mercredi, mars 11, 2009

La folie injectrice (31) : Keynes toujours pas ressuscité

LA MAGIQUE DÉMONSTRATION DE LORD KEYNES

« Keynes est mort », avait constaté Milton FRIEDMAN en 1975. La crédibilité scientifique de « La Théorie Générale » (1936) avait en effet été totalement ruinée par les analyses des adversaires du keynésianisme, mais aussi par les échecs de toutes les politiques qu’il avait inspirées. Aujourd’hui, avec la crise, et la façon dont y répondent les politiciens, c’est le retour de l’Etat, c’est le retour de Keynes. Mais la démonstration de Keynes aurait-elle retrouvé quelque valeur explicative ? Certainement pas : elle est toujours aussi fallacieuse. Cela mérite d’être dit, car il faut démasquer une supercherie aujourd’hui fatale.

Keynes veut prouver qu’une économie de marché laissée à elle-même débouche mécaniquement sur le chômage massif. Une intervention de l’Etat est donc indispensable pour retrouver le « plein emploi ». Reste à le démontrer. Pour y parvenir Keynes introduira pas moins de huit hypothèses, qui sont huit raccourcis sans aucun fondement. Pour expliquer ces tours de passe-passe je dois d’abord résumer le cheminement de la théorie Générale. Écoutons Lord Keynes.

Dans une économie, en un moment donné, le niveau de l’emploi global dépend du niveau de la demande globale anticipé par les entrepreneurs : ils n’embaucheront que s’ils ont la perspective de vendre leur production. La demande globale a deux composantes, la consommation et l’investissement. La consommation privée manque de dynamisme, à cause d’une « loi psychologique fondamentale » : plus de revenu conduit à plus d’épargne (la « propension marginale à consommer » son revenu excédentaire est inférieure à un). La léthargie de la consommation peut-elle être compensée par le dynamisme de l’investissement ? L’investisseur regarde ce que lui rapporte sa dépense en équipement (« efficacité marginale du capital ») et ce que lui coûte l’emprunt nécessaire pour la financer (taux d’intérêt). Or, l’efficacité marginale ne cessant de diminuer au fur et à mesure de l’accumulation du capital, il faudrait que le taux d’intérêt s’abaisse également.

Le taux d’intérêt dépend d’un choix de l’épargnant : veut-il placer son épargne ou la conserver sous forme liquide ? La demande de liquidité est faite de trois composantes : encaisses de transaction (avoir toujours un volant de trésorerie), de précaution (faire face à des dépenses inattendues), de spéculation. Les encaisses de transaction et de précaution sont stables, tandis que les encaisses de spéculation augmentent avec la baisse des taux d’intérêt. Donc, en dessous d’un taux d’intérêt critique, la préférence pour la liquidité devient totale, l’épargnant ne veut plus engager son argent, trop mal rémunéré. Si les banques mettent des liquidités sur le marché en créant de la monnaie, celle-ci ne fait plus retour sous forme d’investissement, elle grossira une encaisse devenue stérile : c’est la « trappe monétaire ».

L’investissement ne peut donc pas davantage relancer l’économie que la consommation. La « demande globale spontanée » est insuffisante. Faute de débouchés suffisants, les entrepreneurs n’ont donc aucune raison d’embaucher. Aussi l’insuffisance de la demande globale spontanée doit-elle être compensée par une demande de la part des pouvoirs publics : les dépenses de l’Etat vont prendre le relais pour assurer un plein emploi qui sans cela ne sera jamais atteint. CQFD.

Magistral, magique, irréfutable. Voici maintenant les huit hypothèses sous-jacentes.


1° L’emploi global dépend de la demande globale. On est dans le « global », et une relation mécanique s’établit entre l’embauche de toutes les entreprises et leurs débouchés. Les entrepreneurs embauchent ou licencient au hasard de la conjoncture qu’ils anticipent. Il n’y a donc aucune flexibilité dans le processus de production, qui est le même pour tous.

2° Seule la demande est prise en compte parce qu’à court terme les entrepreneurs ne modifient pas les conditions de leur offre, les effets d’un investissement et de la productivité n’interviennent qu’à long terme, or « à long terme nous serons tous morts », disait Keynes.





3° La consommation n’augmente pas aussi vite que le revenu. Cette « loi psychologique » a été démentie par la mise en évidence (par Friedman) d’un « revenu permanent » : les consommateurs ne changent pas leurs habitudes à la moindre variation de leurs gains.


4° L’efficacité marginale du capital diminuerait. Keynes veut faire croire à la « baisse tendancielle des profits » imaginée par Ricardo et Marx. Pourquoi la baisse ? Qui l’a vue ?


5° La théorie des encaisses suppose que l’épargnant ne considère que le taux d’intérêt lié à la spéculation. Les ménages ont en réalité une demande d’encaisses réelles tout à fait stable. Ils connaissent leur niveau « d’encaisses réelles désirées » et n’ont pas l’habitude d’accumuler de l’argent qui ne sert à rien, l’argent supplémentaire ne passe pas « à la trappe ».


6° Le financement de la dépense publique importe peu. Le budget peut être mis en déficit. Donc on ignore « l’effet d’éviction » : pas besoin d’impôt pour relancer l’activité, donc pas de risque que la dépense publique « évince » la dépense privée.


7° Les déficits de l’Etat sont financés par la banque centrale. Cette création monétaire mène à l’inflation, Keynes en convient, mais l’inflation est le prix à payer pour le plein emploi.


8° La relance va s’opérer grâce au miracle du multiplicateur d’investissement public : un euro de dépense publique permet de distribuer des dizaines d’euros à ceux qui retrouvent un emploi, dans un programme de grands travaux par exemple.


Au total, la théorie de Keynes est une théorie de la demande, du court terme, de la nocivité de l’épargne. L’entrepreneur n’est pris en compte que pour ses anticipations pessimistes, il n’y a ni innovation, ni création d’emplois. L’épargnant ne sait pas quoi faire de son argent. Le travailleur subit les méfaits de la conjoncture. Seul l’Etat peut sauver tout le monde.


Voilà la démonstration terminée, le magicien a sorti son lapin. Au prix de raccourcis et d’erreurs, il est arrivé à ses fins. C’est ce que le doyen Alain BARRERE avait appelé « le finalisme keynésien ». La fin justifie les moyens.

Quand va-t-on en finir avec la magie, et avec le magicien ?

Jacques Garello

Le 9 mars 2009

8 commentaires:

  1. Bonsoir,

    D'où vient cet article ?

    Il me servira de boussole dans la lecture que je fais en ce moment de critics of keynesian economics (disponible sur le site du mises institute critics .

    Livre écrit peu après la sortie de la potion magique de Lord Keynes qui démonte un à un les arguments.

    Au passage, quelques 70 plus tard, un minimum d'honnêteté historique tendrait à montrer que Keynes avait tort.

    Mais, comme le disait Revel, il est vrai que l'idéologie est imperméable aux faits...

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  2. www.libres.org

    De plus, comme le signale A. Kling sur econLog, Rossevelt n'avait aucun programme économique, brouillard complet, mais un programme politique.

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  3. S'il était en vie, Keynes devrait aller à Hong Kong, une des économies les plus florissantes de la planète. Le taux d'épargne y est proche de 40 %.

    L'argument consistant à dire que les riches épargnent et que les pauvres dépensent tout suppose que les seconds sont des cons. Des revenus faibles n'empêchent justement pas des personnes d'essayer d'épargner : même un clochard est capable de faire un tel raisonnement.

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  4. En imprimant beaucoup de monnaie et en le dépensant (via l'état), cela peut créer à court terme une apparence d'activité et de prospérité. Ca keynes l'a parfaitement démontré.
    D'ou l'attrait actuel pour cette pratique, probablement pour faire en sorte que le sentiment de prospérité ne s'arrête pas ...
    A long terme ce n'est évidemment pas le moyen d'assurer la prospérité et le plein emploi. Ca nous conduira droit à la stagflation. Il sera donc interessant de voir quelle attitude les états vont prendre une fois que la reprise économique sera amorcée (on laisse filer l'inflation ou on cherche à la maitriser).

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  5. @ Theo

    Les pauvres sont des cons. C'est une évidence : regardez comment les traitent leurs vrais amis, c'est-à-dire les gauchistes. Ils les traitent comme des enfants.

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  6. Assertion imbécile et navrante.

    D'abord une généralité du type "les pauvres sont des cons" est aussi intelligente que "les riches sont des voleurs".

    Ensuite les gauchistes n'aiment pas le peuple, ils n'en sont pas issus et sous leurs préocupations sociales ils essayent de masquer leur peur et le mépris de la plébe.

    Ce n'est rien d'autre qu'une autre version du pain et des jeux de la Rome antique.

    Enfin les pauvres ne sont pas dupes, parmi ceux qui votent encore, ils sont bien peu a voter pour les gauchistes et quand c'est le cas ce sont des Besancenots et co dont le but affiché est de détruire le systéme.Drole d'enfants.

    Quand des pauvres soutiennent les gauchistes c'est dans le but de sauvegarder leur intéréts personnels, quelque chose qui n'a rien de surprenat d'un point de vue libéral.

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  7. "Assertion imbécile et navrante."

    Il me semble que le propos de Frank était ironique.

    Sinon d'accord avec votre constat sur l'origine sociale des gauchistes. Il suffit de regarder la garde rapprochée du facteur : il n'y a que des profs. Et ça sert à quoi un prof ? A prendre souvent les gens pour des cons.

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  8. Il existe une critique de la théorie de Keynes en amont de celle qui est faite point par point par J Garello.

    L'absurdité, l'incohérence, sont déjà en amont de cette critique.

    Elles apparaissent clairement quand on examine les équations, classiques pour les keynésiens, qui traduisent le discours.

    L'absurdité est déjà dans l'utilisation d'agrégats qui ne rendent pas compte de la structure interne de grandeurs complexes.

    Ensuite :

    1) L'équation de base la plus simple : Revenu (ou Production) = Consommation + Investissement
    NUL. Vrai en comptabilité. Non pas absurde ou faux en théorie économique, mais simplement n'a pas de sens. Y et C sont connus, c'est du passé ; I investissement, est un pari sur l'avenir incertain. Réussira? Réussira pas? Pourra être terminé ou pas? Donnera des fruits ou pas?)

    2) Si l'on entre dans le jeu des keynésiens et que l'on accepte l'agrégation et la mise en équations, on se rend compte que l'artifice de l'écriture mathématique fait passer le revenu (production) de cause à conséquence, selon le sens de lecture de l'équation finale, ce à quoi les keynésiens nous demandent de croire.
    Dans la lecture de gauche à droite, celui de la réalité, le revenu (production) est la source de l'investissement et des moyens de l'État. Puis, après une petite transformation, dans une lecture de droite à gauche, il devient une conséquence de l'investissement et des actions de l'État.

    C'est comme si un coup on brûle du méthane et on obtient du gaz carbonique, de l'eau et de la chaleur. Puis on renverse l'équation, on mélange du gaz carbonique et de l'eau, on chauffe, et on retrouve du méthane et de l'oxygène.

    Ce n'est pas une coïncidence si l'on ne trouve pas d'économistes dont la formation de base était la chimie. Ils sont sensibles à la réalité, au temps. au sens des réactions, à l'entropie.
    Les mathématiciens devenus économistes abondent, comme Paul Samuelson, éminent macroéconomiste keynésien ainsi que JM Keynes lui-même, statisticien d'origine.

    Quand on a remarqué cela on ne sait si s'émerveiller davantage de l'astuce diabolique de Keynes - qui selon Hayek poursuivait un but bien précis de tromper son monde - ou de l'aveuglement de ses disciples. (Aveuglement scientifique, pas au niveau de la carrière personnelle dans un contexte politique.)

    On trouvera les équations (simples, niveau cinquième ou quatrième) dans Macroéconomie keynésienne pour les nuls par Olivier Bouba-Olga Publié le 8 janvier 2009 à 09h12
    http://www.debateco.fr/42,1054/20090108-bouba-olga-crise-theorie-economie-keynes-politique-relance.html

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