Pascal Aubert dans La tribune
Encore une fois des centaines de milliers de Français, jeunes et moins jeunes, vont descendre dans les rues des grandes villes de France au son des joueurs de flûte syndicaux et politiques. Encore une fois, ces centaines de milliers de Français sincèrement convaincus de la justesse de leur combat contre la précarité ne se rendent pas compte que les joueurs de flûte les conduisent à la noyade. L'ignorance des lois de l'économie n'explique pas tout. On flaire aussi, hélas, des relents de basse cuisine chez certains chefs politiques et syndicaux confrontés à des échéances personnelles décisives. Car depuis quelques semaines, on voit bien que, si les manifestants s'époumonent à reprendre en choeur les slogans anti-CPE -en proférant au passage d'énormes contre-vérités qui attestent de leur faible connaissance du dispositif proposé-, l'objectif principal des organisateurs de défilés n'est plus le chômage des jeunes mais de faire plier un chef de gouvernement qui a commis l'outrage suprême, celui de ne pas les avoir traité avec les égards qu'ils estiment leur être dûs. Ainsi la France doit-elle d'être mise sens dessus dessous à une blessure d'amour propre. Car demain, la tête de Villepin le téméraire peut bien rouler dans la sciure avec son CPE et les adversaires du Premier ministre en tirer matière à gloriole personnelle, rien ne sera résolu. Surtout pas la question du chômage des jeunes. Or, si imparfait soit-il, si maladroite qu'ait été l'attitude du Premier ministre, ce CPE mal ficelé a au moins un mérite, celui d'exister. Et une "qualité", celle d'être perfectible. En face, les propositions alternatives sont rares et rarement sérieuses. Et lorsqu'elles existent, elles se parent des atours trompeurs mais séduisants auprès de l'opinion d'une omnipotence de l'argent public qui appartient au passé. Ou bien on s'extasie sur la "flexécurité" à la danoise érigée ici et là en modèle à cloner. Malheureusement on en regarde les avantages sans s'attarder sur le contrat social fort qui en est le corollaire. Lequel n'est transposable en France qu'en rêve. Alors libre à nous de continuer à nous regarder le nombril, mais prenons conscience que le monde autour de nous ne va pas s'arrêter de tourner. Et que faute de fluidité suffisante du marché du travail, les emplois de demain ne se crééront pas en France mais ailleurs.
mardi, mars 28, 2006
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