mardi, novembre 07, 2017

Le peuple de la frontière (G. Andrieu)

Un livre à la Sylvain Tesson, en plus politique et en moins poétique.

Gérald Andrieu a fait une campagne présidentielle particulière : il a marché le long de la frontière française du nord au sud.

Pas de surprise : on retrouve ce que disent les Zemmour et les Guilluy. Un peuple français abandonné et malheureux, qui s’en tamponne de Macron. Ce livre devrait être lu par les bobos de Paris, Bordeaux, Lyon. Probablement répondraient-ils « Ils n’avaient qu’à faire comme moi », dans leur prétention comique à ne rien devoir qu’à eux-mêmes.

Mêmes les communes plus riches, frontalières de l’Allemagne et du Luxembourg, ont leurs inquiétudes, dites à tort identitaires, qui sont tout simplement populaires, les inquiétudes de gens qui veulent encore constituer un peuple français. Après tout, l’un des terroristes du Bataclan venait de Wissembourg, commune alsacienne moyenne.

L’origine de ce désespoir est tout fait clair, même si certains (mais pas tant que ça) ont du mal à la formuler : la trahison de la classe dirigeante.

Je ne peux que recopier ce que j’écrivais en 2009 :

Le pays saura qu'il est défendu

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Dans son plus célèbre discours de guerre, Clemenceau a prononcé cette phrase qui a marqué les esprits : « Le pays saura qu'il est défendu ».

Aujourd'hui, c'est au contraire le sentiment d'abandon qui domine : le pays sait qu'il n'est pas défendu, quand il n'est pas trahi. Nos politiciens et nos médiatiques considèrent que tout ce qui est français, « franchouillard » dans leur langue, ne mérite pas d'être défendu, et ce n'est pas plus mal si c'est détruit. On peut épiloguer sur la haine des élites pour leur peuple, au point qu'elles participent activement à l'extinction de sa culture.

Cette haine des élites pour le peuple est à l'origine de l'immigrationnisme, cette politique qui consiste à considérer que tout ce qui vient de l'étranger est bien et tout ce qui vient de chez nous est mal (un Arabe fier de ses racines, c'est bien ; un Français fier de ses racines, c'est un beauf). On assiste à une véritable tentative de substitution de population et de culture.

[…]

Question difficile : pourquoi les élites détestent-elles leur peuple ? Le snobisme a toujours existé et est naturel.

La Révolution Française a créé une peur du peuple qui a plus ou moins subi un coup d'arrêt avec la Commune, mais le changement fondamental me semble dans les conditions de vie : on peut désormais vivre dans des beaux quartiers totalement aseptisés, débarrassés des RMIstes et des smicards. Allez à Auteuil, Neuilly, Boulogne-Billancourt pour voir.

Les progrès techniques font que les élites peuvent désormais vivre avec le minimum de contact avec le peuple, la domesticité a quasiment disparu, les organisations modernes sont telles que les rapports avec la base passent par des intermédiaires.

Ce mouvement technique a coïncidé avec un mouvement historique. Deux guerres mondiales en trente ans, ça fait beaucoup. Le peuple, qui s'est fait hacher menu, était le coupable tout trouvé. N'est-ce pas lui qui a braillé comme un con en 1914 « A Berlin ! » ou « Nach Paris ! » ?

Bien entendu, les élites étaient aussi responsables, mais comme elles désignaient les coupables, elles ont pris soin de s'éviter trop de désagréments. On a donc honni le nationalisme populaire, celui qui défile en chantant, en oubliant les motivations guerrières spécifiques à la haute, comme l'intérêt ou le goût de la distinction ou l'ennui.

Mai 68 a été l'épiphanie de ce snobisme : quoi de plus snob que de revendiquer la licence des mœurs ? Il y a là un trait commun avec les nobles d'Ancien Régime dont l'ironie semble avoir échappé à beaucoup.
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