Alors que le gouvernement s'enorgueillit d'engager le pays dans la réforme, il convient de s'interroger sur le sens réel de ces dernières. Réforme territoriale, suppression du département, regroupement de la police et de la gendarmerie... Autant de dispositifs qui s'attaquent chaque fois à de faux problèmes, quitte à en créer de nouveaux.
Au temps du communisme triomphant, les soviétologues disaient qu’à la différence d'un régime politique classique, les idéologues réformaient, généralement pour le détruire, ce qui allait bien et ne touchaient pas à ce qui allait mal. C'est même à cela qu'on les reconnaissait !
L'exemple le plus notoire est la fin de la NEP (nouvelle politique économique) décrétée en 1929 par Staline. De 1921 à 1929, la nouvelle Union soviétique s’était, par un certain retour au libéralisme économique, relevée des terribles destructions entraînées tant par la guerre avec l'Allemagne que par la guerre civile de 1917-1920. A partir de 1929, Staline, au travers de la collectivisation intégrale cassa tout : les plus productifs des paysans furent massacrés, leurs biens spoliés, les ingénieurs et les chefs d'entreprise envoyés au goulag etc.
L'armée, elle aussi s'était reconstituée au cours des années trente. En 1936, Le même Staline entreprit les grandes purges qui entrainèrent la liquidation non seulement d'une grande partie du parti mais de l'état-major des armées, cela à la veille de la guerre de 1940.
La Chine fit encore pire : en 1956 (Grand bond en avant), puis en 1966 (Révolution culturelle), Mao-tsé Toung prit un tournant de la radicalisation idéologique particulièrement destructeur, non seulement en vies humaines (des dizaines de millions chaque fois) mais du tissu économique renaissant.
En même temps, les problèmes rémanents du régime : bureaucratie, faiblesse des industries de consommation, incapacité de l'agriculture à nourrir le pays etc. Restaient, tant en URSS qu'en Chine, en suspens. Et pour cause.
Le régime communiste ne vivait que de ce qui avait été produit en dehors de l'idéologie : ingénieurs mus par le goût de leur travail, lopins individuels des paysans, marchés kolkhoziens, réseaux de solidarité parfois religieux, petites entreprises en marge du système, artisanat. Dès que ces anomalies prospéraient trop, les idéologues du partis se jetaient sur elles pour, au motif de les réformer, les détruire, jusqu'a ce que, avouant qu'on ne pourrait de passer d'elles, il faille leur laisser à nouveau la bride sur le cou.
Sans doute les logiques subtiles qui nous gouvernement aujourd'hui ne sont-elles pas de même nature que l'idéologie communiste (on aurait pu en dire autant de l'idéologie nazie). Mais de plus en plus il apparait que quand une grande réforme est mise en œuvre, il y a probabilité qu'elle ne vise à résoudre aucun problème mais à appliquer des schémas abstraits, alors que les vrais problèmes, eux, ne sont pas traités.
Des Réformes presque toujours malfaisantes
C'est dire à quel point la France d'aujourd'hui qui voit s'abattre sur elle une avalanche de réformes dont la plupart , n'en doutons pas, poseront pus de problèmes quelles ne vont en résoudre, est en dépit des apparences un pays qui marche bien. L'exemple le plus criant est celui de la réforme territoriale.
L'idée de regrouper les régions parce qu'elles ne seraient pas, dit-on, de taille "européenne", ne correspond à aucune nécessité.
Elle part d'idées fausses : nos régions sont de la même taille que dans les autres pays d'Europe : entre 2,5 et 3 millions d'habitant. Si la moyenne est plus élevée en Allemagne cause de trois gros länder (Bavière, Rhénanie Westphalie, Bade-Wurtemberg) 8 sur 15 länder, très inégaux entre eux sont au-dessous de la moyenne française comme 20 états des Etats Unis sur 50.
L'idée qu'il y ait une taille optimum de ces régions devrait être démentie par l'efficacité incontestable des cantons suisses.
Cette réforme ne mettra que du désordre : du découpage rationnel de 1964, fondé la plupart du temps sur les identités régionales historiques, on passera à un découpage artificiel où "une chatte ne reconnaîtra pas ses petits". Déraciner, affaiblir les identités, tel sera l'effet, tel est peut-être le but de cette réforme.
Comme toutes les réformes, celle là aura un coût de transition considérable : il faudra à la fois fermer le conseil régional d'Auvergne et agrandir celui de Rhône-Alpes, fermer celui de Metz. Et comme toutes les opérations de fusion concertation opérées dans les sphères publiques, celle-ci alourdira les frais généraux.
Regrouper à tout prix, au nom de l'idée fallacieuse qu'on fait ainsi des économies, tel avait été déjà le principe de la superposition au réseau communal de communautés de communes ou d'agglomération, à partir de la loi Joxe de 1992. Un système parfaitement artificiel alors que toutes les fonctions des nouvelles communautés étaient déjà remplies à moindre coût par les structures de type syndical qui s'étaient constituées auparavant, alors que personne ne se plaignait du système précédent, alors qu'il était, malgré le chiffre emblématique de 36 800 communes le moins coûteux qui soit, alors qu'il a fallu recruter 200 000 fonctionnaires de plus pour faire marcher le nouveau système. Pas de problème, une solution quand même, et une immense complication à la clef : voilà la méthode actuelle de réformer !
Même propagande absurde aujourd'hui contre le département qu'il faudrait supprimer pour lutter contre le "millefeuille français", millefeuille imaginaire : nous n'avons pas plus de niveaux administratifs locaux que les autres pays, sauf les communautés que l'on vient d’évoquer, et alors que des entités du genre du département existent chez tous nos partenaires, sous des noms différents : kreis, province, comté. Gageons que là aussi, cette réforme que, dans le public, personne ne demande et qui ne serivira à rien, mettra un immense désordre.
Le processus des reformes inutiles ou destructrices n'a pas attendu le quinquennat actuel pour se manifester.
Quinquennat ? Là aussi il s'agissait de réformer, de moderniser alors que presque tout le monde aujourd'hui réalise les inconvénients qu'il présente vis à vis de l'antique septennat.
On parle depuis 25 ans de réforme de l’Etat (un Etat qui marchait bien et avait été tenu pour un modèle dans une grand partie du monde pendant deux siècles) . Mais l'acte décisif en a été la loi organique du 1er août 2000, dite LOLF qui s'est inspirée d'un principe aussi simpliste que fallacieux: il faut gérer l'Etat comme le secteur privé. Détruire les corps de fonctionnaires, se fonder, pour qu'ils soient efficaces, sur le incitations financières et non sur leur goût de bien faire, instaurer une compétitivité en partie double, multiplier les indicateurs d'activité plus artificiels les uns que les autres et surtout regrouper, regrouper les services au motif de faire des économies alors qu'il suffisait de réduire le personnel service par service, en allégeant le procédures sans bouleverser sans cesse les organigrammes. Le résultat: une immense démobilisation de l'administration française. L’exemple de la police et de la gendarmerie que l'on veut à tout prix regrouper, au mépris de leurs traditions propres, et alors qu'il ne s'était jamais posé le moindre problème de coordination entre elles, est à cet égard emblématique.
On pourrait sortir de la sphère admistrative stricte. La superposition des ARS (agences régionales de santé) aux hôpitaux, des PRES (pôle de recherche et d'enseignement supérieur) aux universités, solution à des problèmes de gestion qui ne se posaient pas, ont abouti à une strate bureaucratique de plus.
Chaque année sur des motifs plus ou moins justifiés, une couche de réglementation supplémentaire est imposée aux entreprises.
Les réformes de l'éducation nationale (par exemple celle des rythmes scolaires) qui visent à imiter un modèle allemand dont tous les Allemands savent qu'il marche mal nous font aggraver chaque année le désastre. La cible sournoise de beaucoup de projets en cours est le système des grandes écoles, précisément ce qui marche très bien. Et que, pour cette raison on veut détruire.
Ainsi la société prétendue libérale est inspirée, sinon par une idéologie constituée, au moins par une série de schémas simplistes et répétitifs, généralement destructeurs : fusionner, se rapprocher du modèle privé, se rapprocher de modèles étrangers imaginaires dont on ne s'est même pas donné la peine de vérifier l'efficacité sur place, et surtout, quelque part, la volonté de déshumaniser. Pour cela, elle multiple les réformes qui toutes - à l'exception certaines réformes contraintes comme celles des retraites - ont l’l'effet de multiplier les problèmes là même où il n'y en avait pas.
Il serait facile de montrer que tous les travers de la société française actuelle ne résultent pas d'une évolution spontanée mais viennent de réformes mal conçues effectuées au cours des trente dernières années.
Nous avions un Etat exemplaire, une des meilleures écoles du monde, une administration territoriale particulièrement humaine parce que près du terrain et peu coûteuse grâce à l'esprit d'économie des maires et conseillers généraux à la mode d'autrefois, et grâce à eux, le meilleur réseau routier secondaire qui soit, nous avions un ministère des finances particulièrement efficace, un contrôle des comptes publics sas faille grâce à la séparation des ordonnateurs et des comptables.
Tout cela nous l'avons consciencieusement déconstruit en faisant au fil des ans des réformes dont rien ne démontrait la nécessité et que personne ne demandait.
Nous nous portons fort de démontrer que si on n'avait fait aucune réforme en France de puis 25 ans, le déficit des finances publiques serait moitié moindre.
Aujourd'hui on veut faire un "big bang territorial", c'est la meilleure preuve, selon le modèle soviétique que nous avons évoqué au début de cet article que notre administration territoriale est excellente. Ses effectifs sont il est vrai excessifs, mais depuis quand le son-ils ? Depuis qu'on a commencé à la réformer, notamment au travers des intercommunalités !
Beaucoup d'autres réformes ont été entreprises par le présent gouvernement: Là aussi ne cherchez pas : la France va mieux qu'on croit puisque plusieurs domaines attirent la hargne des nouveaux idéologues. Ainsi la distribution des médicaments set à la fois permanente et sous contrôle grâce à un réseau de pharmacies couvrant tout le territoire. On veut le bousculer. Pourquoi ? Il coûterait trop cher : qu'on nous dise alors les économies escomptées. On ne nous le dit pas. La vraie raison de ce prurit de réformes est que le système marche trop bien !
Et qu'en est-il de l'avenir ? Alors là nous vient l’idée que tout va vraiment très bien chez nous puisque Nicolas Sarkozy, nouveau président de l'UMP, envisage de revenir en nous disant qu'il va "tout changer" !
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