J'entends beaucoup ces temps-ci : «La dette publique française n'est pas grave parce que les Français, eux, épargnent. On leur prendra leur épargne pour rembourser la dette.»
Le cynisme de cette mentalité de voleurs me choque, mais il est empreint de réalisme.
En effet, avant l'élection présidentielle de 2002, Henri Guaino, proche conseiller de Nicolas Sarkozy, avait écrit dans Les Echos un article précisément sur ce thème.
J'avais été encore plus choqué de l'impudence qu'il y avait à afficher cette position de canaille que par le fait, dont je ne doutais déjà pas, que nous étions gouvernés par des bandits de grand chemin.
Examinons les choses de plus près. Voler l'épargne des Français, c'est bel et bon, mais comment ?
L'épargne des Français est essentiellement constituée d'immobilier et de fonds en euros, c'est-à-dire de dettes étatiques.
Cela suggère trois escroqueries :
1) Taxer l'immobilier au point de pousser les Français à vendre leur logement (sinon, ce n'est pas l'épargne qu'on vole mais le revenu).
2) la banqueroute : ne pas rembourser les dettes existantes, c'est une manière de s'emparer de l'épargne placée en dettes.
3) l'inflation. Elle se profile à l'horizon, mais croire que c'est une solution, c'est ne rien avoir compris à la nature de l'Etat-providence. En effet, après une guerre, on rétablit les finances publiques et on efface la dette avec l'inflation. Mais il est dans la nature de l'Etat-providence de s'endetter : il consiste à acheter des électeurs avec des services qu'on ne fait pas payer à leur juste prix. Les finances publiques ne sont donc jamais rétablies et l'inflation ne règle rien, puisque l'ancienne dette est bien effacée, mais une nouvelle dette encore plus chère est créée.
On constate en réfléchissant que ces trois «solutions» pour spolier l'épargne des Français ne règlent rien. Elles achètent du temps (il est vrai que c'est tout ce qui compte pour nos politicards : prolonger son mandat, profiter le plus longtemps possible des délices du luxe républicain) mais à un prix effarant (effondrement de l'immobilier, banqueroute, inflation galopante).
Comme les Trois Mousquetaires qui étaient quatre, il existe une quatrième solution : les pays émergents achètent notre dette parce que nous sommes leurs clients et qu'ils n'ont pas envie que nous nous écroulions brutalement.
Cette idée témoigne d'une naïveté ou d'une bassesse écœurantes. Naïveté si vous croyez que la Chine et les monarchies pétrolières sont altruistes et n'exigeront pas des contreparties terribles en termes de pouvoir et d'influence. Bassesse si, dénué de naïveté, vous préférez cette soumission à l'effort qui consisterait à ramener les finances publiques à l'équilibre.
C'est une idée typique de nos élites dénationalisés. Pour elles, que nous soyons gouvernés par des Chinois (1) ou des Arabes est sans importance puisqu'à leurs yeux la France n'existe déjà plus (comme dit Henri Biraud dans un Taxi pour Tobrouk : «Mon père a la légalité dans le sang : si les Chinois débarquaient, il se ferait mandarin, si nous étions gouvernés par les nègres, il se mettrait un os dans le nez et si nous étions gouvernés par les Grecs ...»). Je doute que les Français fassent preuve d'autant de placidité que nos élites devant cette perte d'indépendance.
Comme je le dis souvent, dans les comptes publiques d'une nation, on lit sa morale. Vu le niveau navrant d'immoralité que nous avons atteint, nul doute que toutes ces mauvaises idées seront essayées tour à tour ou simultanément.
Mais elles échoueront. Nous serons forcés de démonter le social-clientélisme et de rétablir l'équilibre des comptes publics, pour une raison simple. Comme dans les romans policiers, le coupable est toujours celui qui a l'air le plus innocent : le vieillissement de la population.
En effet, continuer à supporter l'Etat-providence et son endettement chronique dans un contexte de vieillissement aboutirait à un appauvrissement dont je doute fort qu'il soit toléré très longtemps.
La banqueroute et le rétablissement des finances publiques est la voie optimiste. En effet, les pays qui nous ont précédés dans cette voie difficile prouvent qu'à l'horizon d'une décennie, c'est le choix de la prospérité.
Mais avant d'en arriver là, nous aurions épuisé les artifices de la voie pessimiste, celle des petits arrangements et des grosses ficelles.
Ce billet est dédié à l'épouse de Christophe.
*************
(1) : les Chinois utilisent le fait d'être créanciers de l'Etat pour faire pression pour acheter des biens locaux. Quand l'Etat français sera endetté de 30 % auprès des Chinois, il sera plus difficile de refuser de lui vendre Renault. Ils ont déjà acheté le port du Pirée en Grèce, les relations avec l'Angola au Portugal. Et bien entendu, les Chinois ont les moyens d'acheter nos gouvernants (encore un des nombreux signes qui augurent mal de l'avenir des démocraties).
samedi, janvier 08, 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
« Taxer l'immobilier au point de pousser les Français à vendre leur logement (sinon, ce n'est pas l'épargne qu'on vole mais le revenu). »
RépondreSupprimerVous ne croyez pas si bien dire : à Autun (Saône-et-Loire), les impôts locaux avaient augmenté de 3380 %. Justification du maire :
« L’outil fiscal est essentiel pour encourager vivement les propriétaires de terrains à bâtir à franchir le pas, à dégeler leurs terrains, en vue d’accueillir de nouvelles constructions... »
Il s'agissait ici du foncier et non de l'immobilier, mais la logique est la même : spolier la propriété pour la remplacer par du logement « social », collectif et locatif, plus conforme aux vues du pouvoir.
L'épargne ne pèse rien à coté du cumul de la dette, donc non seulement ça ne suffira pas mais en plus ce serait un suicide national. 60% de la dette est détenue par des fonds étrangers. On appauvrirait le français (plus du tout d'investissement local) pour payer des intérêts aux arabes, aux chinois et aux américains.
RépondreSupprimerBiraud (de Taxi pour Tobrouk), c'est Maurice, pas Henri.
RépondreSupprimerC'est pas grave, mais bon...
J'ai vu cette erreur quand j'ai relu ce billet après l'avoir posté, mais j'ai eu la flemme de la corriger.
RépondreSupprimerPuisque vous l'avez signalée, je m'évite la correction. Meerci.
Il me semble qu'Henri Biraud était collaborateur à Je suis partout.
Je suis incapble de vous donner une interprétation freudienne de ce lapsus.
Inutile de chercher une interprétation freudienne : dans l'immense majorité des cas, c'est de la daube massive.
RépondreSupprimerCa sonnait pareil, c'est tout. C'est pas parce que vous vouliez niquer votre maman !