L'auteur est un parlementaire britannique. C'est toujours intéressant quand un praticien de la politique prend du recul et écrit un livre d'histoire. Il y met une expérience que n'aura jamais un historien professionnel. Je vous conseille les excellents La banqueroute de Law et La disgrâce de Turgot, d'Edgar Faure.
Burke est considéré comme le père du conservatisme.
Son ouvrage le plus célèbre est Reflections on the French Revolution, dans lequel, dès novembre 1790, il prédit la Terreur et Bonaparte. S'il peut faire ces étonnantes prédictions, c'est que les bases philosophiques qui fondent cette analyse circonstancielle sont extrêmement solides.
Burke n'a pas écrit de traité philosophique du conservatisme, mais Norman montre, à travers ses discours et ses écrits, que Burke est étonnamment cohérent et constant tout au long de ses quarante ans de carrière politique.
La pensée de Burke peut se résumer ainsi (résumé certes imparfait) :
• l'homme est un animal social. Non seulement l'homme abstrait objet de droits, les Droits de l'Homme, n'existe pas (ce dont presque tout le monde est prêt à convenir), mais modifier la société au nom des Droits de l'Homme est une mutilation de l'homme concret, par déchirement du tissu social dont il fait partie (Burke anticipe cette citation de Lévi-Strauss : «On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu'elle est faite d'habitudes, d'usages, et qu'en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l'état d'atomes interchangeables et anonymes»).
• l'individu, pour être pleinement homme, doit être un noeud de liens. Liens sociaux, liens familiaux, liens historiques. L'homme ne vit pas que dans le présent, il est lié au passé et à l'avenir. L'individu atomisé, sans passé ni futur, tout entier dans le présent, égoïste, est un demi-homme, il lui manque la dimension spirituelle.
• la société est un dépôt du temps, qu'on a le devoir de léguer. La tradition a une valeur en soi, par le simple fait qu'elle a subi l'épreuve du temps. Ce n'est pas parce que nous ne comprenons pas avec notre raison raisonnante que c'est forcément idiot, il faut être modeste. Norman, pour illustrer Burke, prend l'exemple des religions : diverses études montrent qu'une pratique religieuse modérée a un effet social positif, alors que les religions ne passent pas les barrières de la rationalité positiviste.
• le changement est possible à condition qu'il soit prudent et se réfère à des principes qui ont fait leurs preuves. Ainsi, Burke soutenait une position conciliatrice vis-à-vis des Insurgents américains car leur principal argument, pas de taxation sans représentation, était un vieux principe anglais.
• tout changement utopique, abstrait, hors-sol, à la Taubira-Peillon-Vallaud Belkacem (bref, à la Hollande) est à proscrire absolument. Pour Burke, c'est un crime contre l'humanité (bien sûr, je n'entends pas cette expression au sens juridique moderne, même si il y a des relations évidentes).
• la mission du politicien est de préserver la société, de façon à permettre l'épanouissement des hommes et la transmission de cette société (les deux choses étant liées). Il doit effectuer les changements que l'évolution des circonstances impose avec modestie et prudence. Un politicien n'est pas un prophète. On remarquera que les dirigeants anglais face à notre sanglante révolution ont assez bien répondu à cette lettre de mission.
Norman insiste, à juste titre, sur le fait que la recherche moderne valide à bien des égards l'hypothèse de l'homme comme indissociable de la société.
Vous ne serez pas étonnés qu'il y ait là beaucoup d'échos à Montaigne et à Taleb.
De nos jours où l'on fait une batteuse du Front National, je pense à l'UMP : ces couillons d'UMPistes, s'ils n'étaient pas cons comme des balais, trouveraient en Burke une doctrine fort intéressante leur permettant de ne pas être éternellement en réaction face à la gauche et au FN.
Mais, bon, songer que des types de droite, en France, puissent réfléchir, autant croire au père Noël.
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