jeudi, mars 12, 2009

Qu'est-ce qu'une famille ? (5)

Une famille, c'est un endroit où l'on apprend à ne pas se saisir d'un fusil pour tuer quinze personnes parce qu'on est un adolescent frustré.

Je fais bien sûr allusion à la récente tragédie en Allemagne.

Ces adolescents tueurs qui font régulièrement l'actualité me semblent toujours des enfants qu'on n'a pas guéri de leur syndrome infantile de toute-puissance.

Ce sont des enfants-rois qui, devenant adolescents, s'aperçoivent qu'ils ne seront pas des adultes-rois, en souffrent et l'expriment en se montrant une dernière fois tout-puissants, en donnant la mort.

Marcel Rufo dit que la plupart des crises d'adolescence sont considérablement aggravées par le manque de résistance des parents, qui, selon lui, devraient se comporter à la façon des syndicalistes de la SCNF : aucune concession n'est négociable, sauf au prix d'un effort extrême.

Aldo Nouari va encore plus loin : la crise d'adolescence n'est qu'un syndrome infantile de toute-puissance mal soigné, un problème créé parla carence des parents. Une bonne éducation dans l'enfance, avec un vrai couple de parents et, notamment, un vrai père, et la crise d'adolescence est réduite au minimum.

On m'a rapporté le cas, hélas banal, d'une petite fille de cinq ans qui se comporte comme une mégère. Que croyez vous qu'il arrive ? La mère discutaille pendant des heures «Ma chérie, c'est pas bien, et gnagnagna et gnagnagna ...» La fillette, avec son intelligence pas si bête de fillette, comprend qu'elle peut faire tout ce qu'elle veut, puisqu'elle n'est jamais sanctionnée.

Je peux sans grands risques de me tromper prédire qu'elle ne sera pas une adolescente facile.

Si je prends mon cas, j'ai fait quelques bêtises mais rien de sérieux. D'une part, je suis issu d'une vraie famille avec un vrai père, pas une mère-bis, pas une famille «moderne», décomposée, voire multi-décomposée.

D'autre part, ma scolarité m'a amené à m'éloigner physiquement de mes parents, ce qui est loin d'être une mauvaise chose. Quand on a construit un lycée dans ma petite ville d'origine, Beaugency, j'ai trouvé cela stupide et je persiste bien longtemps après qu'il est entré en service : le fait d'être obligé de faire tous les jours le trajet Orléans-Beaugency était excellent pour notre éducation, cela faisait sortir les bouseux de leur cambrousse. Maintenant, par démagogie, on encourage les bouseux à rester dans leur bouse (1).

Dans ce processus qui consiste à faire sortir les adolescents de leur gangue infantile, à les guérir de leur sentiment de toute-puissance, en leur faisant prendre leur autonomie et tester leurs limites, les activités physiques sont primordiales. Pierre-Gilles de Gennes avait une proposition fort originale mais qui vaut d'être considérée : faire faire des stage dans les garages automobiles. Un écrou grippé, ça résiste, et ce n'est pas en piquant une crise de colère qu'on le décoince, mais avec de la technique, une méthode et quelques efforts. Et c'est également très bon pour l'intellect : dans la conception d'une autombile, se trouvent distillées des années de savoir-faire d'ingénieurs.

Mon propos n'est pas purement théorique, je connais un exemple : un ami qui restaure un avion a mis à contribution son neveu. Celui-ci, pas vraiment une flèche à l'école, y a montré des qualités d'application et de rigueur tout à fait inattendues. C'était quand même mieux que de trainer ses savates à glander chez papa-maman.

Il est vrai également que, dans un environnement laxiste et maternaliste, c'est plus difficile d'élever des enfants correctement, c'est-à-dire avec un peu de rigueur (non, ce n'est pas gros mot) et de risque (maintenant, faites faire du vélo à un gosse sans casque et on vous zyeute comme un violeur récidiviste).

(1) : sans compter, mais c'est une autre histoire, qu'un lycée doit avoir une taille minimale pour être intéressant.

9 commentaires:

  1. "Une famille, c'est un endroit où l'on apprend à ne pas se saisir d'un fusil pour tuer quinze personnes parce qu'on est un adolescent frustré."

    Très bien vu.

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  2. Exemple très récent (c'est arrivé ce lundi : la fac des lettres de Toulouse est bloquée depuis une semaine. Un concours qui devait y avoir lieu a été alors annulé par son président. Deux jours plus tard 150 écervelés déboulent dans l'administration et exigent que le président vienne s'expliquer devant eux. Refus du président (normal, ce ne sont pas les étudiants qui commandent, puis il a sûrement des choses plus intéressantes à écouter que leur diarrhée verbale ; évidemment, ils ont traduit le mot refus par mépris, réflexe plavlovien de gauchiste qui se croit tout permis). Ils s'énervent donc et pénètrent avec violence dans les locaux, explosant une porte et des murs. Comme d'habitude, l'administration a réagi avec toute la mollesse que les étudiants et les personnels lui connaissent.

    La frustration n'est donc pas une excuse.

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  3. Je ne sais pas si la famille a nécessairement quelque chose à voir avec cette tuerie. Ce qui m'épate moi, c'est que les jeux vidéo reviennent systématiquement sur le tapis... Bouc émissaire facile de faits divers sordides... C'est une grossière erreur étant donné l'importance de plus en plus grande chaque année que prend cette industrie dans l'économie. Ah oui et après le jeux vidéo c'est le chanteur Marylin Manson et ensuite c'est Arnold Scharzenegger... Tout ceci prouve le vide intersidéral qui règne chez les psychologues contemporains...

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  4. Apparemment, d'ailleurs, le père est mis en cause pour n'avoir pas tenté d'empêcher le dérapage de son fils, dont l'utilisation des armes à feu...

    Il semble que la figure du père ait été particulièrement défaillante ici.

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  5. Votre article résume on ne peut plus clairement la situation. Je travail dans l'éducation et je connais la question sur le bout des doigts vu que je la vis quodidiennement. Je suis assimilé à un "réactionnaire" et un "fasciste" pour le simple fait d'assumer mon rôle d'adulte référent, d'homme et de "père", de devoir parfois éléver la voix inévitablement, d'être "sévère" et punir lorsqu'il le faut... Immédiatement certains élèves (pas tous car certains demandent ouvertement cette autorité et il ne faut pas croire qu'ils y sont tous réfractaire, bien au contraire ; c'est les parents et leur démission qui sont le problème pas les enfants) se plaignent "d'injustice" pour des brouilles, les rapportent à leurs parents qui immédiatement en réfèrent à la directrice de l'école. "Ecouter la parole des enfants" est devenu une manière de leur apprendre en permanence à contester l'autorité des adultes qui ne peuvent même plus faire leur travail et à les "victimiser" pour un oui ou pour un non. Aussi à entretenir cette "Toute puissance" infantile et donc à ne jamais leur permettre d'avoir la moindre endurance face à l'adversité de la vie plus tard. Avec les conséquences inévitables que l'on connaît....
    Je ferai bientôt un post sur mon site à propos de ça....
    Bien à vous

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  6. Les adultes ont le devoir de protéger les enfants mais aussi de les guider. Or, guider suppose d'être directif ; de mener ici plutôt que là. Guider consiste d'une manière ou d'une autre à IMPOSER une direction.

    En refusant d'imposer, parents et profs manquent à leurs devoirs vis-à-vis des enfants.

    Les enfants-rois montrent souvent des signes de détresse et je les comprends : comment se sentir protégé par un adulte si fort qu'il cède à vos moindres caprices de faible gosse ?

    Vous devriez en parler à vos collègues.

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  7. Cher Franck,
    Je ne fais qu'en parler à mes collègues et tenir le même discours que vous. Ils y en a qui ne sont pas du tout dans la démago et applique parfaitement cette rigueur qui est la vraie protection : comment en effet des enfants pourraient se sentir en sécurité avec des adultes faibles et paumés qui capitulent en permanence et laisse le rapport de force en faveur d'enfants de 3 ans parfois. Mais la plupart sont dans le discours "politiquement correct" ou bien ils préfèrent "laisser courir" parce décider de faire vraiment son boulot d'adulte aujourd'hui, c'est s'exposer à la réprobation des parents ET de sa hiérarchie et les deux vous condamneront toujours. Le mot d'ordre est : Pas de vagues... en attendant, ce sont effectivement les gosses qui se prennent tous les embruns en pleine figure.... et c'est pas près de changer à moins d'un cataclysme...!

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  8. Pfff... Ménesglad, vous êtes effectivement un facho, que c'en est répugnant. Vous travailleriez pas en blouse grise, par hasard ? Ché pas, j'ai bien envie de vous dénoncer à la Halde. Il doit bien y avoir un formulaire spécial pour ça sur leur site. Ou alors, j'en parle à Philippe Meirieu.

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  9. Cher Robert,
    Je sais, hélas, je suis un fasciste ! Je suis pour l'uniforme qui "égalise républicainement" et évite les problèmes de "marques" et autres débilités ! Un salut au drapeau et aux Valeurs républicaines le matin ne me dérangerait pas non plus... alors vous voyez, vous pouvez appeler la Halde êt même le NKVD !

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