Francois Delpla nous livre la quintessence de ses travaux.
Quelques historiens ont élaboré ces deux dernières décennies une réflexion neuve sur le nazisme.
Elle est hélas totalement ignorée par tous les cons qui abusent sempiternellement des points Godwin.
Les faits saillants :
> Hitler était fou mais pas idiot. C'était au contraire un politicien de génie et un manipulateur d'exception.
La thèse du Hitler joueur brouillon et incompétent, chanceux au début, puis malchanceux, est une construction de Hitler lui-même.
Le fait que ses contemporains (à part Churchill) et les historiens se soient laissés prendre à cette fable prouve son génie en ce domaine.
Il suffit pourtant de résumer la carrière de Hitler pour s'apercevoir qu'on ne peut sans ridicule la mettre au compte d'un brouillon incompétent : en dix ans, après sa sortie de prison, il a conquis le pouvoir en Allemagne. Puis en sept ans encore, il a conquis l'Europe continentale de Brest aux faubourgs de Moscou. Enfin, pendant quatre ans, sans doute son exploit le plus remarquable, il a résisté aux deux superpuissances coalisées tout en gardant l'appui du peuple allemand (comparez : quelques mois de recul sans violation du territoire ont suffi à faire tomber Guillaume II).
> Hitler était très secret et manipulait ses propres partisans.
> un de ses "trucs" favoris consistait à faire croire à de fausses dissensions (Goering puis Himmler ont beaucoup joué à cela) afin d'encourager ses ennemis à l'inaction. Pourquoi lutter contre Hitler si on vit dans l'espoir qu'il soit renversé "naturellement" ?
> de même, il était joueur mais nullement irréfléchi. Sa prétendue incompétence servait là encore à favoriser la procrastination de ses ennemis.
Dans un premier temps, il a poursuivi la politique annoncée dans Mein Kampf : écraser la France et faire la paix avec la Grande-Bretagne.
L'apport de l'historiographie récente est que sans Winston Churchill, et seulement lui, il y aurait réussi. Il n'y avait pas de fatalité à ce que l'hitlérisme échouât.
En effet, durant l'été 1940, le coût de la poursuite solitaire de la guerre apparaissait ruineux aux raisonnables et ils avaient raison : la Grande-Bretagne y a perdu son empire.
Seul Churchill avait compris que Hitler n'était pas un dictateur classique, qu'il n'en aurait jamais assez, que la paix aujourd'hui, sauvant l'empire, c'était l'asservissement demain. Toutes choses qui nous apparaissent évidentes car nous refusons de voir que Hitler avançait masqué.
Churchill est l'homme qui a refusé, envers et contre tout, de perdre la guerre.
Ensuite, la politique de Hitler a été double : diviser les Alliés, en jouant sur l'anticommunisme, et souder le peuple allemand autour de lui.
Par exemple, la bataille de Stalingrad fut idéale pour ce double objectif : elle a servi à montrer que Hitler était prêt à tout sacrifier pour vaincre les communistes et a permis de monter d'un cran la propagande de la guerre totale.
L'analyse de Hitler n'était pas folle : ce sont bien les ex-Alliés qui s'opposèrent durant la guerre froide. Et sans Churchill, il aurait peut-être réussi à obtenir une paix séparée à l'ouest, surtout vers la fin de la guerre, quand l'Allemagne n'était plus un danger et beaucoup pensaient déjà à l'après.
Le génocide juif, fruit de la folie antisémite de Hitler, avait deux fonctions politiques :
> nettoyer l'Europe du maximum de juifs (dans la vision délirante de Hitler, c'était de la politique).
> "mouiller" le peuple allemand pour le souder autour de son Führer.
Certaines réflexions finales de Hitler sur l'Europe et sa nécessaire domination par l'Allemagne, une fois remise des épreuves de l'après-guerre, font froid dans le dos car elles sont troublantes d'actualité. Par exemple, il prévoit que la capacité du peuple allemand à s'assoir sur son nationalisme quand il est dominé puis à le réveiller avec le retour à la puissance le servira une fois de plus.
Bref, les travaux récents montrent que nous avons une dette encore plus grande vis-à-vis de Churchill : dans une position des plus fragiles, bien plus qu'il ne le dit (pour l'honneur de son pays, il a caché quelques épisodes peu glorieux), il a été le seul à combattre Hitler avec lucidité et efficacité pendant quinze ans.
On peut considérer le voyage de Rudolf Hess comme une manière pour Churchill de rendre à Hitler la monnaie de sa pièce. A manipulé, manipulé et demi.
En faisant croire à Hitler qu'il existait encore en 1941 une opposition pacifiste britannique, au point qu'il lui envoie son homme de confiance, Churchill a diminué sa crainte du combat sur deux fronts et l'a encouragé à attaquer l'URSS, erreur fatale.
Hitler lui-même ne s'y est pas trompé, qui voyait la main de Churchill derrière l'échec de ses manoeuvres.
Ce livre est passionnant. C'est une leçon de politique, dans des circonstances exceptionnelles contre un ennemi hors du commun.
Nota : je vous mettrai quelques scans alléchants à mon retour de vacances.
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