mardi, octobre 02, 2018

A l’exemple de Manuel Valls et de l’ONU : où l’on commence par un petit personnage et on finit par la grande stratégie

 « Manuel Valls met en lumière l'absence cruelle de la figure de l'homme d'État »

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La politique n'est plus qu'un « job » parmi d'autres. Et, en vertu de la flexibilité alliée au boniment du développement personnel, on serait en droit de changer de « nation » comme on change d'entreprise quand on n'y trouve plus son compte [quand je vois le nombre de Français de souche qui fuient à l’étranger, ça me fait mal]. La traversée du désert ? Rester fidèle à son engagement d'élu national malgré les aléas de la basse-cour politicienne ? Très peu pour Manuel Valls. Qu'à cela ne tienne, puisque la France est mauvaise mère d'adoption, il retourne dans les jupons de sa mère biologique, la Catalogne. Rappelons quand même que Manuel Valls n'a fait que naître à Barcelone, volonté de ses parents qui étaient déjà installés en France où il a donc grandi et vécut toute sa vie. Puisque l'horizon semble désormais bouché en France, allons voir si l'herbe est plus verte chez le voisin. Ce qui compte n'est-ce pas d'abord l'épanouissement personnel du petit Manuel, et non, en homme d'État, le dévouement à la patrie ?

Oui, un grand mot que la patrie. Elle mérite ici, dans toute sa noblesse, d'être interpellée car Manuel Valls n'a pas manqué au cours de plus de trente ans de vie politique de faire de grandes déclarations d'amour à la France. Tout cela sonne aujourd'hui comme un mensonge à celle qu'il disait aimer follement, une tromperie des plus ordinaires. La France qu'il prétendait aimer ne lui donne pas ce qu'il veut, il va voir ailleurs. La France se sent trahie, il ne peut venir lui en faire le reproche puisqu'il lui avait conté fleurette pour s'en détourner à la moindre déconvenue. Osera-t-il une fois perdue l'élection à la mairie de Barcelone lui demander de «passer l'éponge» pour le reprendre au sein du chaleureux foyer ?

[…]

Les Français attendent d'un homme d'État qu'il serve les intérêts de la nation avant ceux de l'Europe ou d'une virtuelle « communauté internationale », et qu'il ne serve pas d'abord ses intérêts personnels. Un homme d'État lucide, dont la vision serait fondée sur une analyse de la situation ne cédant pas aux appréciations moralistes du moment et/ou aux injonctions de technocrates, de lobbies, qui n'ont comme boussole que la loi du Marché. Un homme d'État peut avoir une ambition démesurée, mais à condition que celle-ci serve la France et non son narcissisme. L'homme d'État a de la patience dans l'adversité, il accueille les traversées du désert comme des occasions de reprendre contact avec une réalité qu'il a perdue de vue, avec des composantes de la nation qu'il a négligées, il n'est pas cet homme pressé qui continue à s'agiter dans le landerneau politico-médiatique pour exister. Le désamour des Français pour leur classe politique n'est pas prêt de cesser, à observer « les profils » aujourd'hui sous nos yeux.

Depuis la naissance de l'État moderne théorisé par le français Jean Bodin (XVIè) puis l'anglais Thomas Hobbes (XVIIè), les qualités attendues d'un homme d'État ont pu connaître quelques inflexions suivant l'évolution du système politique démocratique. Néanmoins, la mission ultime de l'homme d'État demeure la défense des intérêts de sa nation, la loyauté à l'égard de sa patrie, dans le dépassement de sa vanité individuelle et ses petites ambitions personnelles. En cela donc on peut dire que Manuel Valls n'était pas un homme d'État français. Mais catalan, qui sait : chaque patrie a les grands hommes qu'elle mérite …
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Certains, ici, s’insurgent quand je dis qu’il y a trop de métèques en politique française, trop de politiciens aux origines douteuses et au patriotisme de même, aux doubles, voire aux triples, allégeances. Mais c’est tout de même bien un problème de fond : comment obéir à quelqu’un qu’on peut légitimement soupçonner d’être un traitre ou, du moins, un homme au patriotisme douteux ?

On me citera Mazarin et Gambetta. Mais cela renforce mon propos : le patriotisme d’un métèque doit être insoupçonnable, plus que celui d’un Français de France, pour que le soupçon ne puisse accrocher. Quand un métèque fait une politique qui ne paraît pas au service du pays mais d’autre chose, il faut se débarrasser du métèque.

Les organisations internationales sont-elles une forteresseprogressiste imprenable dans la lutte entre libéraux etconservateurs ?

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Aujourd’hui - Trump le premier - se heurtent aux plus grosses oppositions [dans les organisations internationales].

Les organisations internationales sont les forteresses dans lesquelles le progressisme, battant en retraite sur une partie de la planète, va se réfugier pour tâcher de résister - et d’où il pourrait bien, si nous sommes naïfs, nous empêcher de prendre le pouvoir. Nous autres conservateurs sommes sans doute trop optimistes lorsque nous faisons confiance aux forces de l’histoire pour substituer une ère conservatrice à l’ère du libéralisme dominant en train de s’achever. Il faut plutôt nous préparer à un combat sans merci. Et les progressistes disposent, dans la bataille, de positions très solides qui peuvent leur permettre de rester au pouvoir de bien des manières. Avez-vous jamais réfléchi à ce paradoxe : Emmanuel Macron élu, dans votre pays, alors qu’il est le plus fervent des européistes et que la cause de l’Europe fédérale est devenue minoritaire en France au plus tard lors du référendum de 2005 ? Mais le jeu politique est bloqué par l’appartenance de votre pays à cette fédération qu’est l’Union Européenne: les candidats pro-Union partent avec un avantage compétitif quasi-insurmontable pour leurs adversaires; ils peuvent s’appuyer sur un appareil médiatique, des réseaux de grandes entreprises et une « sainte alliance » des gouvernants quasi-unanimement acquis à la cause européiste. Avec l’élection présidentielle française de 2002 au plus tard, il est devenu clair que le jeu normal des forces politiques ne pouvait plus s’exprimer - quelle que soit l’expression du vote populaire, à la fin c’est l’européisme qui gagne. C’est au nom de l’Union Européenne que vos gouvernements successifs font passer la plupart des réformes qu’ils entreprennent. C’est au nom de l’Europe que toute position économique ou politique réaliste est systématiquement écartée. Je m’attarde sur l’Union Européenne mais je pourrais prendre d’autres exemples. Prenons la question du réchauffement climatique.

Personne d’honnête intellectuellement n’en connaît les causes ni n’est capable d’en dire avec certitude l’ampleur. C’est une question qui devrait être laissée aux scientifiques, sans récupération. Mais vous trouverez toujours suffisamment d’hommes politiques et de hauts fonctionnaires internationaux prêts - contre leur discours affiché de souci pour l’environnement - à brûler des millions de litres de kérosène pour se rencontrer à différents points de la planète, décréter que c’est l’activité humaine qui explique le réchauffement et décider ensemble de contre-mesures dont ils vous diront, aussitôt prises, qu’elles sont tout à fait insuffisantes. il faudra à nouveau brûler beaucoup de kérosène pour la réunion suivante.

[…]

Une fois que l’on a cela en tête, on comprend mieux ce qui se joue à l’échelle mondiale. Dans l’euphorie progressiste de l’après-Seconde Guerre mondiale, les organisations internationales se sont multipliées, sur à peu près tous les sujets de la vie collective. Des bureaucraties internationales se sont établies; elles sont devenues pléthoriques, au service d’intérêts puissants - de l’intérêt des puissants, devrait-on dire: les logiques transnationales sont des logiques oligarchiques, où la voix des dominants est prépondérante. Aujourd’hui, ces organisations et ces intérêts sont d’autant plus solides qu’au progressisme socialiste de l’après-guerre a succédé le progressisme libéral à la fin du XXè siècle. De Roosevelt à Obama, il existe une profonde continuité « multilatéraliste ». La puissance des réseaux ainsi mise en place est telle qu’elle conduit à verrouiller de plus en plus les politiques nationales, qui adoptent des objectifs « collectifs » dont il est quasiment impossible de sortir puisqu’ils ont été adoptés dans des traités signés par les gouvernements et ratifiés par les parlements. Assez naturellement, les classes aisées de la société produisent, à chaque génération, toujours plus de défenseurs des systèmes trans- ou supranationaux mis en place. Et lorsque se lève un politique prêt à défendre d’autres intérêts, il le fait, le plus souvent, au nom du peuple, c’est-à-dire des couches précarisées par l’ordre international.

C’est moins souvent, au départ, l’outrance du propos qui fait traiter de populisme ce qui est dit, que l’opposition exprimée aux objectifs partagés par les élites nationales et internationales. Ou, pour le dire autrement, le système progressiste ne laisse souvent pas d’autre choix aux opposants que celui de l’outrance pour se faire entendre.

Les organisations supranationales de toute sorte sont des machines à générer des populismes: et ceux-ci, au fond, les arrangent bien car ils ne mettent pas fondamentalement en cause le système. En 2002, la gauche s’est bouché le nez mais elle a voté Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen. En 2005, les « populistes » ont réussi, en s’additionnant, à faire voter non, majoritairement, au traité constitutionnel européen; mais Nicolas Sarkozy a repris les choses en main, depuis la droite, en mettant ce qu’il fallait de populisme dans son discours pour être élu puis en faisant adopter le traité de Lisbonne, à peine élu. Sarkozy avait le potentiel d’un Donald Trump mais il n’était pas fait de la même trempe: il ne voulait pas lutter pendant cinq ou dix ans contre l’establishment libéral. Nous en sommes arrivés au moment où les populismes se sont tellement multipliés partout dans le monde qu’ils semblent en mesure de l’emporter. Certains prédisent par exemple une victoire des populistes aux prochaines élections européennes. Mais cela produirait-il quelque chose? Le problème des populismes, c’est qu’ils n’ont pas encore pu effectuer leur mue conservatrice. Ils restent fort démunis face à la puissance de ces forteresses progressistes que sont les organisations inter-, trans- ou supranationales. L’establishment libéral dispose encore d’une puissance de feu considérable. Regardez comme le parti démocrate a passé deux ans à tenter de renverser Trump, par une série de coups d’Etat institutionnels avortés ; regardez la multiplication des lois sur les fake news , expression de la connivence entre élites politiques, médias, et GAFA au service de la préservation de l’ordre progressiste. Regardez comment, malgré la méfiance profonde des populations, un véritable eugénisme progressiste s’est mis en place depuis quelques décennies, les travaux de l’ONU ou les votes du Parlement européen servant à préparer le vote des parlements nationaux.

Bien entendu, il s’agit de faire en sorte que les conservateurs s’emparent des bastions du progressisme.

Remarquez que je dis bien : les conservateurs ! Le populisme doit effectuer sa mue conservatrice. C’est-à-dire qu’il doit s’assurer le soutien d’une partie des élites. Personnellement je ne crois pas au populisme de gauche. Il fabrique des faire-valoirs du système progressiste, tels Tsipras ou Mélenchon. Au contraire, on voit bien, dans le cas britannique, comme UKIP est susceptible de perdre ses électeurs au profit des grands partis, à commencer par le parti conservateur, à partir du moment où les partis de gouvernement respectent les intérêts populaires. C’est ce qui s’est passé dans les mois qui ont suivi le référendum sur le Brexit. Remarquez aussi comme UKIP remonte dans les sondages, mécaniquement, dès que le parti conservateur faiblit dans sa volonté d’appliquer le Brexit. Theresa May n’est pas une conservatrice complète car elle cherche un compromis avec les principes l’Union Européenne au lieu d’établir un rapport de force qui débouche sur un accord politique.
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