtant des juifs). André Kaspi a posé le débat dans un article Fallait-il bombarder Auschwitz?.

Même si c'est rageant, la réaction des Alliés se comprend assez bien : quand tout est dit, le meilleur moyen, et en fait le seul, d'arrêter le génocide des juifs était de mettre fin à la guerre en la gagnant, il y a trop de moyens de tuer des hommes en masse quand on est motivé comme les nazis l'étaient. Notons que le comportement du pape s'éclaire et en est rehaussé.

Le vainqueur

Pour Hanson, il n'y a qu'un seul vainqueur complet de la seconde guerre mondiale : l'URSS. Tous les autres vainqueurs ont été trompés d'une manière ou d'autre dans leurs espérances par l'après-guerre

Il est beaucoup plus affirmatif dans sa conclusion que dans la partie sur la guerre aérienne.

Les pays de l'Axe, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, ont voulu et déclenché cette guerre. Ils ont tué 80 % des victimes, dont une majorité des civils. Ils ont mis en place des plans d'extermination.

Ils ont mérité Hambourg, Dresde, Hiroshima et Nagasaki.

Ceux qui le contestent :
 
> sont victimes de la propagande anti-américaine de la guerre froide.

> vivent en paix depuis si longtemps qu'ils ont oublié ce qu'était une guerre et ce que la victoire exigeait.

Je suis moins affirmatif qu'Hanson, je doute plus, mais je crois quand même qu'il raison.


Tout ça pour ça

En septembre 1939, Paul Reynaud déclara : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ».

Les « intelligents » se moquèrent, mais de Gaulle et Churchill ne disaient pas autre chose.

6 ans et 60 millions de morts plus tard, les Alliés ont prouvé que Paul Reynaud avait raison : ils étaient bien les plus forts.



Mais, pour notre malheur, les officiers généraux français n'étaient pas des flèches et, de vision stratégique, ils n'en avaient pas plus que de vivacité dans l'œil de Gamelin.

Le 14 juin 1940 (le jour où les Allemands entraient dans Paris), Pierre Laval rendit visite en Auvergne à Joseph Caillaux, le vieux ministre rival de Clemenceau, où il prenait les eaux avec son épouse.

Conversation étonnante : Caillaux, qui a pourtant tourné pacifiste idéologique plus que simple pacifique rationnel, expliqua à Laval que l'Angleterre ne pouvait être envahie (la Royal Navy était trop forte), qu'elle avait les ressources de l'empire, qu'elle allait continuer la guerre et qu'il serait bon que la France envisageât de poursuivre la lutte à ses côtés. Une préfiguration du discours du 18 juin ! Comme quoi les idées de De Gaulle n'étaient pas si isolées.

Pendant ce temps, ce crétin traitre de Weygand expliquait à qui voulait l'entendre que l'Angleterre allait « avoir le cou tordu comme un poulet » et Darlan courait à Vichy au lieu de rallier Portsmouth avec la flotte. Quant à ce vieux saligaud de Pétain, la défaite lui ouvrit une carrière inespérée. Peut-on en vouloir à Caillaux d'avoir méprisé ouvertement nos généraux ?

jeudi, septembre 26, 2024

Masters of the air

 Déçu par cette série.

C'est du mauvais cinéma hollywoodien comme Sauver le soldat Ryan : beaucoup de violence et de sang en gros plan, zéro psychologie, personnages sans épaisseur, zéro contexte.

Toujours cette croyance absurde que la technique peut compenser le manque de talent.

Le film de 1949 Twelve o'clock high, avec Gregory Peck, était bien meilleur.

jeudi, août 22, 2024

Le grand rafraichissement (Benoit Duteurtre)

J'avais son dernier livre sur ma table de chevet quand j'ai appris la mort de Benoit Duteurtre d'une crise cardiaque.

C'est une grande perte mais sa finesse et son intelligence n'étaient plus adaptées à notre époque de grossiers abrutis. Il sera plus utile et mieux reçu là-haut.

Parisien détestant Hidalgo (mais je n'ai pas cru comprendre qu'il appréciait Dati), il était d'une autre époque, son humour pince-sans-rire et cultivé était incompréhensible pour les cyclistes adulescents qui « sauvent la Planète » et se prennent très au sérieux.

Comme Houellebecq, je ne pourrai plus manger d'œufs mayonnaise sans penser à lui (c'était déjà le cas).

Dans cet ultime roman, il imagine que le prétendu réchauffement climatique laisse place à un refroidissement.

Il se permet quelques digressions, comme la loi Justice Equitable, dite loi LJE, qui oblige la police et la justice à condamner par quotas. Il raconte les rafles de bourgeoises blanches dans le XVIème arrondissement, condamnées lourdement pour des peccadilles (évidemment pour équilibrer statistiquement les arrestations de zyvas dans le 9-3). C'est terrifiant parce que le lecteur ne peut s'empêcher de penser que c'est plus une anticipation qu'une fiction.

Il décrit l'acceptation résignée des bourgeoises blanches à leurs injustes condamnations par « souci d'équité ». On s'y croirait.

Petite baisse de régime de Benoît Duteutre : ses amis intellos (de gauche, forcément de gauche) éclatent de rire quand il se prétend de gauche. Il croit qu'il existe une « vraie gauche » (dont il se réclame, évidemment) soucieuse des pauvres et des injustices. Il n'a pas compris que l'essence de la gauche était le nihilisme, la destruction. Oui, il y a bien eu par le passé des gauchistes soucieux des pauvres et des injustices, mais seulement comme des moyens de détruire la société.

La conclusion de ce livre, un peu en baisse par rapport à ses meilleurs, résonne très étrangement : il écrit qu'il ne se voit pas continuer à vivre dans ce monde où touts les plaisirs de vivre ont été stérilisés, aseptisés.


mercredi, août 21, 2024

Chateauvallon

 L'avantage de ne pas avoir de télévision, c'est qu'on peut regarder ce qu'on veut à la télévision.

Je regarde Chateauvallon, une série française de 1984, en 26 épisodes, un peu imitée de Dallas, en moins violent et moins sexué.

L'histoire de la famille Berg, notables propriétaires du journal La dépêche républicaine, en 1978 et 1979 dans le val de Loire. Furieusement inspirée de la famille Baylet à Toulouse, propriétaires de La dépêche du Midi.

La série est restée célèbre par l'accident de voiture de sa vedette, Chantal Nobel, qui l'a interrompue.

D'abord, je suis très déçu par les bagnoles : quelques maigrichonnes Alfa, une 205 GTI, des Peugeot 305 et 604, pas de Mercedes pagode ni de Porsche. C'était une série « à la française » dont se moquaient les Inconnus : budget étriqué et ça se voit. Bref, rien d'extraordinaire de ce côté. Il y a quand même un Robin R3000.

Mais, enfin, c'est pas mal.

Mon personnage préféré est Antonin Berg, le patriarche, joué par l'excellent Jean Davy. Ses répliques cinglantes sont un délice. Il est intéressant parce qu'il est une fiction très réaliste : il correspond bien à ses fortes personnalités forgées dans la Résistance et la France Libre (Gaston Defferre prenant le journal Le Provençal le pistolet à main, par exemple. Ou Pierre Messmer, de légionnaire à Bir Hakeim, à premier ministre).

Il tient sa famille et son journal d'une main de fer et sa mort est évidemment le début des vraies emmerdes.

Question gouvernement des hommes, on est à des kilomètres des managers et des Petites Dindes Diplômées style Aurore Bergé, c'est un autre monde. C'est à se demander, comment, en 50 ans, on est passé de ce monde au nôtre.

Hélas, il meurt d'un cancer au 6 ème épisode. Cela a enlevé beaucoup de mon intérêt.

Je note que, quand il décide de se faire incinérer, toute la famille est scandalisée. En 2024, la mode de l'incinération reste pour moi un scandale.

Ensuite, ça se perd un peu. il y a un flic tout à fait marrant qui imite Galabru dans les moments de tension.

Mais ça me permet de revoir toute une époque, celle où pas un Français sur mille avait entendu le mot « hallal » et où un noir dans la classe était une curiosité, où les hommes étaient des hommes et les femmes étaient des femmes.

mercredi, juillet 24, 2024

De sable et d'acier. Nouvelle histoire du débarquement (Peter Caddick-Adams).

Je ne peux pas dire que ce livre soit une découverte totale. L'histoire du débarquement en Normandie, je maitrise déjà assez bien.

Mais ce livre est un pavé et j'ai appris quelques petites choses.

Pour ce billet, je pars du principe que tout le monde a vu le film Le Jour le plus long (lu le livre, c'est mieux) et a quelques notions.

La préparation

L'entrainement

Il y a eu plus de morts à l'entraînement que pendant l'opération elle-même. Mais des morts étalées sur 4 ans puisque les premiers entrainements au débarquement datent de 1940.

L'entrainement s'est intensifié les six derniers mois. Il se faisait à balles réelles. D'où quelques victimes.

Il y a la catastrophe du 28 avril 1944 : des vedettes lance-torpilles allemandes font irruption dans une répétition de débarquement et coulent plusieurs navires. Plus de 700 morts. Dix officiers porteurs des plans d'Overlord sont parmi les victimes. Par miracle, les dix cadavres sont retrouvés avec les plans. Cet accident a été tenu secret jusqu'en 1974.

L'entrainement ne peut pas tout : il faut attendre le 9 juin pour constater que les plus gros navires de débarquement, les LST, peuvent s'échouer directement sur les plages normandes, sans pontons de transbordement, ce qui améliore considérablement la logistique (on pensait les plages normandes pas assez pentues pour permettre ce qui s'est fait en Sicile).

A l'issue de l'entrainement, l'optimisme est très prudent. Les généraux pensent que le débarquement réussira ... avec 50 % de pertes.

La Big Week

Six mois avant le débarquement, la supériorité aérienne n'est pas acquise.

En février 1944, la Big Week : l'USAAF et la RAF se relaient jour et nuit pour pilonner l'Allemagne pendant une semaine. Les pertes sont importantes mais la Luftwaffe est obligée de monter défendre ses villes. Elle subit des pertes matérielles et humaines qui sont pour elle irréparables.

Le déclin de la Luftwaffe commence. Pas trop tôt par rapport au débarquement.

Les bombardements sur la France

C'est un marronnier qui revient désormais tous les 6 juin : les larmes de crocodile des anti-Américains sur les victimes françaises des bombardements préparatoires au débarquement.

Je n'en discute plus sur Twitter, c'est inutile : ceux qui en parlent cherchent juste un prétexte pour exprimer leur anti-américanisme, pas une discussion historique honnête et sérieuse.

Faisons le point :

1) Beaucoup de bombardements ont tapé à côté des objectifs, sur des quartiers d'habitation, provoquant une fureur plus ou moins justifiée (Pierre Clostermann en parle).

2) Dans les conditions techniques de l'époque, il était possible de faire plus précis mais en prenant beaucoup plus de risques pour les équipages (en volant plus bas). Et pour un résultat marginalement meilleur : les groupes spécialisés dans le bombardement de précision étaient peu nombreux.

Même les unités françaises qui prenaient un soin tout particulier à essayer de réduire les victimes civiles n'ont pas réussi à les éviter.

3) Les Américains étaient moins préoccupés que les Anglais des victimes françaises. Churchill était très inquiet et a demandé l'arrêt de ces bombardements, c'est l'intervention de Roosevelt qui a fait qu'ils ont continué.

4) Il y a eu moins de 10 000 victimes civiles de la préparation du débarquement (sur 60 000 victimes de bombardement au total). C'est toujours trop mais on est très loin des craintes de Churchill.

5) Ces bombardements ont été efficaces : les mouvements de l'armée allemande ont été très gênés.

Bref, les morts civiles de bombardement sont le prix de la liberté. Les Alliés auraient pu mieux faire, mais très marginalement. La polémique a plus de raisons d'être pour Saint Lô et Caen, bombardements totalement inutiles d'un point de vue militaire.

Est-ce que les Américains considéraient les Français comme des sous-hommes vaguement sympathiques, des Indiens d'Europe ? Oui. C'est probablement le plus choquant.

La polémique sur les bombardements a donc un petit fond de vérité, mais elle est enflée au-delà de toutes proportions raisonnables.

Au sein des Alliés, il y a aussi une polémique sur l'utilisation des bombardiers lourds. Les azimuthés du bombardement stratégique, Spaatz et Harris, sont persuadés de pouvoir remporter la guerre à eux tout seuls et ils ne veulent pas lâcher un seul appareil pour la préparation du débarquement. A part leur petit entourage de courtisans, tout le monde sait que c'est absurde. Heureusement, la pression de Churchill et de Roosevelt règle le problème.


Le renseignement allemand

Aussi étrange que cela puisse paraitre, les renseignements allemands à la base ont assez bien deviné que le débarquement aurait lieu en Normandie. Mais l'organisation darwinienne (plusieurs service en compétition féroce sur le même sujet) de l'Etat nazi a empêché cette analyse de se transformer en décisions au sommet.

De plus, les Allemands ont commis une erreur d'analyse majeure sur la date : pensant que les Alliés débarqueraient à marée haute et plutôt par lune partielle, ils ont calculé des dates potentielles complètement erronées.

L'opération

La réussite des dragueurs de mines

C'est un aspect de l'opération pas très exaltant mais qui inquiétait beaucoup le commandement. Avec une telle densité de navires, les mines auraient pu faire des ravages. Les dragueurs de mines ont fait un excellent travail, mieux qu'espéré.

L'étonnant succès des Ruperts

Les Ruperts sont ces mannequins lâchés en deux points de l'arrière du front (en plus des vrais parachutages) accompagnés de 6 SAS chargés de diffuser des sons enregistrés.

Ils sont très mal représentés dans le film Le jour le plus long. Loin d'être des mannequins réalistes, ce sont des sacs de sable et d'explosifs dessinant vaguement une silhouette humaine. Surtout, ils explosent en arrivant au sol, laissant peu de traces interprétables.





Les Ruperts distraient jusqu'au soir du 6 juin, une division blindée et une division parachutiste. Excusez du peu. Les points de largage ont été bien choisis, rendant l'opération, si elle n'avait pas été factice, dangereuse, d'où la réaction allemande.

C'est sans doute une des opérations les plus rentables de l'histoire des guerres : quelques centaines de mannequins et six parachutistes pour deux divisions.


Utah Beach

C'est, du côté de Cherbourg, la plage stratégique. Sword, du côté de Caen, est son pendant. Les plages entre les deux bouchent l'intervalle.

Le débarquement à Utah n'a pas été la promenade de santé qu'on présente habituellement. Les parachutistes, qui ont beaucoup fait pour que cela se passe pas trop mal, ont eu la moitié de pertes.

Les Américains sont remarquablement commandés par Teddy Roosevelt, fils et cousin de présidents des Etats-Unis.




Omaha Beach

Le désastre d'Omaha a trois causes :

1) La défaillance des renseignements alliés, qui n'ont pas compris, malgré les informations de la Résistance, que la plage était bien fortifiée.

2) L'état de la mer. Beaucoup de soldats sont morts noyés à cause de rampes abaissées trop tôt (les pilotes de chalands ont plusieurs rotations à faire, ils craignent de s'échouer. L'entrainement ne les a pas préparés à des conditions si mauvaises). La plupart des radios sont perdues.

3) La décision de débarquer dans la première vague des blindés, qui se sont faits allumer comme à la fête foraine par l'artillerie allemande et n'ont servi à rien, mais ont perturbé le débarquement des fantassins.

Probablement que les Allemands auraient rejeté les Américains à la mer s'ils étaient sortis de leurs abris pour contre-attaquer.

Le général Cota (Robert Mitchum dans Le jour le plus long) et son adjoint Canham sauvent la journée. Cota se balade en première ligne en agitant son Colt 45. Il comprend qu'il faut oublier le plan et avancer coûte que coûte, quitte à se faire tuer en avançant, plutôt que de rester sur cette plage qui est un piège mortel.

Canham est blessé alors qu'il coupe lui-même des barbelés.

Les pertes d'officiers atteignent 50 %. Dans toutes les armées de toutes les guerres depuis l'âge des cavernes, les grosses pertes d'officiers indiquent que la situation n'est pas bonne.

Le capitaine Goranson (qui a inspiré en partie le rôle de Tom Hanks dans Le soldat Ryan) des Rangers prend une des ces initiatives qui renversent le cours d'une bataille. Débarqué au mauvais endroit, sur le mauvais objectif, il décide d'attaquer à revers la fortification qui se trouve devant lui. Or c'est le point d'appui allemand le plus meurtrier, celui qui bloque la plage. Il y passe la journée, perd les deux tiers de ses hommes, mais à 16h00, le complexe de fortifications est nettoyé. Il n'a pas fait de prisonniers.

Vers 9h00, comprenant que les choses se passent mal, les navires de bataille se rapprochent de la côte au risque de s'échouer, certains sont même mitraillés depuis les bunkers. Mais les fantassins ont raconté le réconfort de se faire survoler par des obus amis de 356 mm. L'USS Texas a vidé ses soutes, 200 obus de 356 mm. Je n'aurais pas aimé être dessous. Avec le recul, il apparait que des obus fumigène auraient été bien utiles (encore une chose que les répétitions n'avaient pas permis de voir).

La réussite des Canadiens Juno    

Ce sont les plus méconnus. Il arrive qu'Hollywood montre des Anglais, jamais des Canadiens.

C'est dommage, car c'est le débarquement le plus réussi avec Utah : bon séquençage du débarquement, répartition des engins spéciaux judicieuse.

Caen, Gold et Sword

Caen se trouve à 12 km des plages les plus proches. Tous les acteurs, Alliés et Allemands, ont bien identifié cette ville comme le pivot d'une défense de la Normandie en provenance de l'est. D'autant plus que Caen ouvre aussi la Normandie sur la plaine de Falaise, qui libère les forces armées de l'enchevêtrement du bocage.

C'est donc un objectif majeur du débarquement, qui doit être atteint dès le jour J, ou J+1 au plus tard.

Les Anglo-canadiens parcourent les 6 premiers kilomètres vers Caen en 12 heures. Ils mettront 2 mois pile pour parcourir les 6 km suivants. A la guerre, les occasions perdues se rattrapent rarement (en septembre 1914, les Français ont peut-être perdu la « course à la mer » pour avoir démarré deux jours trop tard, à cause de l'épuisement des troupes).

La cause de cet échec majeur (c'est le gros échec du débarquement) n'est pas un mystère. Cet imbécile vaniteux de Montgomery n'a pas mis la priorité et les moyens qu'il fallait sur cet objectif. Eisenhower finit par lui retirer de fait le commandement des forces terrestres en septembre 1944 (il le conserve nominalement, mais, en pratique, c'est autre chose).

Il aurait fallu débarquer sur une plage à l'est de l'Orne, pour couper l'arrivée des renforts à Caen par l'est, ce que certains avaient envisagé (il faut toujours se méfier de l'anachronisme, de penser à des choses avec le savoir rétrospectif). C'était risqué, mais moins que les 80 000 victimes (dont 3000 morts civils français) de cette interminables bataille. A la guerre, l'incompétence des généraux est payée par le sang des soldats  (l'inverse est vrai : les pertes de la 2ème DB diminuent quand elle est sous le commandement de Leclerc et non de de Lattre de Tassigny).

Certes, Montgomery était contraint par la logistique du débarquement sur les plages. La tempête du 19 juin a gêné. Mais cela n'explique pas tout.

Le gros talent de Montgomery a été de se faire une image de général très britannique à un moment où le moral flanchait, c'est bien mais pas suffisant. Comme on dit chez les modernes, il a atteint son seuil d'incompétence en Normandie.

Les débarquements anglais ont aussi été de gros bordels, mais comme il n'y avait pas Hollywood pour en faire tout un cinéma, on s'en fout.

Une réussite en demi-teinte

Les débarquements ont été une réussite, surtout à Utah Beach, puisque les Alliés n'ont pas été rejetés à la mer.

Tout de même, certains vétérans ont dit que cela leur rappelait la bataille de la Somme, avec des ordres de marche bien trop détaillés et contraignants et une préparation d'artillerie totalement inefficace, dont la seule fonction fut de laisser à l'ennemi le temps de se préparer.

Même erreur en septembre 1944 avec l'opération Market-Garden.

En revanche, quand ça merdé, il y a eu de très bonnes improvisations. Par exemple, quand les croiseurs ont fait de l'appui-feu rapproché, en observant ce que les quelques blindés sur la plage visaient. On imagine les dégâts si cela avait été préparé (distribuer aux troupes débarquées des fumigènes et leur dire « Les bateaux tireront là où vous mettrez les fumigènes »).



Célèbre photographie d'Omaha Beach In the jaws of death

En revanche, pour les Allemands, c'est une claire défaite.

Empêcher les Alliés de débarquer était impossible, du fait de l'appui-feu des croiseurs et de l'aviation, mais ils pouvaient espérer les tronçonner et les empêcher de se déployer.

Le général Marcks, pourtant considéré comme un des meilleurs généraux allemands, se rate complètement, comme un joueur de football en méforme. En se laissant distraire par les Ruperts, il manque l'occasion d'attaquer les Anglais à un moment critique. Il est tué à Saint-Lô le 12 juin.

Néanmoins, fidèle à sa réputation d'agressivité, la Wehrmacht réussit à couvrir Caen en réagissant plus vite que les Anglais. Le temps perdu ne se rattrape pas. Les historiens disent « Pour faire ce qu'a fait une section le jour J, il fallait un bataillon à J+1 et une division à J+2 ».

A partir de J+2, les aérodromes de fortune s'installent sur la tête de pont et la supériorité aérienne écrasante des Alliés fait qu'ils ne peuvent plus être battus.

A ce moment là, la première semaine de juin 1944, les généraux allemands savent que la guerre est perdue (à l'est, l'opération Bagration, qui démontre l'excellence opérationnelle de l'Armée Rouge, déclenchée le 22, va achever de les convaincre). En deux mois, les Allemands perdent un million d'hommes.

Pourtant, la guerre va encore durer un an. Mais c'est une autre histoire.

samedi, juillet 13, 2024

Un p'tit truc en plus

 Comme je dois être un des très rares en France qui n'avaient pas encore vu ce film, je ne vais pas m'éterniser.

Deux braqueurs, père et fils, se réfugient dans une colonie de vacances pour handicapés, afin d'échapper à la police.

C'est bien fait, sans mièvrerie. C'est marrant, on passe un bon moment.

Les fins observateurs auront remarqué la plaque « Simone Veil » à la fin du film. Il est très douteux que ce soit un hommage.

On notera, phénomène désormais habituel, que ce film est boudé par Paris dans les mêmes proportions qu'il est plébiscité par la province (« si l'on examine les chiffres relayés par le site CBO Box-office, les entrées parisiennes du film représentent moins de 10% du total. A la date du 29 mai, les entrées représentaient 345 000 entrées à Paris sur un total de 4,5 millions »). Les Parisiens sont vraiment des connards, des handicapés mentaux dans leur genre, mais ce n'est pas une découverte.

samedi, juillet 06, 2024

Sidney Cotton: The last plane out of Berlin (Jeffrey Watson)

Sidney Cotton illustre parfaitement l'idée (de bon sens, mais que si peu comprennent) qu'il est vain d'attendre des hommes extraordinaires qu'ils agissent comme des gens ordinaires.

Beaucoup de crétins se sont moqué, pendant le délire covidiste, des excentricités de Raoult. Mais, sans ses excentricités, il n'aurait été qu'un petit prof de médecine de merde, qui aurait pensé toute sa vie comme tout le monde et n'aurait jamais rien découvert.

D'Astier de la Vigerie disait avec coquetterie des premiers Résistants : « Nous étions des ratés ».

Australien né en 1894, Sidney Cotton est l'inventeur de la reconnaissance stratégique moderne, homme à femmes, cycliquement riche et sur la paille, il a inspiré en partie Ian Fleming pour James Bond.

Il est aviateur naval pendant la première guerre mondiale, mais c'est ensuite que sa vie prend un tour intéressant.

En 1938, il se fait payer, en tant que civil, un Lockheed Electra (alors la pointe de la technique) conjointement par le Deuxième Bureau et par le MI6.

L'authentique Electra de Cotton 

Il se balade au dessus de l'Allemagne comme homme d'affaires, avec des caméras dernier cri qu'il a installées lui-même, prenant en photos toutes les installations d'intérêt militaire. Son assistante, Pat Martin, est une superbe jeune femme (affectée d'un pied bot, mais parait-il que cela nuisait peu à sa beauté) de 27 ans sa cadette. Inutile de faire le calcul : elle avait 17 ans. Il la libérera ensuite en lui disant d'aller faire sa vie avec un homme de son âge. Elle en gardait un souvenir ému (ça se comprend : faire l'espionne à 17 ans en compagnie d'un homme riche, séduisant et sympathique, une vie de rêve).


Bien sûr, il a fait les premiers voyages à vide, pour laisser aux Allemands le loisir d'inspecter son appareil sous toutes les coutures. Les Allemands ne sont peut-être pas totalement dupes, mais comme ils ont un intérêt politique à faire peur aux Britanniques, ça passe.

Il s'acoquine avec l'entourage de Goering. Comme il ne manque pas de toupet, Cotton emmène des nazis voler en même temps qu'il prend des photos (les appareils sont vraiment bien dissimulés, c'est du travail d'artiste).

En août 1939, Cotton a l'idée saugrenue, qui donne des sueurs froides à ses commanditaires (toute sa vie, il sera un électron libre) de sauver la paix lui-même par l'intermédiaire de Goering. Bien sûr, cela échoue. Mais il a le douteux privilège d'être le dernier pilote étranger à quitter Berlin juste avant le début de la guerre, il a eu chaud aux fesses.

La reconnaissance stratégique

Incorporé dans la Royal Air Force pour des raisons administratives, il est toujours aussi peu militaire.

Il installe son équipe de pirates dans un coin isolé d'un aérodrome civil (Heston).

Il réclame deux Spitfires, à l'époque où ils valent leur poids en or massif. On les lui refuse. Pas grave, il s'arrange avec Supermarine pour aller les chercher à l'usine. Gros bordel administratif et susceptibilités froissées.

Ils les dépouillent de tout leur équipement militaire (blindage, mitrailleuses etc) et les truffent de caméras et de réservoirs. Le RAE (Royal Aircraft Establishment) de Farnborough (la sépulture de Napoléon III est à Farnborough), l'équivalent de notre STAé, lui dit que ça ne marchera jamais, à cause des problèmes de centrage.

Les Spits de Cotton volent plus haut, plus vite et beaucoup plus loin (distance franchissable multipliée par 3) que les Spits ordinaires. Nouvelles susceptibilités froissées.

Il recrute des pilotes un peu particuliers. Le dicton est « Un pilote de grande reconnaissance, c'est un pilote de chasse avec un cerveau », en fait il préfère les pilotes de bombardier, plus posés, plus réfléchis.

Il professionnalise toute la chaine jusqu'à l'interprétation. Il remplace les bonnes vieilles loupes par de l'optique dernier cri.

Il va lui-même présenter ses albums de photos à Churchill, à l'époque premier Lord de l'Amirauté (la Navy aide Cotton pour des questions de rivalités avec la RAF, c'est comme ça que Ian Fleming, officier de marine, a fait sa connaissance). Nouvelles susceptibilités froissées, rengaine connue.

Ah oui, et Cotton se balade dans Londres en respectant très approximativement le code de la route, dans une Hotchkiss rouge, un peu l'équivalent d'une Ferrari. Le truc discret.

Beaucoup de susceptibilités froissées, certes. Mais il est soutenu par quelques pontes, tout simplement à cause de son efficacité. Avec 10 fois moins d'avions que les unités de reconnaissance classiques, il rapporte plus de photos, et meilleures.

Ses Spitfires ont vu la colonne blindée allemande qui traversait les Ardennes.

Un des problèmes de ces reconnaissance à haute altitude est que les vols sont détectables par les trainées de condensation (hello, les crétins qui croient aux chemtrails).

La bureaucratie fait la peau de Cotton

Comment vient à Cotton l'idée, objectivement idiote, d'aller repêcher contre rémunération Marcel Boussac en pleine débâcle de 40 ? Finalement, cela ne s'est pas fait, mais cette histoire a entachée la réputation de Cotton comme si cela s'était fait.

Bien entendu, ses ennemis s'en donnent à cœur joie, mais bon, il a un peu cherché. On lui reproche aussi d'avoir généreusement distribué l'argent de la RAF à des amis. C'est vrai, mais ils avaient des compétences que la RAF n'avait pas. Qu'est-ce qui coûte le plus ? De l'argent jeté par les fenêtres pour un truc qui marche ou entretenir, en comptant chaque shilling conformément aux procédures, une escadrille totalement inefficace ? La réponse des bureaucrates, ces sous-hommes, vous la devinez.

Mais il est vrai qu'il y avait des accusations plus sérieuses : le mélange militaire/civil missions/affaires laisse un goût désagréable, on n'est jamais loin de la concussion. Et puis, il vend des armes américaines pour son propre compte aux Français.

Les Français le détestent. Son côté mythomane nuit à sa crédibilité. Et sa manière de se balader avec une escorte de jolies femmes fait bien peu militaire, et les militaires français sont assez coincés (même si une rumeur, infondée, bien sûr infondée, dit qu'il est allé au bordel avec Vuillemin, le chef d'état-major de l'armée de l'air).

Bref, le proverbial vase et la non moins proverbiale goutte d'eau ...

Il est privé de son unité et restera conseiller technique. Mais les bureaucrates de la RAF ont quand même été assez avisés pour se débarrasser de lui quand son unité était sur les rails. La Bataille d'Angleterre n'est même pas commencée que la carrière de Cotton comme aviateur est finie.

Puis il est emmerdé pour avoir travaillé avec une puissance étrangère ... les Etats-Unis. La bêtise bureaucratique à front de taureau. A l'époque, la politique britannique était de tout faire pour attirer les Américains dans la guerre (on est à quatre mois de Pearl Harbour).

Probablement une dénonciation de la RAF : pour des raisons que j'ai expliquées dans un autre billet, la hiérarchie de la RAF des années 40 était, à quelques brillantes exceptions près qui ont sauvé les meubles, un ramassis de sales cons. La RAF, eu égard aux moyens énormes qui lui étaient alloués, fut plutôt un échec. Les villes allemandes ont été rasées, et alors ? Pour quel impact militaire, économique et politique ? Plus d'officiers aviateurs britanniques sont morts pendant la deuxième guerre mondiale que d'officiers d'infanterie pendant la première guerre mondiale.

On ne sait pas bien ce que Cotton a fait entre 1940 et 1945. Probablement pas grand'chose.

Trafiquant d'armes

Après la deuxième guerre mondiale, il y a : des guerres de décolonisation, des armes et des avions bradés, des pilotes au chômage.

Cotton n'est pas le seul à avoir l'idée d'additionner tout cela. Il gagne des fortunes, qu'il dépense aussitôt en prostituées et en drogue.

Les prostituées, c'est affaire de goût. Mais la drogue à 50 ans, ça fait vraiment minable (à tous les âges, d'ailleurs).

Dans les années 50, alors qu'il aurait pu profiter des quelques millions qu'il lui restait, il s'embarque dans une histoire d'achat de concession de pétrole. Il se fait rouler dans la farine par les Saoudiens (il est bien trop brouillon et impulsif pour l'emporter face à des arabes patients et retors) et sort ruiné de cette aventure.

Une triste fin

Il se remarie en 1951 avec sa secrétaire de trente ans sa cadette (une de ses ex-épouses a fait remarquer qu'il n'aurait pas supporté le choc d'une femme qu'il n'aurait pas dominée). Ils ont deux enfants. La misère après l'affaire saoudienne (qui n'arrête pas les folles dépenses de Sidney) détruit le mariage.

Son épouse, aigrie avec quelque raison, dira toute sa vie qu'un seul mois du temps de leur splendeur leur aurait permis de finir leur vie tranquilles au lieu de quoi Sidney Cotton a fini sa vie en tapant les uns et les autres et n'a laissé que des dettes.

Il meurt en 1969.

Une reconnaissance (!) tardive

Aujourd'hui, Sidney Cotton est considéré comme le père de la reconnaissance stratégique : avions spécialement adaptés, matériel photographique de pointe, notamment la prise de photos déroulante, équipe d'interprétation professionnelle.

Ces éléments existaient plus ou moins dans d'autres forces aériennes, mais jamais systématisés ainsi (Saint-Exupéry était un pilote de « grande reconnaissance », mais c'était le moyen-âge par rapport à ce que faisait Cotton).

C'est avec Cotton qu'ont lieu les reconnaissances systématiques en profondeur, en territoire ennemi.

mardi, juin 25, 2024

Rome, Naples et Florence (Stendhal)

Je n'aime pas Stendhal.

Je suis une brute : pour moi, égotisme rime trop facilement avec nombrilisme et cela m'ennuie terriblement, à m'en décrocher la mâchoire à force de bâillements. J'apprécie les natures plus vigoureuses. J'ai bien du mal à comprendre comment un homme aussi énergique que Jean Prévost a pu s'éprendre de ce mollasson de Stendhal.

J'ai pourtant lu sans déplaisir la Chartreuse, pourtant je ne suis pas allé au bout (Stendhal non plus, d'ailleurs).

Mais (banalité) quel styliste !

« Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi, et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur. »

J'ai attaqué Rome, Naples et Florence en me disant que nous avions au moins l'Italie en commun. Raté ! L'ouvrage m'est tombé des mains.

Bref, Stendhal, c'était mon dernier essai.