Marine Le Pen a un argument électoral imparable : elle n'a jamais exercé le pouvoir. L'UMPS est directement comptable des désastres des trente dernières années. Au stade où nous en sommes, nous ne risquons pas grand'chose à essayer un nouveau cheval.
Cet argument est très difficile à contrer. De quelle réussite, même en demi-teinte, peut se prévaloir l'UMPS qui lui permettrait d'affirmer que cela sera pire avec Mme Le Pen ?
Encore faut-il que la nouveauté en soit vraiment une. Que l'alternative propose réellement une nouvelle politique et qu'elle soit crédible.
Or, la stratégie de la «dédiabolisation» porte en elle le risque de la banalisation.
Au début, c'est rigolo, l'attrait de la nouveauté de la respectabilité médiatique provoque une poussée de fièvre dans les sondages mais après ? Une fois l'attrait de la nouveauté épuisé, on rejoint les autres guignols dans le discrédit, puisqu'ona le même comportement qu'eux (voir tout récemment encore l'argument spécieux de la vie privée dans l'affaire des galipettes de Julie et François).
Et les idées, peuvent-elles faire la différence ? Donnent-elles consistance à l'argument que Marine Le Pen serait un vrai changement ?
Sur l'Europe, sur la sortie de l'Euro et sur l'immigration, incontestablement.
Mais sur la politique économique ? Marine Le Pen nous promet un Etat plus protecteur. N'est-ce pas exactement ce que l'UMPS nous promet depuis trente ans ? En économie, Marine Le Pen nous propose donc encore un peu plus de ce qui ne cesse d'échouer.
Or ce point enlève toute perspective positive à sa politique économique : sortie de l'Euro plus protectionnisme, c'est l'autarcie. Si l'Albanie ou la Corée du Nord font rêver des Français, je ne crois pas qu'ils soient en majorité.
La bonne politique économique qui lui aurait à la fois permis de garder sa cohérence et son originalité, c'est le libéralisme tendance poujadiste de son père (auquel elle pouvait ajouter certains penchants régionalistes). Sortie de l'Euro plus réduction de l'Etat plus grand saut dans le combat de la mondialisation, là des perspectives positives s'ouvraient. Car je ne crois pas le Français plus con que le Coréen (du sud), l'Anglais ou le Suédois.
Evidemment, une telle proposition aurait choqué certains électorats qu'elle cherche à conquérir, fonctionnaires, ouvriers, mais elle avait cinq ans pour en faire la pédagogie.
Cela lui aurait permis de briser à terme le plafond de 20 % qu'elle peine à dépasser dans les élections qui comptent (pas les européennes).
Aujourd'hui, Marine Le Pen, avec sa banalisation, court le risque d'être mise dans le même sac que les autres, comme vendeuse de soupe. Or, un positionnement vraiment à contre-courant (ses positions sur l'immigration sont à contre-courant de la nomenklatura, pas des Français) lui aurait donné une autre étoffe.
Je sais que certains commentateurs vont me sauter sur le poil sur le thème «Tu prends tes désirs pour des réalités : Marine Le Pen ne baisse pas dans les sondages par manque de libéralisme».
Et pourtant, si. Je le crois.
Je crois qu'elle pourra faire de gros scores parce qu'elle n'a pas été usée par le pouvoir mais que, sur la durée, son manque de cohérence et de vision l'empêchera de dépasser un plafond de 20-25 %. C'est assez pour perturber le jeu politique. Pas assez pour prendre le pouvoir. Il lui manquera la stature que lui aurait donné un programme cohérent avec une vision qui tient la route.
Et puis, on peut douter de quelqu'un qui s'entoure de chevènementistes, c'est-à-dire de champions toutes catégories du plantage électoral.
Jean-Marie Le Pen était politiquement suicidaire : à chaque fois qu'il a eu une chance de gagner la respectabilité, il a sorti une grosse connerie qui l'a fait reculer de quelques années. Mais je pense qu'il était un analyste politique plus fin que sa fille.
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