C'est le livre dont on parle.
Ecrit agréablement, il parle de mon histoire, de mon pays, il m'emmène sur des chemins familiers que j'ai plaisir à redécouvrir sous un autre éclairage.
De plus, ce que raconte Zemmour est bien mieux charpenté que la plupart des essayistes contemporains. On y sent un fond de culture classique de plus en plus rare. C'est un peu notre madeleine.
La thèse principale ? La vocation de la France est de reprendre le flambeau de l'empire romain. L'incapacité à y parvenir explique la mélancolie française.
Avec Louis XIV et Napoléon, nous fumes bien près de réussir mais chaque fois, la puissance maritime anglaise nous fit trébucher alors que nous touchions au but. Les traités de Westphalie et de Vienne furent des désastres aux longues conséquences pour la France.
Pour Zemmour, la France «impériale» idéale, c'est la France des cent trente départements, avec une rive gauche du Rhin française. La Belgique, cette invention anglaise, est l'axe de pénétration de toutes les invasions, militaires ou commerciales. La Belgique, qui n'est pas une nation, doit être intégrée à la France.
Cette idée, pour baroque qu'elle semble aux cerveaux bien lavés, se tient remarquablement lorsqu'elle est défendue par Zemmour.
Il aime également à manier la provocation : pour lui, la principale erreur de Pétain ne fut pas en 1940, l'armistice était inévitable (1), mais en 1917, lorsqu'il décida d'attendre les Américains, consacrant une fois de plus la défaite du continent face à la puissance venue de la mer. On connaît les sarcasmes de Clemenceau et de Foch contre Pétain, «il a fallu le pousser à la victoire à coups de pied au cul».
A cette lueur, il réveille une interprétations des mutineries de 17. Chacun sait qu'elles étaient orientées contre les offensives inutiles, mais rien ne dit que les poilus auraient refusé des offensives utiles. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé par la suite : les offensives bien préparées n'ont donné lieu à aucune mutinerie.
L'Europe, avec une demi-Allemagne, était la poursuite de ce rêve impérial français. Mais la créature s'est retournée contre son créateur. Aujourd'hui, la technocratie européenne travaille activement à détruire les Etats-nations, qui sont ses ennemis fondamentaux. En première ligne, le plus ancien d'entre eux, celui où est né l'idée même d'Etat-nation, la France.
Les régions sont les instruments redoutables et vicieux de ce sabotage. L'Europe joue les régions (Catalogne, Flandre, etc.) contre les nations. C'est la raison principale pour laquelle je milite pour la suppression des régions en France, de préférence aux départements. C'est pour enlever à l'Europe une des armes qu'elle utilise contre nous.
Zemmour a une interprétation intéressante de l'invasion migratoire encouragée par la France à partir des années 70 : c'est un moyen, semi-inconscient, de poursuivre le rêve impérial. Et, en effet, la France sera le pays le plus peuplé d'Europe en 2050.
Malheureusement, la conséquence prévisible, c'est la guerre civile. Prolongeant le parallèle avec Rome, Zemmour constate que se constituent des enclaves d'immigrés non-intégrés, c'est-à-dire, en bon français, d'envahisseurs, et qu'il n'y a que deux voies : la disparition de la France, comme l'empire romain a disparu faute d'avoir su ou pu intégrer les Germains, ou la guerre civile. Et probablement les deux.
Il fait également le parallèle entre le christianisme qui a désarmé intellectuellement les Romains et la religion des droits de l'homme qui nous désarme (2).
La conclusion est inquiétante mais pas surprenante : la guerre, civile ou non, est une constante de l'histoire de France. Les quarante années de paix sont une parenthèse. Ca fera drôle aux zozos décébrés de la bien-pensance.
Addendum : un pot-pourri de pages prises au hasard (un hasard qui fait bien les choses !)
Mélancolie française
***************
(1) : je n'en suis pas persuadé, la capitulation aurait suffi.
(2) : dans un pays sûr de lui et dominateur, on ne tourne pas autour du pot avec les immigrés, on les expulse manu militari autant que de besoin.
dimanche, mars 07, 2010
Mélancolie française (E. Zemmour)
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Un bon sujet de dispute FB.
RépondreSupprimerQuelle nostalgie qui fait écho à celle de Poutine évoquant la chute de l'URSS!
La France n'est pas une nation (voir Renan et Le Bon). C'est un empilement de tribus à l'extrémité du continent eurasiatique.
C'est un État qui a été laborieusement construit, à peine terminé aujourd'hui. Les pouvoirs successifs ont essayé de le peindre en nation.
Il est symptomatique que les constructeurs les plus acharnés de cet État, Napoléon, Louis XIV, aient été encore moins Français que certains présidents de la République. Ils ont été classés par les voisins parmi les grands tueurs de l'histoire. (Je donnerais volontiers la vie d'un million de Français pour créer une dynastie, a dit Napoléon. Il les a fait tuer et n'a pas réussi. Encore une fois, à cette époque les paysans ont fait les frais de ces querelles de princes.)
"La France n'est pas une nation [...] C'est un empilement de tribus à l'extrémité du continent eurasiatique."
RépondreSupprimerAprès ça, il n'y a plus qu'à tirer l'échelle !...
Ne nous étonnons pas, après avoir entendu ça, que même le ministre de l'identité nationale ne sache plus lui-même ce que cette expression signifie.
Eh bien si, Larry, la Nation Française, ça existe ! Grâce à Napoléon notamment. Et ils nous appartient à tous de la défendre. Ne vous en déplaise...
On continue sur Napoléon.
RépondreSupprimerPour nos amis anglais, admirés par FB, qui parlaient une langue commune bien avant les Français, renseignez-vous, il est classé dans le trio de tête : Napoléon, Hitler, Staline.
Vous êtes né trop tard dans une monde trop vieux. Vous n'avez pu charger avec le colonel de Grandmaison au début de la gerre de 14.
Larry,
RépondreSupprimer"La France n'est pas une nation [...] C'est un empilement de tribus à l'extrémité du continent eurasiatique."
Je partage l'étonnement, pour ne pas dire plus, de René.
Où avez vous donc appris l'histoire de France ?
Jeanne d'Arc, jamais entendu parler ?
Les Français se cotisant pour payer la rançon de Jean le bon, ça ne vous dit rien ?
Hugues Capet non plus ?
L'armistice de 1940 inévitable ?
RépondreSupprimerCe n'est pas un détail et il y a même là de quoi, à mes yeux, démonétiser un livre.
Comme la survie de l'état de guerre, sous l'impulsion de Churchill a tenu à un fil, en raison notamment de cet armistice terriblement déstabilisateur pour lui, autant écrire que le hara-kiri de la France devant l'apparent triomphe nazi était inévitable.
La droite française n'en finit pas d'essayer de réduire la fracture entre Pétain et de Gaulle. Ce propos est un nouvel effort, aussi vain que les précédents... tant qu'il y aura une France !
Cela dit, l'opposition entre armistice et capitulation n'est pas le fait de De Gaulle mais de Paul Reynaud, et seulement pendant quelques heures, le 15 juin.
Larry,
RépondreSupprimerNe le prenez pas mal, mais quelqu'un qui va chercher ses leçons d'histoire de France chez les Anglais, ça me fait rire.
Ca me rappelle un commentaire d'un critique de cinéma à propos du Jeanne d'Arc de Besson : «Il a réussi ce que les Anglais n'ont jamais réussi : faire passer Jeanne d'Arc pour une folle hystérique.»
«il y a même là de quoi, à mes yeux, démonétiser un livre.»
RépondreSupprimerVous exagérez. Cette erreur est hélas très commune, Zemmour aura cédé à son goût de la provocation et à l'envie d'ajouter un argument de plus à sa thèse.
Ce livre a ce style des fresques à gros traits qui doit vous déplaire mais qui me séduit, même si j'en connais les limites.
Il faut dire que Zemmour tombe sur «des positions préparées à l'avance» : dans l'ensemble, je partage ses idées (sauf sur le point qui nous occupe et quelques autres, mineures).
Par ailleurs, je viens de finir «La fin de la campagne de France : 15 juin-25 juin 1940» de Gilles Ragache.
J'y ai appris qu'on s'était plus battu par chez moi (Beauce, Loire moyenne, Sologne) que je ne croyais.
Pourtant, Ragache se laisse aller à des commentaires anti-churchilliens et anti-gaullistes qui prouvent qu'il n'a rien compris à la politique et qu'il a bien fait de se concentrer sur le militaire.
J'ai peut-être une explication : son père était lieutenant à l'époque. Il a peut-être transmis à son fils, comme c'est souvent le cas, son incompréhension des événements qu'il a vécus.
A propos du Pétain de 1917, vous avez raison. Cependant il ne faudrait pas oublier ce "bon" Clémenceau qui en refusant la paix séparée avec l'Autriche, pour lui il s'agissait d'une guerre idéologique destinée à mettre à bas les monarchies germaniques et austro-hongroises, a sérieusement rallongé les souffrances de nos soldats. Sans ce refus, il n'y aurait pas eu besoin des ricains. Et sans son acharnement à avilir le plus possible l'Allemagne, il n'y aurait certainement pas eu d'Hitler.
RépondreSupprimer"la Nation Française, ça existe !"
RépondreSupprimerVous devriez aller le dire aux Corses, aux Basques, aux Vendéens, aux Bretons, aux Alsaciens. Pas certain qu'ils vous offrent un verre ensuite.
Théo,
RépondreSupprimerVous m'avez habitué à plus de finesse. La nation française s'est justement constituée par une lutte continuelle contre les particularismes locaux. C'est l'éternelle querelle des Girondins et des Jacobins.
«La France fut faite à coups d'épée. Nos ancêtres entrèrent dans l'Histoire avec le glaive de Brennus. Ce sont les armes romaines qui leur portèrent la civilisation. Grâce à la hache de Clovis, la patrie reprit conscience d'elle-même après la chute de l'Empire. La fleur de lys, symbole d'unité nationale, n'est que l'image d'un javelot à trois lances.»
Nos rois disaient «mes peuples». Ca ne les a jamais empêché de voir le royaume comme une unité.
Franchement, qu'est-ce que c'est, sans la France, des Basques, des Vendéens, des Bretons, des Alsaciens ? Des Luxembourgeois ? Des Andorrins ? Des Monégasques ?
Les autonomistes veulent tous l'argent de la France mais qu'elle n'ait plus de droit de regard sur son utilisation. Un peu facile, non ?
Harald,
Je ne sais pas. C'est une thèse très répandue mais je ne connais pas assez ce sujet pour juger de sa pertinence.
Je ne le prends pas mal FB et je ne cherche pas la caution anglaise pour un jugement sur Napoléon. Une vue de la France, des campagnes françaises : on le surnommait l'Ogre, celui qui faisait tuer ses derniers conscrits adolescents que l'on appelait les Marie-Louises (ils n'avaient pas encore de barbe, ils avaient les joues fraîches et roses de Marie Louise, la jeune deuxième épouse autrichienne, de Napoléon.)
RépondreSupprimerJ'ai appris l'histoire de France image d'Épinal, racontée aux petits enfants pour en faire de bons sujets ou de bons citoyens. Elle m'a beaucoup plu. J'ai appris les vieilles chansons françaises. Après j'ai voulu en savoir plus et creuser d'autres niveaux de l'histoire. Quelle était l'extension géographique de la France aux différentes époques? Quelles langues parlait-on? Comment y vivait-on?
Quand l'histoire de Jeanne d'Arc est-elle devenue familière à Berck ou à Narbonne? (Pas de réponse.) Que penser du même événement raconté par Michelet et par Taine?
C'est un voyage curieux et déroutant. Loin des images d'Épinal.
En France les différences pullulent.
Il y a eu la langue d'oc et la langue d'oil franchement distinctes, les Picards et les Bourguignons, la Guyenne et la Gascogne longtemps sous gouvernement anglais, les fromages, les jacobins, les girondins, la cuisine, les Provençaux, les Flamands ... Trop de terroirs, trop d'histoires particulières.
Bonnes lectures à tous si le sujet vous intéresse.
@ René
RépondreSupprimerAujourd'hui, les images d'Épinal fondatrices ne sont plus aussi présentes dans l'Éducation Nationale. On revient à une situation d'avant Jules Ferry dans ce domaine. D'où un problème pour l'identité nationale. On essaie de compenser en martelant "les valeurs républicaines" dont on ne voit guère la différence avec des "valeurs européennes", et la "démarche citoyenne" qui est encore plus mystérieuse.
Larry,
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec vous. La sempiternelle invocation des «valeurs républicaines» est grotesque. Mais elle n'est pas que cela : en limitant la France à la période postérieure à 1789 ou à 1876, voire à 1945, elle est destructrice, corrosive. Elle ampute la France en la réduisant à des conceptions politiques étroitement partisanes, car cela revient à dire que, au fond, n'est de bon Français que de gauche. C'est une souffrance symbolique gravissime.
Tout pays a besoin de mythes, de mémoire et d'oubli, pour se perpétuer. Or, sous l'impulsion d'imbéciles et d'apatrides, voire de traitres mondains, le discours dominant, officiel et médiatique, choisit d'oublier les moments glorieux et de raviver sans cesse la mémoire des moments honteux. Certes la traite triangulaire, mais l'hopital de Lambaréné ? Vous me parlez de l'Ogre et des Marie-Louises, d'accord. Mais Austerlitz et le code civil ?
L'homme est imparfait. Il n'y a donc aucun pays dont l'histoire est sans taches. Alors, pourquoi retourner encore et encore le couteau dans toutes les plaies avec un plaisir sadique (quand il est le fait d'étrangers ou de faux Français) ou masochiste (quand il est le fait de Français) ?
C'est la même chose pour les régionalismes : pourquoi créer une opposition qui en 2010 n'a pas lieu d'être ? Ne peut-on être corse et français, breton et français ?
Si il est bien une nation «qui vient du fond des âges», comme disait un Français célèbre avec un grand nez et un képi, c'est la France. Regardez autour de nous. Quelle nation lui est antérieure ? L'Italie et l'Allemagne, unifiées au XIXème siècle ? La Grande Bretagne, qui naît au XVIIIème siècle ?
Je sais bien que les forces dissolutives sont puissantes : élites dénationalisées, technocratie européenne en guerre contre les nations, mondialisation agressive repliant les individus dans une sphère protectrice très étroite, hédonisme forcenée produisant des consommateurs sans passé ni avenir (1), éducation à l'agonie ...
Mais quoi ? Croyez vous que la France se soit constituée par la lubie de quelques roitelets parisiens et que, sans ces vandales conquérants, auvergnats, bretons, alsaciens et corses auraient vécu chez eux bien en paix, libres et indépendants ? Etes vous une victime du symdrome du nounours «c'est mignon quand c'est petit, 'faudrait pas que ça grandisse».
La France aurait pu avoir des frontières légèrement différentes, mais la nécessité d'unir un territoire ouvert aux invasions se serait tout de même faite sentir. Napoléon disait que la géographie commande l'histoire. Voulez vous déplacer des montagnes ?
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(1) : alors que la nation est étroitement liée au temps qui passe.
http://www.korpa.fr/lebon/
RépondreSupprimerhttp://www.denistouret.fr/ideologues/Le_Bon.html
bonne lecture