J’ai de nombreux désaccords avec Jacques Sapir (en gros, je pense que c’est un communiste, ce qui ne provoque pas en moi un amour immodéré et débordant) et, à mes yeux, Alexis Tsipras est un démagogue qui a vendu aux Grecs qu’ils pourraient rester dans l’Euro sans faire d’efforts supplémentaires, ce qui, en l’état actuel, est irréaliste.
Notons tout de même que Tsipras, tout en étant démagogue, pose indirectement LA question de fond : l’Union Monétaire est-elle vraiment une union ?
En effet, la solution pour que les Grecs restent dans l’Euro sans faire d’efforts supplémentaires est simplissime : que l’Allemagne donne à la Grèce de l’argent, au lieu de le lui prêter. C’est ainsi que fonctionnent toutes les unions monétaires. Paris et l’Auvergne pouvaient partager le Franc parce que leurs écarts de compétitivité étaient compensés par les transferts de Paris vers l’Auvergne (en partie seulement, c’est pourquoi Paris s’enrichit alors que l’Auvergne s’appauvrit, tout comme l’Allemagne s’enrichit alors que la Grèce s’appauvrit). L’Euro n’est donc pas une union monétaire véritable, puisqu’il n’y a pas de transferts suffisants pour compenser les écarts de compétitivité. Dans ce cas, partager une monnaie unique est une machine infernale à rendre automatiquement les forts plus forts et les faibles plus faibles, comme avaient prévenu tous les opposants à l’Euro dès le traité de Maastricht. Le long discours de Philippe Séguin à l’Assemblée Nationale reste un morceau d’anthologie, frappant de prescience.
Et pourquoi les Allemands refusent-ils de transférer de l’argent aux Grecs ? Parce que la nation européenne n’existe pas, les Allemands et les Grecs ne se sentent pas faire partie du même pays, au contraire, j’espère, des Parisiens et des Auvergnats. D’ailleurs, ils n’ont pas les mêmes règles (de retraite, par exemple).
C’était le pari fou des européistes, en réponse aux anti-Maastricht, que la survie de l’Euro forcerait les transferts et que les transferts forceraient la naissance d’un sentiment politique européen et d’une nation européenne. C’est un exemple fantastique de « mettre la charrue avant les bœufs ». Cette utopie politique, comme toutes les utopies politiques, provoque le malheur des peuples et se fracasse en ce moment sur le mur de la réalité.
On comprend que l’Euro est fondamentalement anti-démocratique puisqu’il s’agit de forcer les sentiments populaires. Il n’est donc pas surprenant que ça se passe mal.
Ce n’est pas par hasard que j’ai intitulé ma rubrique traitant de ces questions : « Euro ou démocratie ils ont choisi pour vous ».
Et l’objection « les Grecs ont choisi d’entrer dans l’Euro démocratiquement, qu’ils en assument les conséquences » ne tient pas. La démocratie, c’est aussi de pouvoir arrêter une expérience qui tourne mal. De plus, le prêt de 2010 couronnant le surdendettement grec avait pour but de sauver les banques françaises et allemandes et non d'aider les Grecs.
La solution préconisée par les européistes est l’éternelle solution de tous les utopistes : encore plus d’utopie. Le communisme ne marche pas ? C’est parce qu’on n’en a pas encore fait assez. L’européisme enchaine les catastrophes ? C’est qu’on n’en a pas encore fait assez.
Tsipras, en proposant le referendum, demande aux Grecs de trancher le nœud gordien. Il se peut tout à fait que les Grecs renoncent à leur souveraineté et donc à la démocratie. La liberté est fatigante.
Nous verrons.
La situation grecque pose bien la question essentielle de la viabilité de l’Euro et même de l’UE. Ceux qui prétendent que le problème grec n’est pas grave parce que la Grèce est un petit pays sont des imbéciles ou des menteurs (ou les deux).
Je vous laisse avec Jacques Sapir :
Jacques Sapir : référendum grec, le retour de la démocratie en Europe
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