Tout vaut mieux que l'assistanat !
Par Yves Kerdrel dans Le Figaro
Publié le 05/12/2011 à 17:14
Au commencement était, non pas le verbe, mais Martin Hirsch ! Ce donneur de leçons présomptueux [le mot est faible ] avait convaincu Nicolas Sarkozy de créer le revenu de solidarité active, appelé RSA. L'idée était de faire en sorte que tout chômeur qui reprend un travail soit vraiment incité à le faire et ne soit pas pénalisé sur le plan financier. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, le RSA a été élaboré avec quelques vices de fabrication. Si bien qu'il coûte aujourd'hui 8 milliards d'euros par an à la collectivité… Surtout, il continue de participer au «millefeuille» de l'assistanat, qui va de la «prime de Noël» à la couverture maladie universelle en passant par l'aide pour le fioul.
Il y a quelques mois, lorsqu'un homme politique, fût-il démocrate-chrétien comme Laurent Wauquiez, a soulevé publiquement la question de cet assistanat qui «ronge les classes moyennes», quel tollé ! Ce ministre a été sommé de présenter sa démission au locataire de Matignon, qui l'a heureusement refusée. Il faut dire qu'un sondage avait alors révélé que deux tiers des français partageaient l'indignation du maire du Puy-en-Velay.
Depuis, le climat s'est nettement décomplexé autour de ce sujet. D'abord, les caisses sont vides, et personne ne peut dire qu'il n'est pas au courant de la situation des finances publiques, après deux plans consécutifs de rigueur. Ensuite, sur la proposition de l'ex-ministre Marc-Philippe Daubresse, le gouvernement est convenu de demander aux bénéficiaires du RSA une contrepartie sous la forme de sept heures de travail par semaine. Proposition qui ne choque personne, même pas les habituelles bonnes consciences de gauche, pour lesquelles «une allocation est toujours un dû». Enfin, à l'approche de l'élection présidentielle, tous ceux qui aiment d'habitude à «faire du social» ou à «faire pleurer dans les chaumières» hésitent quelque peu devant l'exaspération des 43 millions de Français qui constituent ces classes moyennes, trop aisées pour être aidées, et pas assez payées pour être sereines.
C'est ce moment qu'a choisi Laurent Wauquiez pour revenir sur le débat qu'il avait suscité il y a quelques mois, dans un excellent ouvrage, où il prend le temps de décrire tous les symptômes de cette terrible maladie de notre époque qu'est l'assistanat, en la distinguant bien de l'assistance. Car ce sont deux notions bien différentes, mais qui ont suscité tant de confusions abusives !
Dans ce livre, La Lutte des classes moyennes (éd. Odile Jacob), il y a trois idées, peut-être banales, mais si agréables à lire sous la plume d'un homme politique, de surcroît jeune. La première, c'est que «nous sommes arrivés au bout de la logique du système de protection sociale, tel qu'il a été conçu dans l'après-guerre». Laurent Wauquiez démontre comment nos États-providence sont devenus des machines à faire des chèques en ignorant totalement le mot «social». Ce qui l'amène à dire que «l'assistanat est au fond le pire ennemi du social. Si nous ne pouvons pas apporter la preuve que l'argent public est utilisé pour aider ceux qui en ont vraiment besoin, alors je suis convaincu qu'il se produira un rejet d'ensemble de notre contrat social». Quel diagnostic à la fois lucide et terrible !
Deuxième idée chère à Laurent Wauquiez: quel que soit le système de redistribution mis en place, il est d'une complexité incroyable et malsaine à cause d'un empilement d'aides diverses et variées. À l'heure actuelle, un couple peut recevoir, avec le RSA, 1 030 euros chaque mois (soit l'équivalent d'un smic net), auxquels s'ajouteront des transports gratuits, une couverture maladie universelle (coût : 6 milliards par an pour la collectivité), des tarifs sociaux pour l'eau, le gaz et l'électricité, une aide pour le fioul, la prise en charge des frais de cantine et la prime de Noël (coût : 400 millions d'euros). Mais pourquoi ne pas supprimer ce «millefeuille» et le remplacer par une allocation unique ?
Enfin, troisième suggestion de Laurent Wauquiez, une fois mise en place cette «ressource unique», celle-ci ne doit jamais dépasser 80 % du smic. Car «la solidarité nationale est un devoir, mais elle ne doit pas s'exercer au point de troubler les repères : l'argent du travail doit toujours être supérieur à l'argent des allocations».
Certains trouveront sans doute qu'il y a de la naïveté dans les propos du ministre. Il s'agit plutôt de fraîcheur dans le débat politique qui s'entrouvre, à quelques mois des élections. Ces quelques rappels sont d'un tel bon sens qu'ils expliquent le silence assourdissant des socialistes sur ce grand sujet de société, dont ils ont pourtant fait, pendant des années, leur petit fonds de commerce.
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