Dans son dernier essai, l'ancien Premier ministre livre une critique féroce de la démocratie d'opinion.
Edouard Balladur a fréquenté le pouvoir de près. Pendant deux ans, il a été un Premier ministre aimé - des sondages, des médias, des intellectuels - avant de devenir un candidat malheureux à l'élection présidentielle (de 1995). L'expérience qu'il a vécue imprègne son « Machiavel en démocratie », qu'il nous livre aujourd'hui. C'est un essai à la fois lucide et désabusé sur la pratique du pouvoir en terrain démocratique.
Son interrogation de départ laissait pourtant espérer un certain optimisme : au XVIe siècle, époque de la morale chrétienne, Machiavel avait déchiré le voile en décrivant la mécanique implacable du pouvoir : la lutte pour le conquérir, les ruses pour le conserver. C'était l'époque des princes et des monarques.
Les siècles ont passé, la démocratie a gagné du terrain. Se pourrait-il qu'elle ait modifié la donne ? Eh bien, non, rétorque l'auteur. « Démocratie ou dictature, la fin demeure la même : la conquête et la possession du pouvoir par tous les moyens, aussi longtemps que possible. » Pourquoi ? Parce que le pouvoir est en soi une jouissance : « Faire et défaire les carrières, être le dernier recours pour toutes les faveurs, distribuer ses grâces au gré de ses préférences ou de ses antipathies... » Quelle ivresse ! C'est aussi une quête « celle de l'immortalité heureuse ». C'est enfin une illusion dont peu parviennent à prendre la mesure.
Qu'a changé la démocratie ? Fondamentalement rien, déplore l'auteur, « la décision des peuples supposés plus libres n'a pas comblé le fossé entre la politique et la morale. Au point que, pour triompher, il faut davantage encore d'hypocrisie, ne pas tromper seulement quelques-uns mais tous ».
Flatter l'opinion sans relâche
Et l'auteur de décrire, sans jamais nommer personne, le parcours pathétique du « politique », qui, pour arriver au sommet, va devoir se livrer en pâture à l'opinion et la flatter sans relâche. Une critique au vitriol de la démocratie médiatique et de ceux qui la contrôlent : les journalistes, les sondeurs, les conseillers en communication ou encore les intellectuels, qui « prétendent posséder le privilège de l'intelligence et du savoir, et que chacun s'y soumette ».
Edouard Balladur dénonce aussi la versatilité de l'opinion et le conformisme des modes : « Culte des idées nouvellement reçues, naïvement provocatrices, adhésion à toutes les fantaisies changeantes de la mode. » Sa vision est si noire qu'elle ne laisse guère de place à l'espoir.
Et pourtant, convient l'auteur, il arrive parfois que, porté par les événements, le « politique » se grandisse. Churchill, de Gaulle, Adenauer font partie de cette race de leaders qui, animés de convictions fortes, ont su entraîner le peuple derrière eux. Edouard Balladur, lui, n'y est pas parvenu. Il continue d'en souffrir.
FRANÇOISE FRESSOZ pour LES ECHOS
jeudi, janvier 26, 2006
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bon, d'accord, la critique est aisée, mais il propose quoi pour tenter de réduire le poids de cette logique démagogique, balla ?
RépondreSupprimerJe ne sais pas ce que propose Balladur, mais, pour ma part, je ne vois qu'une réponse fondamentale :
RépondreSupprimer> réduire le poids de l'Etat, de l'administration et des règlements divers et variés dans la société française.
Ainsi, les occasions de corruption et de démagogie disparaîront d'elles-mêmes.
Et je ne suis pas sûr que cette solution soit inaudible, elle l'est seulement pour les étatistes de tout poil qui font plus de bruit qu'ils ne sont nombreux.
Il a tout de meme reussi a entrainer la dette, c'est un bon debut...
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