mercredi, juillet 02, 2008

Un anti-militarisme de droite ?

JD Merchet, chroniqueur militaire à Libération, soutient qu'il y a un anti-militarisme de droite, fait plus de négligence et d'indifférence que de franche hostilité. Le plus digne représentant en serait Nicolas Sarkozy lui-même.

Les derniers événements en donnent une confirmation angoissante :

> un résumé brutal du dernier livre blanc de la défense pourrait être : «L'armée est un auxiliaire de la police, comme les pompiers». En avalisant ce qui apparaitra probablement dans quelques années comme une irresponsabilité majeure proche du manquement au devoir (1), Nicolas Sarkozy ne fait que se soumettre au sentiment des Français qui n'arrivent plus à imaginer l'Autre que sous les traits du semblable et non de l'ennemi. Or, ce pacifisme irénique ne mène qu'à des catastrophes, car ce n'est pas nous qui choisissons nos ennemis, ce sont eux qui nous choississent. J'y vois l'un des symptômes les plus préoccupants de la volonté des Européens (car le problème n'est pas seulement français) de sortir des turbulences du monde, de la vie, qu'on leur foute la paix, qu'on les laisse mourir tranquillement.

> la réaction de Nicolas Sarkozy au malheureux accident de Carcassonne est d'une violence contre l'institution (2) qu'on ne lui a jamais entendu après, disons, une bavure policière. Elle témoigne au moins d'une incompréhension et plus probablement d'un mépris.

Une contre-offensive gouvernementale tend à présenter le présent malaise comme le symptôme du conservatisme militaire face au si moderne et si innovant président. Le journal Le Monde tombe dans le panneau. En réalité, aucun service de l'Etat ne s'est (n'a été) autant réformé que l'armée ces quinze dernières années, pour une raison simple : les militaires ne font pas grève, ils ont le sens du devoir (ce qui ne semble pas le cas par exemple des cheminots) et, de toute façon, les Français s'en foutent.

La meilleure image qu'on puisse donner du rôle de l'armée dans une démocratie est celle d'une assurance : elle est toujours trop chère quand tout va bien, mais on est bien content de l'avoir quand ça va mal. Et, évidemment, quand on est dans la merde, il est trop tard pour souscrire l'assurance qu'on a négligée quand tout allait bien sous prétexte d'économies.

La chose militaire fait partie, comme l'instruction, de ces politiques à cycles longs où l'incompétence et les mauvaises décisions ont peu d'impact immédiat et visible mais des effets destructeurs d'autant plus durables, profonds et difficiles à combattre.

Sur des sujets primordiaux, défense, instruction, innovation, dynamisme économique, assurances sociales, je vois la France dans un grand tunnel depuis le premier choc pétrolier et je ne vois toujours pas le bout de ce tunnel. Vous connaissez mon analyse : la France a depuis les années 80 raté le tournant des réformes libérales.

Concernant la défense, il est clair que l'Etat devrait la considérer comme prioritaire, et non pas comme accessoire par rapport au problème de la longueur de la publicité à la télévision ou au destin des plaques d'immatriculation automobile.


(1) : je n'ai pas de noms de dirigeants qui aient négligé la défense et dont on ait gardé un bon souvenir. Si vous avez des contre-exemples, ça m'intéresse.

(2) : je ne conteste absolument pas qu'il y ait eu de graves fautes, mais il y a la manière de le dire.

4 commentaires:

  1. Cuche a été forcé de demissioner par Sarkozy a cause des récriminations aprés le livre blanc.
    Le général ne pouvait pas faire moins vu la facon dont Sarko a parlé aux généraux, et il le savait.

    Aucun président ne supporte les militaires qui l'ouvrent(peux étre avec raison).
    Je ne partage pas votre avis sur la vertuosité du corps militaire, Il y a beaucoup de pantouflards et d'affaire pas bien propre avec l'industrie de la défense.
    Ils ne sont pas tellement différents des autres castes de fonctionnaires sur ce point la.Il y a d'autres moyens que la gréve pour profiter du systéme.
    Et ceux dont je parlent sont peu susceptibles de tomber un jour pour la nation...

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  2. Bien sûr, il n'y a aucune organisation publique parfaite, mais l'armée est moins imparfaite que d'autres.

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  3. Bonjour, je suis peut-être un peu partiale sur le sujet, mon fils étant militaire, mais je peux vous dire que dans son régiment (3ème RIMa basé à Vannes), il y a de la discipline, de l'autorité, de l'efficacité, beaucoup de travail (les jeunes militaires simples soldats ne comptent pas leurs heures contrairement aux fonctionnaires: c'est plutôt 70 que 35h), de la cohésion, de l'abnégation même, par moments, enfin tout ce qu'on ne trouve presque plus dans la vie civile.
    Franchement j'admire ces jeunes!

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  4. Grosse surprise: il n'y a donc pas que des conneries dans Libé.

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