Roger Garaudy vient de mourir. Quoique l’on soit habitué aux changements à vue du guignol intellectuel, le numéro de transformisme idéologique à quoi se résument sa vie (près de cent ans) et son œuvre (soixante-dix livres) donne le tournis.
Tour à tour hégélien, puis marxiste, puis chrétien (il est vrai d’un christianisme étrange, plus “humaniste” que divin), enfin musulman et surtout antisioniste, il n’y a qu’un seul point sur lequel il n’a pas varié – la propension à décider de tout après avoir tout compris. Ce qu’on appelle d’un mot le totalitarisme, et quelles qu’aient été ses couleurs d’emprunt successives, c’était la forme irréformable de son esprit. Les Garaudy hélas, de toutes tailles et de toutes obédiences, ont été légion au XXe siècle, et leur postérité nous prépare un XXIe siècle des plus réjouissants. Orwell faisait déjà remarquer, à propos de ses camarades de la guerre d’Espagne, qu’il est plus facile de cesser d’être communiste que de cesser d’être totalitaire, et c’est tout le paradoxe de tant d’intellectuels qui n’en sont jamais revenus, bien qu’ils aient passé la moitié de leur carrière à prêcher la révolution et l’autre moitié à s’en repentir : dans l’un puis l’autre cas, ils avaient raison, et c’est ce qui importe. Vulpem pilum mu tare, non mores, disait le divin Vespasien. Le renard change de poil, non de mœurs. Philippe Barthelet
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