« Faut pas mourir idiot »: ce que révèle l'apologie de l'expérience immédiate
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Oh, naturellement, certaines de ces expériences peuvent se révéler a posteriori
profitables. Là n'est pas la question, d'autant qu'en démocratie chacun est libre. Mais
quel est le sens de cette philosophie de l'expérience que nous résumons par l'adage :
« Faut pas mourir idiot » ? Le premier est que, dans ce monde de l'expérimentation, le seul
point de vue qui compte est celui de l'individu : il se détermine pour telle expérience,
mais sans aucune considération pour les autres. Il se moque de ses semblables, même s'il
prend soin, pour se couvrir, de soutenir de nombreuses causes humanitaires. En fait, il
ignore ses « prochains » : ils ne comptent pour rien. Seul compte son expérience. Elle est
celle de l'hyperindividu. Celui-ci ne vit ni dans le présent, ni dans le passé et pas
davantage dans l'avenir: il s'inscrit dans une absolue immédiateté, dans l'éphémère.
Pascal aurait dit: «dans le divertissement». Il n'a évidemment que mépris pour la sagesse
accumulée par les âges: elle est un obscurantisme. Mais il n'a pas davantage d'estime
pour les meilleurs esprits contemporains, dont l'intelligence pourrait le faire douter de
ses choix de vie : il est « l'homme-masse» d'Ortega y Gasset. Et puis, naturellement, cet
homme nouveau tient que toutes les expériences se valent qu'il ne saurait être question
de les évaluer éthiquement et que la seule chose interdite est de juger une expérience, de
la hiérarchiser, de la qualifier. Dans ce royaume du relativisme absolu, la seule chose
proscrite est de «discriminer» quand il s'agit simplement de sélectionner: toutes les
expériences se valent idem … et distinguer entre de bonnes et de mauvaises expériences,
c'est discriminer, opprimer.
Curieusement, notre « homme-masse », notre amoureux de l'expérience pour l'expérience
est cependant un fervent partisan du principe de précaution. Contradiction ? Pas du tout.
L'adepte du « faut pas mourir idiot » entend se réserver à lui seul ou, à l'extrême limite, à
quelques-uns de ses pairs, les jouissances de l'expérience pour l'expérience. Il a besoin
que le « populo » continue d'adhérer à la morale conventionnelle. Il est un peu comme
Voltaire (mais sans l'esprit !) qui préférait que son valet croie en Dieu afin… de n'être pas
volé. Par conséquent, notre adepte du « faut pas mourir idiot » soutient mordicus le
principe de précaution … pour les autres. C'est la condition sine qua non de sa jouissance
sans limites : maintenir les autres sociétaires dans la servitude de lois qu'il juge
dépassées. Par exemple, on exhortera à la justice sociale et l'accueil des étrangers en
prenant pour ses enfants une nounou philippine qu'on traitera en esclave en la payant
« au noir ». Ou bien, confortablement allongé dans un des sofas de son ryad de Marrakech
ou de son domaine d'Algarve, notre ami du « faut pas mourir idiot » vitupère l'évasion
fiscale
Nos « libéraux progressistes » ont une conception de
la liberté et des exigences de la vie en société qui laisse pantois. Ils illustrent à la façon
d'un cas d'école ce qu'on appelle en économie « le dilemme du prisonnier » : dans un jeu
collectif, le progressiste exigera des autres qu'ils se comportent avec précaution, en
suivant les règles, mais lui se réservera le droit de s'en exonérer, de rouler les autres
joueurs et tirer seul son épingle du jeu ? Mais en trichant, bien sûr !
Tricherie morale, naturellement, et dont leur conscience obscurcie ne leur permet
souvent plus de se rendre compte. Ainsi va la vie des relativistes moraux, des « libéraux
culturels », des progressistes. En définitive, ces «libérés» sont en fait ce que Marx, qu'il
faut parfois relire car sa sociologie était décapante, appelait des « aliénés » dans ses
Manuscrits de 1844. Aliénés par leur ego surdimensionné et leurs désirs sans limites dont
ils deviennent esclaves. Lénine, parlant des compagnons de route du communisme, avait
dit d'eux qu'ils étaient des « idiots utiles qui tressaient la corde avec laquelle ils seraient
pendus ». Personne, évidemment, ne souhaite cela à nos idiots modernes. Ils auront leurs
désillusions. Mais on doit souhaiter que les conservateurs ne cessent pas de les mettre en
garde et tentent de leur faire comprendre que la vie a un sens, qu'elle est « pour de bon »,
et qu'il n'est pas indifférent de choisir tel chemin ou tel autre. Et qu'il serait dommage, à
force d'expériences inutiles et dangereuses, de produire des idiots en série et une société
imbécile.
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Pour moi, cet article est très concret : je connais un certain nombre de ces jouisseurs-resquilleurs (gauchistes -mais pas forcément, en revanche toujours macronistes), dont l'ambition est de profiter de la vie en s'affranchissant des règles communes ou en ne se souciant pas des conséquences sur les autres ou sur la société.
Ils ne sont pas désagréables au premier abord. C'est au deuxième abord que les choses se corsent : on s'aperçoit qu'on ne peut rien bâtir avec eux. Tout ce qu'on fait avec eux repose sur du sable, puisqu'ils adhèrent autant au groupe qu'un grain de sable aux autres grains. Tant qu'ils en tirent avantage, ils font semblant que leur parole les engage, puis, le jour où ils y perdent, ils se retirent.
Toute société en comprenant une part importante périra.
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