Je pense à Montaigne.
Il dit qu'il eut le «meilleur père qui fut oncques».
Mais il semble bien que celui-ci lui coupa les vivres parce qu'il menait une vie parisienne trop dispendieuse, l'établit sans trop lui demander son avis à Bordeaux et fit une très forte pression pour qu'il se marie.
Ses relations avec sa mère furent exécrables.
Pour ce qu'on en sait, ses rapports avec ses sept frères et sœurs ne semblent pas avoir été très étroits. Il ne parait pas avoir eu beaucoup d'affinités avec son jeune frère, qui fit le voyage d'Italie en sa compagnie.
Quant à son épouse, il écrit qu'il fut plus patient et plus fidèle qu'il n'aurait imaginé au début de leur mariage, ce qui est lourd de sous-entendus. Il écrit encore : « Le mariage est une cage ; les oiseaux en dehors désespèrent d'y entrer, ceux dedans désespèrent d'en sortir. »
Il a d'ailleurs ce mot admirable, tellement dans son style, probablement provoqué par les récriminations conjugales à propos de ses incessants voyages : «la femme ne doit pas avoir les yeux tant attachés au devant de son mari qu'elle ne puisse en voir le derrière».
Montaigne considère que l'amour n'a rien à faire dans un mariage. Le mariage d'amour est pour lui une lubie d'homme léger et irresponsable.
Tous ses enfants sont morts en bas âge, sauf une fille dont il ne cache pas s'être désintéressé.
Enfin, si il se retire dans sa tour, c'est pour fuir les soucis domestiques.
Donc, la famille Montaigne est tout ce qu'il y a de plus traditionnel et on n'y respire pas un bonheur sans nuages.
En tire-t-il la conclusion qu'il faut changer tout cela ?
Bien au contraire. Il considère comme une vanité damnable les prétentions des esprits forts à sortir de nouvelles lois toutes armées de leur puissant cerveaux («il y a grand amour de soy et presomption, d'estimer ses opinions jusques-là, que pour les establir, il faille renverser une paix publique»).
Lui, dont la pensée fait si souvent le «cheval échappé», a bien compris que la société humaine et les hommes qui la composent ont besoin de structures stables. Allant jusqu'au bout de sa logique, il écrit qu'il faut obéir aux lois «non parce qu'elles sont justes mais parce qu'elles sont lois».
Ce n'est certes pas lui qui aurait versé dans les ridicules innovations juridiques («Le legislateur des Thuriens ordonna, que quiconque voudroit ou abolir une des vieilles loix, ou en establir une nouvelle, se presenteroit au peuple la corde au col : afin que si la nouvelleté n'estoit approuvee d'un chacun, il fust incontinent estranglé.») dont on nous tympanise, au nom des caprices et des désirs des uns et des autres («L'aller legitime, est un aller froid, poisant et contraint : et n'est pas pour tenir bon, à un aller licencieux et effrené.»).
Bref, je ne ferai pas parler un mort, surtout celui-ci, mais je n'ai guère de doute que les «nouvelletés» législatives qu'on nous prépare ne l'aurait pas fait bondir d'enthousiasme.
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Très beau texte. Il est judicieux d'avoir pris Montaigne comme exemple sur le sujet de la famille, disons pour clore cette série. Personnellement je l'aurais traité plus globalement, de manière conceptuelle avec notamment l'exemple des familles italiennes, les parrains et la mafia. Etendre au groupe en quelque sorte...
RépondreSupprimerAu sujet de l'homoparentalité, je suis à peu près d'accord avec vous.
Je vous comprend de moins en moins : une fois vous dites que le peuple n'est pas apte à prendre des décisions importantes et là vous dites le contraire en clamant que lorsqu'un homme veut changer une loi il doit demander au peuple. Il faudrait penser à être cohérent. Ce que n'était pas Montaigne sur le plan familial : trouver une bonne chose d'avoir de mauvaises relations avec sa famille est... disons, discutable, pour être poli. Plutôt que de se contenter d'affirmer j'aimerais des explications quant à ce que cela apporte de positif, en évitant je vous ne prie le couplet du "ça apprend à se débrouiller" car si tel est le cas, pourquoi vivre en société alors que l'individualisme permet un meilleur développement ? Nous ne devrions nous rencontrer seulement pour procréer !
RépondreSupprimer"Bien au contraire. Il considère comme une vanité damnable les prétentions des esprits forts à sortir de nouvelles lois toutes armées de leur puissant cerveaux"
RépondreSupprimerJe ne puis que te louer FB.de ce rappel.
En ce sens Descartes le rejoignait qui a été trahi par les cartésiens tellement intelligents, tellement sûrs de la "fulgurance de leur raison" qu'ils n'ont de cesse de refaire l'ordre du monde en détruisant traditions et travail des générations précédentes.
Ils vont choisir dans les Lumières tellement plus complexes qu'ils ne les décrivent ce qui leur convient comme dans un supermarché à idées. Ils sont incapables comme le disait Hayek de voir quelles vont être les conséquences de la pierre enlevée à l'édifice, de même que l'influence des nouvelles qu'ils y ajoutent. Ils légifèrent comme des lapins mécaniques ...
Bon cela devient un peu long.
Place à Descartes.
Un peu long aussi mais ça vaut la lecture.
Descartes Discours de la Méthode
Troisième partie (copié/collé de Gutenberg un site à recommander)
Et enfin, comme ce n'est pas assez, avant de commencer à rebâtir
le logis où on demeure, que de l'abattre, et de faire provision de
matériaux et d'architectes, ou s'exercer soi-même à l'architecture, et
outre cela d'en avoir soigneusement tracé de dessin, mais qu'il faut
aussi s'être pourvu de quelque autre où on puisse être logé commodément
pendant le temps qu'on y travaillera; ainsi, afin que je ne demeurasse
point irrésolu en mes actions, pendant que la raison m'obligeroit de
l'être en mes jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors
le plus heureusement que je pourrois, je me formai une morale par
provision, qui ne consistoit qu'en trois ou quatre maximes dont je veux
bien vous faire part.
La première étoit d'obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant
constamment la religion en laquelle Dieu m'a fait la grâce d'être
instruit dès mon enfance, et me gouvernant en toute autre chose suivant
les opinions les plus modérées et les plus éloignées de l'excès qui
fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec
lesquels j'aurois à vivre...