Analyse : Guantanamo, pour en terminer avec la propagande anti-américaine
Par Yves Roucaute, Professeur d'université Paris X Nanterre, agrégé de philosophie et de science politique*
07 juin 2006, (Rubrique Opinions Le Figaro)
En pleine guerre mondiale contre le terrorisme, «l'affaire de Guantanamo» est grave. Au lieu de soutenir ceux qui sont en première ligne dans cette guerre d'un nouveau type, livrée par les forces barbares à toutes les civilisations, le poison de l'antiaméricanisme ruine le moral de nos nations.
La propagande antiaméricaine nous ordonne de tourner nos regards vers Cuba. Non pas le Cuba réel, celui de Castro qui, après avoir tué plus de 100 000 Cubains depuis un demi-siècle, domine par la terreur. Non pas les geôles infectes castristes où croupissent plusieurs milliers de prisonniers politiques (336 officiellement). Dans le programme touristique du politiquement correct : «Le goulag de notre temps» est américain, les plages de sable chaud castristes.
Guantanamo donc. La propagande y dénonce l'isolement et le secret, réclame l'intervention des tribunaux américains, invente des prisonniers détenus sans raison, imagine tortures et viol des droits individuels.
Isolement et éloignement ? Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver des précédents qui n'ont jamais été contestés. Quand, le 22 juin 1940, Hitler lance une offensive aérienne sans précédent contre l'Angleterre, Winston Churchill obtient du gouvernement canadien la détention de 3 000 soldats allemands capturés par l'armée britannique, conduits dans le plus total des secrets dans des camps isolés du nord de l'Ontario et à Kananaskis dans les Rocheuses. Trois raisons : il évite de voir ces détenus revenir au combat en cas d'évasion, prohibe, à partir de la prison, le passage d'informations, et interdit la construction de réseaux nazis. Quand on voit la façon dont les réseaux islamistes se constituent aujourd'hui dans les prisons françaises ou britanniques, le choix de l'isolement ne répond-il pas à la nature de la guerre asymétrique menée par les réseaux terroristes disséminés dans le monde ?
Le secret ? Il permet d'obtenir des informations sans que l'ennemi ne s'en doute, ne sachant qui est pris, ni quand. Il permet des infiltrations, des substitutions de personnes, des dévoilements de complicités, des jeux de désinformation. Provisoire, ce type d'incarcération n'en demeure pas moins stratégique. Et il sauve des milliers de vies.
L'intervention des tribunaux ? Par quelle étrange vue tortueuse de l'esprit s'imposerait-elle nécessairement ? Comme dans toute guerre, l'enfermement de l'ennemi capturé ne vise pas d'abord à juger, mais à empêcher de combattre et à enquêter. Certes, après un certain temps, les informations sont obtenues et le secret de la capture est éventé. Quand cessent l'intérêt pour le renseignement et la possibilité de reprendre les armes, libération et renvoi dans le pays d'origine sont d'usage. C'est pourquoi les Américains libèrent peu à peu les détenus. En ce qui concerne les contestations actuelles, après la décision de la Cour suprême (juin 2004, affaire Rasul/Bush) et le Detainee Treatment Act de décembre 2005, le débat juridique se poursuit, mais nul être sensé ne peut espérer voir les détenus dangereux de Guantanamo gambader en liberté ou monter des réseaux dans des prisons ordinaires.
Les conditions de détention ? Les républiques ne sont pas sans obligations. Comme le montre Kant, elles se différencient à jamais des tyrannies en ce que toute violation de la dignité de l'homme y est punie. En l'oubliant, un soldat signe un double crime : il viole une loi naturelle et sabote les fondements moraux du pays. Laissons là les tartuffes qui feignent pour leur propagande de confondre exactions et règle. Les tribunaux américains répondent à ce souci moral : ils ont prononcé des sanctions à la suite des révélations d'Abou Ghraïb et non un discours de bienvenue au paradis d'Allah.
Mais où sont les preuves de torture de Guantanamo ? Le fameux rapport de la commission des droits de l'homme de l'ONU (février 2005) sur lequel s'appuient les antiaméricains, laisse pantois. Cette commission, qui comptait dans ses rangs la Chine communiste, le Cuba castriste, l'Arabie saoudite... avait trouvé inconvenante la méfiance des autorités militaires qui acceptaient leur venue mais ne voulaient pas les laisser interroger les détenus. En conséquence, elle a refusé de mettre un pied dans le camp et a établi son rapport grâce notamment aux témoignages des... prisonniers islamistes libérés.
Dernier avatar de la propagande ? Un médiocre «documentaire-fiction», The Road to Guantanamo, ours d'or au Festival de Berlin, aux ficelles si grosses qu'elles font regretter Sergeï Eisenstein et Léni Riefenstahl. N'y avait-il vraiment aucune raison de suspecter les trois héros du film, détenus à Guantanamo ? Doit-on prendre pour argent comptant leurs assertions quant aux tortures subies dont il ne subsiste aucune marque ? Victimes de la malchance, ils seraient partis au Pakistan pour un mariage à Karachi, lieu de rendez-vous des islamistes du monde entier en partance pour l'Afghanistan. Puis, ils se rendent 1 200 kilomètres plus loin à Kandahar, centre de commandement d'al-Qaida, lieu de rendez-vous de la filière pakistanaise. Ils musardent jusqu'à Kaboul, où de nombreux renforts talibans arrivent avec eux. Intervention alliée oblige, nos flâneurs se retrouvent ensuite à la frontière pakistanaise où se sont repliés les islamistes. Poursuivis par la malchance, ils sont arrêtés par l'Alliance du Nord, avec des talibans armés, qui les remet aux autorités américaines.
L'antiaméricanisme apparaît chaque jour davantage comme le nouvel opium du peuple. Le coeur d'un monde sans âme d'où la moralité est exclue, le repère fantasque des consciences perdues par la chute du mur de Berlin. Si la vraie force des républiques réside dans la vertu, comme le montra Montesquieu, la vertu se mesure au courage de se battre pour elles. Guantanamo, c'est ce courage.
* Professeur d'université Paris-X Nanterre, agrégé de philosophie et de science politique, auteur de Le néo-conservatisme est un humanisme (PUF)
mercredi, juin 07, 2006
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***La propagande antiaméricaine nous ordonne de tourner nos regards vers Cuba. Non pas le Cuba réel, celui de Castro***
RépondreSupprimerya du progrès : ce n'est plus un paradis ? à la place d'YR j'apprécierais.
Franck bout. Hasard ? hélas non, il bout toujours en vertu des mêmes indignations sélectives.
Contradiction gigantesque, et néanmoins survolée de très haut par le si humaniste (il me rendrait animaliste !) néo-conservateur : c'est bien la liberté et la démocratie qu'on prétend défendre ? Alors comment supporter que ses gladiateurs soient intouchables, au-dessus des lois et de tout contrôle, etc. ?
A noter le point de vue de Philippe Muray, très peu suspect de gauchisme, sur la guerre en Irak : pour lui, cette "politique" est le symétrique de la bonne conscience bien-pensante de gauche et tout aussi condamnable pour les mêmes raisons, ses aspects religieux et totalitaires de dictature des sentiments.
RépondreSupprimerJe me suis abstenu de commenter ce texte (je ne suis pas en ébullition !) parce que je ne suis pas trop à l'aise. J'aurais pu le préciser, mea culpa.
***aspects religieux et totalitaires de dictature des sentiments.***
RépondreSupprimerà la bonne heure !
serez-vous à présent d'accord pour considérer comme une déformation religieuse, et des plus dommageables, le fait de hurler à l'antisémitisme ou à l'antiaméricanisme à la moindre critique d'un acte du gouvernement israélien dans le premier cas, américain dans le second ?
Pourquoi pas ? A condition de ne pas être borgne et de ne pas oublier de voir tout ce qu'il y a de religieux dans l'attitude de la gauche qui se conidère comme le Bien.
RépondreSupprimerJe vous posterai un extrait de Philippe Muray sur les larmes de Martine Aubry ("Martine aux outrages")le soir de sa défaite électorale à Lille.
Mon probleme ce n est pas le terroriste reel. Non il s agit de l innocent vendu par des voisins qui veulent l argent ou une vengence personnelle.
RépondreSupprimerAujourd Hui lea americains reconnaissent qu il y a plusieurs erreurs de personnes.
Les pauvre gueux on simplement pas eu de chance.
(et on pourrait en dire long)
Si l inverse etait vrai Le yankee serai de dommage pour des milliards.
Luc