samedi, janvier 10, 2015

Charlie : Eric Verhaeghe claque cet enculé de Badinter (entre autres)

Charlie Hebdo: Allah met fin à 70 ans d’insouciance française

La France vient de vivre deux jours et demi de séisme politique, dans la foulée du sidérant attentat contre Charlie Hebdo. A en juger par l’ambiance qui règne désormais non seulement à Paris mais sur l’ensemble du territoire, cette séquence tragique constitue incontestablement un tournant majeur dans la trajectoire française contemporaine.
On ne m’en voudra pas, j’espère, de consacrer à ces événements un texte qui se revendique comme totalement anecdotique et délibérément hostile aux ratiocinations que j’ai commencées à lire çà et là.

Je revendique de tomber dans le piège dénoncé par Badinter

Commençons par le commencement: le massacre perpétré à Charlie Hebdo a produit, à juste titre, une immense émotion dans l’opinion. Le hasard voulait que je fusse à proximité du boulevard Richard Lenoir quelques minutes après l’attentat. J’ai été frappé par le silence, l’abasourdissement qui régnait sur les lieux parmi les badauds qui se trouvaient là.
L’attaque contre Charlie Hebdo, c’était une attaque contre l’esprit gaulois: cette humour de mauvais goût qui me fait périodiquement rire et que les Anglo-Saxons détestent. Charlie Hebdo, c’était Astérix, c’était ce village qui vit dans nos têtes à tous, et qui résiste encore et toujours aux envahisseurs de toutes sortes. Parmi les badauds, beaucoup étaient des bobos qui comprenaient brutalement que leur identité gauloise était en danger: cet esprit frondeur, de liberté, cet amour de l’expression, venaient de passer un très sale moment.
Un autre hasard veut que j’habite en haut de Belleville, à quelques centaines de mètres de là où est née la « cellule des Buttes Chaumont » dont les frères Kouachi et dont Coulibaly sont issus. Pour rentrer chez moi mercredi, je suis passé à trois ou quatre cents mètres de la rue de Meaux, où les tueurs ont abandonné leur première voiture. La nourrice de ma fille m’informait qu’elle avait voulu faire une promenade au parc de la Villette, à proximité de la porte de Pantin par laquelle les tueurs ont quitté Paris. Elle y a finalement renoncé parce que ma fille avait froid et ne voulait pas sortir. Et si elle y était allée, comment être sûr que les tueurs ne seraient pas tombés à ce moment-là, à cet endroit-là, sur une patrouille à leur recherche: des coups de feu auraient éclaté dans les rues, et la vie de ma fille était en danger?
Je cite ces faits, parce que j’ai lu un certain nombre de textes d’intellectuels qui n’habitent pas les quartiers difficiles, qui sont au-delà de la vraie vie des quartiers, loin des faits, loin des lieux où des balles ont sifflé – et ce n’était pas des balles perdues. Tous ces gens qui sont à l’abri adorent donner des leçons sur la peur qu’il ne faut pas avoir, sur le piège des terroristes dans lequel il ne faut pas tomber.
Je pense ici à ce grand bourgeois de Badinter, qui vit richement dans son sixième arrondissement avec vue sur les jardins du Luxembourg, où l’on trouve plus de policiers à l’hectare que dans aucun autre quartier de Paris. Personnellement, je n’y vois pas d’inconvénient, à ce qu’il mène grand train dans les beaux quartiers avec la fortune de sa femme, mais enfin, le petit père Badinter, il est gonflé de nous donner des leçons sur la peur: il n’y est jamais confronté! Qu’il remonte avec moi à pied la rue de Belleville, qu’il se promène à Barbès, qu’il longe avec moi les boulevards aux alentours de Stalingrad, qu’il se balade place des Fêtes, et il viendra ensuite me parler de la peur et des pièges qu’elle nous tend.
Je parle de moi, mais à Badinter je pourrais lui parler de tous ces habitants (dont beaucoup sont musulmans) qui ne sortent plus chez eux après vingt-deux heures, depuis des années, parce qu’ils en ont marre de subir les regards, les remarques, les agressions plus ou moins directes, ou les menaces d’agression de la part de ces petites racailles qui squattent les halls d’immeubles en toute impunité, et qui y ont imposé leur loi dans l’indifférence générale. Chaque fois qu’il s’est agi de secouer le cocotier de ces peurs, les Badinter et compagnie nous ont asséné un discours lénifiant, prétendument humaniste, qui les gênait d’autant moins que dans les quartiers où habitent ceux qui les profèrent, on ne croise que des bons petits blancs propres sur eux.
Bref, l’attentat contre Charlie Hebdo m’a ému, parce que moi aussi j’aurais pu me trouver sur la trajectoire des tueurs, et bien pire: ma fille aussi, qui a pourtant le droit de grandir dans un monde où les choses se passent autrement, dans un monde aussi sécurisé que celui où ont vécu les enfants Badinter.

Trente ans de laxisme bobo, 3 jours de terreur

Le soir de l’attentat contre Charlie Hebdo, je suis allé au rassemblement de la place de la République, que j’ai trouvé très digne et très « mature », mais où aucun représentant de nos institutions n’était. J’ai trouvé un peu agaçante la façon dont la foule, encore sous le coup de l’émotion, était encadrée par des organisateurs en apparence sans étiquette, mais qui avaient très bien vu le coup venir. Tout le matériel était prêt pour faire entonner par la foule des refrains décidés à l’avance, sous couvert, bien entendu, de neutralité et d’amour désintéressé de la liberté.
Ce soir-là, je me suis souvenu des textes de Gustave Le Bon sur la manipulation des foules par l’émotion. C’est vrai qu’en politique, l’émotion est toujours mauvaise conseillère: le meilleur remède que je propose est de la laisser parler, de l’assumer, et de ne pas jouer à ceux qui la cachent derrière des discours prétendument raisonnables. Il faut savoir n’être que ce que l’on est.
Place de la République, on m’excusera de le dire, mais j’ai retrouvé plein de bobos qui nous bassinent depuis des années sur le droit des minorités, et sur la nécessaire bienveillance à avoir vis-à-vis des racailles qui hantent les quartiers. J’avais l’impression qu’après 30 ans de laxisme sur le mode: « Nous qui portons la faute du colonialisme, nous avons des choses à nous faire pardonner, donc nous devons manger notre chapeau quand des adolescents perturbés nous insultent dans la rue », les bobos parisiens achetaient leur bonne conscience: celle plus très nette lorsqu’ils ont découvert que les petites racailles qu’ils ont protégées pendant des années au nom du: « ils sont déterminés par leur milieu social, donc il ne faut pas être trop durs avec eux », ces petites racailles étaient devenus de dangereux assassins capables de mitrailler dix journalistes, de flinguer des flics à bouts portants, et de dresser un immense doigt d’honneur à notre civilisation.
Quand on aime avoir les mains propres, c’est évidemment gênant de se coucher en se disant que la tranquillité de l’âme qu’on a achetée pendant tant d’années avec des discours de bisounours aveugle se paie par autant de vies fauchées en une seule journée. Cela vaut bien soixante minutes transies dans le froid.
C’est probablement ici que la France connaît son tournant: le massacre de Charlie Hebdo a brutalement rendu insupportable cette tolérance à l’intolérable qui a conduit à la radicalisation d’un nombre considérable de nos jeunes. Ceux qui, au nom du devoir mémoriel, de la culpabilité d’avoir colonisé l’Afrique (du Nord ou non), de la culpabilité de notre histoire répétée à tous bouts de champ, avaient expliqué que la loi ne devait pas forcément être respectée par tout le monde, ont soudain compris que les sanglots de l’homme blanc ne seraient pas portés à leur crédit. Toutes les exceptions à la règle tolérées au quotidien depuis des années dans les quartiers, sous une foule de prétextes fallacieux, n’ont servi à rien d’autre qu’à couver des tueurs en série, des barbares incapables de discerner le bien et le mal.
Il faut maintenant que nos bobos sentencieux déroulent le fil de la pelote: qu’ils lisent les récits d’enseignants qui, dans les classes, décrivent les réactions majoritaires parmi les élèves de sensibilité musulmane, dont les fondamentaux sont très éloignés de ceux de notre démocratie. Qu’ils les lisent et qu’ils en tirent les conclusions qui s’imposent: l’école laïque ne parvient plus à transmettre cet attachement fondateur à la liberté qui a fait le sel de générations françaises sous la République.
Non, les Coulibaly, les Kouachi ne sont pas des accidents. Ils sont des conséquences, disons même qu’ils sont le résultat d’une déstructuration organisée de l’éducation transmise par l’école publique. Entre des programmes délirants où le savoir n’est plus transmis, et un renoncement aux valeurs essentielles de la France républicaine, nous avons fomenté une génération qui rejette en bloc, dans certains quartiers, l’héritage de nos libertés.
Si une seule conséquence positive peut être attendue des trois jours monstrueux que nous venons de vivre, c’est bien cette prise de conscience face au problème que nous avons collectivement – celui de cette haine de soi qui nous conduit à ne plus transmettre la France et ses valeurs aux générations qui arrivent.

Replacer la responsabilité individuelle au coeur de notre société

Sous certaines plumes, je pense notamment à celle de Jacques Sapir, j’ai commencé à lire à nouveau le délire selon lequel des tas de gens seraient responsables de la radicalisation des jeunes. C’est un discours ambiant qui me gonfle prodigieusement. Je l’ai entendu dans la bouche des racailles qui squattaient l’entrée de mon immeuble lorsque je suis arrivé dans le XIXè arrondissement, et dont j’ai appris aujourd’hui qu’ils constituaient le vivier de la « cellule des Buttes-Chaumont ».
Je me revois, installé depuis trois jours dans mon immeuble, rentrant chez moi à minuit et leur demandant poliment de ne pas zoner à trente centimètres de ma porte d’entrée. La réponse ne s’est pas faite attendre: j’étais évidemment un gros raciste, et je voulais simplement déplacer le problème que représentaient ces jeunes sans le régler. « Payez nous des salles où on peut se réunir » me dit l’un d’eux.
Eh bien non, ducon! lui fis-je en le toisant et en m’avançant sur lui de façon menaçante alors qu’ils étaient une bonne dizaine autour de lui et que j’étais seul. Moi, je suis arrivé en France en 1986, c’est-à-dire pas très longtemps avant leur naissance. Je suis fils d’ouvrier, dans ma famille, il n’y avait pratiquement pas de livre, les bibliothèques étaient indigentes, les infrastructures publiques quasi-inexistantes, mais on savait que, pour en sortir, il fallait bosser. Quand je suis arrivé à Paris, j’ai été scotché par le nombre de bibliothèques publiques, de terrains de sport, de musées gratuits.
Qu’un gamin à Paris ose expliquer qu’on ne fait rien pour lui, c’est évidemment une aberration, un mensonge. Les Coulibaly, les Kouachi, ont disposé dans leur enfance de tout ce qu’il fallait pour s’en sortir. La seule chose qui leur a manquée, c’est le courage d’y arriver, et le travail qui va avec. Je ne suis en aucune manière responsable de leur échec, ni de leur folie. La seule faute leur incombe à eux.
Il y en a marre de tous ces discours où les fauteurs de trouble sont systématiquement exonérés de leur responsabilité.
Sur le fond, ce réflexe relève d’ailleurs d’un profond racisme. Ceux qui propagent ces discours portent en eux-mêmes un paradigme caché: pour un Sapir, un petit arabe des quartiers ne peut pas être l’égal d’un blanc bourgeois. Le blanc bourgeois est forcément responsable de sa réussite, alors que le petit arabe est une victime de son milieu. Deux poids, deux mesures.

L’Etat, comme toujours instrument de domination

Cela ne signifie bien entendu pas que l’égalité des chances existe en France. Et s’il existe une responsabilité collective, elle est dans cette perte de contrôle des institutions publiques à l’oeuvre depuis 30 ans en France, qui consiste à recruter toujours plus de fonctionnaires chargés de mettre en oeuvre toujours plus de réglementations, pour une efficacité et un service toujours moindre.
Je prendrai ici simplement l’exemple de la police, qui a durement payé, et qui a été grande, les événements de ces derniers jours. J’ai une immense compassion pour ces agents de l’ordre qui sont morts dans les lâches assassinats auxquels nous venons d’assister. Mais enfin, quand je lis que mon quartier est le siège des cellules des Buttes-Chaumont, je me pose des questions.
Quand je suis arrivé dans mon immeuble, pourquoi, lorsque j’ai demandé aux policiers du XIXè arrondissement d’intervenir contre les racailles qui squattaient le hall, me suis-je entendu répondre: on ne se déplace pas, jetez-leur des boules puantes, ça les fera partir?
Quand je constate un délit de fuite dans un accident de voiture commis par un jeune habitant pile-poil dans la zone où les cellules en question agissent, quand je relève le numéro d’immatriculation de la voiture, pourquoi les policiers du XIXè arrondissement, m’appellent-ils quarante minutes après le signalement pour me dire: on ne se déplace pas pour ce genre de choses?
Quand je demande à trois jeunes maghrébins qui boivent de l’alcool et se disputent dans un parc où j’emmène ma fille de bien vouloir se montrer plus discrets, pourquoi me répondent-ils: appelle les flics, on n’en a rien à foutre, de toute façon les Français sont des pédophiles contrôlés par les Juifs et c’est les Arabes qui ont fait la France… et quand j’appelle Police Secours personne ne répond?
Quand je rejoins ma fille au jardin du métro Télégraphe, pourquoi le vigile rarement présent de la ville de Paris me suit-il comme si j’étais un dangereux pédophile, mais reste-t-il complètement muet devant une femme en burqa assise sur le banc?
Quand une racaille du quartier me traite de « sale pédé de Français », pourquoi seule l’injure homophobe est-elle retenue? Et pourquoi les policiers me demandent-ils si je suis effectivement homosexuel avant d’intervenir? Parce que si je ne le suis pas, l’injure n’est pas homophobe et l’intervention de la police ne se justifie plus…
Pourquoi sont-ce désormais des jeunes en djellabahs qui passent le soir dans le quartier pour dire aux racailles de se calmer, en lieu et place des forces de police?
Pourquoi, en revanche, lorsque j’emmène ma fille (elle avait douze mois…) au Jardin des Plantes et qu’elle a le malheur d’y marcher sur les pelouses, vois-je deux vigiles de la ville de Paris me demander de la retirer des pelouses dans la minute? Il est clair qu’une contravention insignifiante dans les beaux arrondissements est immédiatement sanctionnée (de façon rigide d’ailleurs) alors que les délits les plus choquants de l’Est parisien sont commis dans la plus parfaite indifférence des forces de police.
Cette inégalité territoriale-là ne rappelle pas seulement que l’Etat (au sens des institutions publiques), loin d’être le garant de l’égalité en constitue la principale menace, elle montre aussi que la vague de terreur qui vient de nous frapper résulte d’un excès d’Etat, ce grand castrateur de la responsabilité, et non d’une faiblesse de l’Etat.

La France entre définitivement dans l’ère de l’intranquillité

Avec ces attentats, les certitudes acquises sur le fonctionnement de la société française ont volé en éclat, et les Français découvrent désormais qu’ils doivent composer avec un ennemi tapi, sournois, qui les observe et qui est prêt à agir à chaque instant.
D’autres périls se font jour: la crise grecque, les relations avec la Russie, la montée de la misère, et ces vagues d’immigration qui nourrissent le sentiment que les habits du monde ne sont de toute façon plus adapté à sa physionomie, et qu’il va falloir renouveler la garde-robes.
Là encore, on me pardonnera de grogner contre un discours à la Badinter sur les mesures d’exception. Mais il me semble qu’il faut être capable de donner une lecture géopolitique à la question du terrorisme. Les événements auxquels nous venons d’assister sont en effet autant une question intérieure qu’extérieure. L’émergence d’un Etat islamique pose un problème de relations internationales. Je ne prétends pas qu’il s’agisse d’un problème hors sol né d’une génération spontanée: l’apparition de DAESH doit bien s’expliquer d’une façon ou d’une autre.
Il n’en reste pas moins que l’Occident est aujourd’hui confronté à une déclaration de guerre – guerre informelle certes, mais guerre quand même.
J’ai lu sous la plume de certains l’idée selon laquelle le règlement de la question palestinienne apporterait une réponse valable au problème du terrorisme islamiste. Si je n’ai aucune sympathie sioniste, on me permettra quand même de glisser que le fantasme d’un nationalisme arabe ne tient pas une minute: les voisins arabes de la Palestine ont souvent adoré s’appuyer sur Israël sans se soucier le moins du monde de la souffrance palestinienne.
En réalité, il existe un problème géostratégique islamiste, et il faut arrêter de se voiler la face.

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