samedi, février 23, 2019

Détresse paysanne et hypocrisie urbaine

« On glorifie les paysans pendant le Salon de l'agriculture pour les oublier le reste de l'année »

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Nous nous sommes presque habitués au suicide de nos agriculteurs, cette situation est insupportable et devrait nous empêcher de dormir.

Dans quelle profession supporterions-nous qu'un jour sur deux un travailleur se suicide ? Dans quelle profession accepterions-nous un si faible niveau de revenus?  Qui supporterait de travailler comme nos agriculteurs, avec une telle rudesse et plus de 80 heures par semaine, pour 350 euros par mois ?

Le mépris social qu'ils ressentent est réel, et le mouvement des Gilets jaunes n'est pas né de rien. Il est justement né de l'arrogance des métropoles - et de Paris, la première d'entre elle - envers la ruralité et les périphéries françaises. Elle est loin l'époque où les villes étaient entourées de leur ceinture de maraîchage ! Aujourd'hui les métropoles sont littéralement hors-sol, pourtant elles n'existent que si la ruralité est là pour les nourrir... Le niveau d'hypocrisie qui régit nos relations au monde agricole est sidérant. Je pense qu'il est grand temps de rendre leurs lettres de noblesse à nos paysans et à la ruralité…

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D'où vient cette arrogance des métropoles pour le monde paysan ? Pourquoi sommes-nous devenus aveugles à la réalité de ce dernier ?

Parce qu'on est hors-sol et déconnectés! Aujourd'hui un petit citadin naît sans savoir à quoi ressemblent des animaux de la ferme, ni même ce que sont de simples légumes! Je me souviens avoir fait le tour des cantines avec Jean-Pierre Coffe, nous avions été choqués de constater que les enfants ne savaient pas reconnaître les simples fruits et légumes devant eux.

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Nous allons aujourd'hui de foutaises en mensonges avec nos paysans : on se fout littéralement d'eux! Par exemple, sur quoi ont débouché les États généraux de l'alimentation sinon sur le fait que Leclerc nous explique qu'il a augmenté le prix du Nutella pour mieux payer nos paysans ? Mais de qui se moque-t-on ? J'entends les paysans quotidiennement sur mon émission de radio en libre antenne : ils disent tous qu'ils sont étranglés, qu'ils sont écrasés dans le rapport de force avec la grande distribution, et les dirigeants de cette grande distribution leur mettent sur le dos l'augmentation du prix du Nutella et d'autres produits de consommations de base pour se dédouaner et nettoyer leur bonne conscience. C'est indécent.

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Je pense que le monde agricole s'est retrouvé dans les Gilets jaunes. Le mouvement a été salvateur parce qu'il a rappelé aux métropoles que la ruralité était l'essence de la France et que les agriculteurs étaient les oubliés de la République, même si les dérives de ce mouvement et ses violences me choquent moi aussi.

Reste que l'accoutumance et l'habituation de notre société au suicide paysan sont lamentables. C'est aussi pour cela que le mouvement des Gilets jaunes a suscité cette empathie de la part de nos concitoyens, car ils ont subi le même genre de mépris que les paysans. Cracher à la figure des gens en leur disant qu'ils ne sont pas écolos parce qu'ils utilisent le diesel tout en fermant les petites lignes de chemin de fer et les services publics, sans leur offrir aucune possibilité de mobilité est absurde ! Je comprends leur désarro i! Celui de ces gens à qui on a dit qu'ils étaient des « salauds de pauvres » et des « salauds de pollueurs ».

Cette arrogance et cette infantilisation ont de quoi rendre fou ! Quand on ne peut rien faire sans voiture dans certaines régions mais qu'on enlève la voiture aux gens qui y habitent, on les met dans une situation intenable. En psychiatrie, c'est comme cela qu'on fait pour rendre les gens fous.

Etienne Campion
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Cette affaire de Gilets jaunes (dans lequel on peut aussi compter les paysans) a été pour moi un révélateur de mon entourage bourgeois citadin : 90 % de ce que j'ai entendu était des paroles de mépris social absolument répugnantes, qui ne font vraiment pas honneur à ceux qui les ont prononcées.

En revanche, l'idée ne semble pas leur venir qu'ils pourraient être un petit peu responsables de la situation des Gilets jaunes et que, en tant que supérieurs proclamés encore et encore, ils pourraient, horresco referens, avoir quelques devoirs envers ceux-ci (et des devoirs qui ne se limitent pas à payer des impôts, qui d'ailleurs vont très peu aux GJ).

Des droits, j'en ai plein, à commencer par celui de ne pas être dérangé dans mon petit monde tranquille de bourgeois urbain, mais des devoirs ... Des devoirs ? Mon bon monsieur, de quoi parlez vous ?

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