lundi, décembre 23, 2019

Paris-Berlin. La survie de l'Europe. (D. Husson)


Avertissements

Avertissement 1 : Edouard Husson m'a adressé son livre dédicacé. Mais je suis assez malappris pour dire ce que j'en pense quand même.

Avertissement 2 : j'ai toujours eu du mal avec l'Allemagne et avec l'allemand. J'ai passé le latin comme deuxième langue au bac au lieu de l'allemand. S'il m'arrive de dire que je suis un anglophobe qui aime bien les Anglais, je suis un germanophobe ... qui n'aime pas l'Allemagne.

Les lourds systèmes de la philosophie allemande m'assomment et me font bailler. Et si l'on me dit que c'est parce que je suis trop bête pour comprendre, je l'admets volontiers.

Je ne partage en rien la germanomanie des élites françaises, sans doute parce que je n'en fais pas partie. Bref, je n'ai aucun goût pour l'Allemagne. Comme pour l'islam, je ne demande pas mieux que de le droit à la plus complète indifférence, seules les circonstances m'obligent à m'y intéresser.

Vorwärts !

Ces préliminaires personnels étant posés, attaquons Husson.

D'abord, c'est bien écrit. D'un sujet qui ne me passionne pas, j'ai lu ce livre avec plaisir.

Husson n'est pas germanophile béat. L'Allemagne est le pays d'Hitler aussi. Il dévoile le vilain petit secret des lourds systèmes philosophiques d'outre-Rhin : la fascination pour la violence accoucheuse de l'histoire.

C'est dur d'être dirigé par des cons.

Sa thèse principale est que les dirigeants français s'hypnotisent d'une image fausse de l'Allemagne.

Il considère que la politique européiste d'uniformisation à marche forcée (il est plus poli que moi, mais visiblement, il ne déborde pas d'admiration pour nos « brillants » technocrates - bêtes à concours bornées (1) sans intérêt autre que mondain) est grosse de catastrophes dont nous voyons les premiers signes : naufrage de la Grèce, Gilets Jaunes, AfD, Brexit, et ce n'est qu'un début.

Husson lie, à juste titre, politique monétaire restrictive et dénatalité. Mais je ne comprends pourquoi il n'en tire pas la conclusion que, pour sauver la natalité française, il faut dynamiter l'Euro. Quand leurs intérêts vitaux sont en jeu, les nations ne peuvent compter que sur elles-mêmes et ont le devoir d'être égoïstes (2).

Il valide (joie, bonheur) mon idée (qui n'est pas de moi) que les Allemands sont bons en tactique et nuls en stratégie. Il attribue ce défaut à l'excès d'esprit analytique au détriment de l'esprit de synthèse. Un faisceau d'analyses ne fait pas une synthèse.

Le défaut miroir français, l'excès d'esprit de synthèse, est le dogmatisme. Giscard et surtout Mitterrand en firent preuve à fort mauvais escient en considérant  que la puissance allemande était inarrêtable et en pensant que le mieux à faire pour la France était d'obtenir « un strapontin à la Bundesbank ».

Ils nous collèrent cette vérole d'Euro alors que, comme le conseillaient certains amis allemands de la France, le mieux à faire était de ne surtout pas nous en mêler et de tailler des croupières aux Allemands en dévaluant le Franc, pendant qu'ils se débattaient avec leur réunification. Ce que les Anglais, avec leur pragmatisme habituel, surent faire. Mitterrand fut vraiment la peste et le choléra pour la France, dont nous ne sommes toujours pas remis.

Husson est honnête. Il constate que, contrairement à ce qu'ils prétendent, nos présidents depuis Giscard ont mené une politique de vassalisation, opposée à celle de de Gaulle.

Angelattila

Il peint un portrait équilibré d'Angela Merkel, qui me la rend détestable. Le legs de l'éducation est-allemande à Merkel est un conformisme idéologique en acier trempé (moi qui apprécie les rebelles, vous vous doutez si je suis ravi).

Je ne supporte pas ces personnalités à la François Hollande, sans coeur, sans tripes, calculatrices dans les petites choses, géniales dans la magouille minable qui pourrit la situation, mais incapables de vision, de grandes choses. De plus, il y a un mensonge à la base de toute la carrière politique d'Angela Merkel : c'est une progressiste politiquement correcte qui dirige un parti et un gouvernement de centre-droit à prétention chrétienne.

Elle partage cette tendance de tous ces politiciens européistes-mondialistes à considérer qu'il n'y a plus de problèmes politiques, (à part lutter contre le « fachisme ») puisqu'ils ont décidé une fois pour toutes du monde meilleur et comment y aller, mais seulement des problèmes  techniques. Elle a souvent répété comme Thatcher qu' « il n'y a pas d'alternative », ce n'est donc pas par hasard que le parti d'opposition s'appelle Alternative für Deutschland.

Angela Merkel est comme Attila : rien ne repousse derrière elle. Parce qu'elle fait tout mourir d'ennui ! Elle est capable de rendre catatoniques les Marx Brothers.

Kein Volk, kein Führer ?

Husson a une analyse originale en faisant le parallèle entre Merkel et Benoit XVI. Il pense que l'Allemagne a un problème culturel avec le leadership (il choisit de conserver le mot anglais pour des raisons qu'il explique (3)). C'est soit trop, façon Bismarck-Hitler, soit pas assez façon Merkel-Ratzinger.

En tout cas, rien de comparable à Churchill.

Pour ma part, j'ai tendance à incriminer le manque d'humour. Vous connaissez la blague anglaise : « Qu'est-ce que l'humour allemand ? C'est l'humour juif ... l'humour en moins ». Je suis sérieux, je pense que la fonction politique de l'humour est très sous-estimée (mais Alfred Sauvy a commis un livre sur le sujet).

Pourtant, je ne suis pas sûr que mon hypothèse soit admise par l'université.

D'ailleurs, l'Allemand existe-il ? Le Bavarois je vois, le Prussien, je me doute mais l'Allemand ?

En 2013, Angela Merkel est soulagée que son parti n'ait pas la majorité et qu'elle doive gouverner en coalition ! Comparez avec Boris Johnson, tout joyeux d'avoir écrasé Corbyn et de pouvoir mener sa politique avec une majorité exceptionnelle.

Ce refus allemand du politique, au sens de Julien Freund, est mortifère pour l'Allemagne (je n'en ai rien à foutre) et pour l'Europe (là, ça me préoccupe) : des décisions politiques sont quand même prises, mais sans être qualifiées comme telles et sans être débattues, et elles viennent toujours trop peu, trop tard.

Bref, Merkel est une calamité sur pattes.

Le supplice grec et le suicide migratoire

Husson donne deux exemples dramatiques du refus du politique :

♘ la crise grecque. Il était évident pour tous les observateurs raisonnables que la meilleure solution était la sortie de la Grèce de l'Euro. Mais, plutôt que de prendre cette décision politique, Merkel a préféré l'application de traités inadaptés et et la répression technocratique.

♘ l'accueil inconditionnel d'un million de pseudo-réfugiés au nom d'une éthique de conviction totalement hors sol et donc apolitique. A mon avis, nous sommes dans ce cas là très proches de la pure et simple maladie mentale. E tout cas, Merkel nageait dans la plus complète irresponsabilité.

Brexit : l'anti-Merkel

Pendant ce temps, de l'autre coté de la Manche, les Britanniques faisaient de la politique, de la vraie. Et pas qu'un peu.

Le débat du Brexit, c'est-à-dire entre 2015 et 2019, a été passionnant (bien loin des caricatures des medias français). Je lisais régulièrement les différentes tribunes d'opinion sur internet et il m'est arrivé d'écouter les débats aux Communes.

Il y a eu du suspense, des coups de théâtre, des coups de gueule, des coups tordus, des exploits, des ratés retentissants. Bref, nous étions très loin du mortel ennui merkelien.

Et qu'ont finalement décidé les Anglais, d'une manière claire et sans bavures ? D'échapper à la dictature des normes imposées de l'extérieur et à la tutelle des cours apatrides.

Elections, pièges à cons

Husson fait une analyse électorale un peu longuette (c'est le seul endroit où j'ai sauté des pages) pour conclure que le paysage électoral va continuer à se morceler et que, par conséquent, les Européens, notamment les Français, ne doivent rien attendre des gouvernements allemands dans les années qui viennent, sauf de l'inertie.

Un Allemand bien placé m'avait la même analyse.

643 et 30 0000

643 : c'est le nombre d'employés de la Deutsche Bank touchant plus d'un millions d'Euros par an.

30 000 : c'est en milliards d'Euros les engagements de la même banque, dont certains sont franchement douteux. J'ai même lu ailleurs 45 000. Le cours de la DB abaissé de 95 % par rapport à son plus haut.

La Deustche Bank est une catastrophe directement issue du mercantilisme (Charles Gave l'a expliqué cent fois) et un risque systémique majeur. C'est même LE risque systémique en Europe.

On estime qu'en cas de problème, l'Etat allemand devrait injecter au moins 1 000 milliards d'Euros, soit un quart du PIB ! Et c'est un minimum.

C'est pourquoi, chaque fois qu'un Allemand commence à se faire donneur de leçons, deux lettres devrait suffire à lui claquer le beignet : DB (pas les trains). Mais nos dirigeants, hypnotisés par leur complexe d'infériorité, n'osent pas.

L'avenir aux petites nations ?

Gros plaisir : Husson reprend l'analyse de Jean-Jacques Rosa. La quasi-gratuité de l'information favorise les petites structures.

La vérité des nations européennes n'est pas « l'union fait la force » mais « mieux vaut être seul que mal accompagné ». Tout l'argumentaire disant qu'il faudrait absolument nous unir en renonçant à notre souveraineté, face à la Chine et aux Etats-Unis, est spécieux et mortifère, car il est un encouragement à renoncer à vivre en tant que nation. Que cet argumentaire dangereux soit si facilement accepté est un signe de notre manque de foi.

En réalité, depuis la nuit de temps, grandes nations et petites nations ont co-existé et, très souvent, les secondes se sont beaucoup mieux porté que les premières.

Pour lui, les vieilles nations, France, Grande-Bretagne, ont la bonne taille, inutile de chercher plus grand.

La saine politique politique européenne passe par un axe Londres-Paris-Berlin. Le tête-à-tête avec l'Allemagne dans lequel nos dirigeants veulent enfermer la France est le comble de la stupidité.

L'union fait la farce

J'ai trouvé le livre d'Husson passionnant mais nous divergeons sur un point fondamental.

Husson veut sauver l'union européenne (je mets des minuscules, pour signifier que c'est l'idée générale, et non le machin bruxellois), moi, je veux la tuer comme une mauvaise idée.

Jamais une alliance n'a été une nécessité de principe (ou alors il faut accepter de disparaître comme nation si, par principe, on ne peut pas vivre seul) mais seulement de circonstance.

Nous n'avons de frontières communes ni avec la Chine ni avec les Etats-Unis, c'est déjà un soulagement, et notre menace physique vient du sud. Bien sûr, il y a d'autres menaces au XXIème siècle, mais c'est déjà ça.

Husson veut une alliance lucide avec l'Allemagne. Je pense qu'elle est notre ennemi et que son hostilité consiste à essayer de nous entrainer dans son suicide. Plus nous en serons éloignés, mieux nous nous porterons. Ma politique vis-à-vis de l'Allemagne : l'indifférence maximale.

D'ailleurs, c'est assez facile de passer d'une thèse à l'autre : il suffit de considérer que nos difficultés de rapprochement avec l'Allemagne ne sont pas transitoires, comme décrites par Husson, mais définitives.

Les (presque) 110 propositions d'Husson

Husson termine son livre en faisant des propositions fort intéressantes. Par exemple, laisser les relations franco-allemandes au premier ministre.

Mais je m'arrête là. il faut bien que vous ayez encore des raisons d'acgeter ce livre.

Que d'eau ! Que d'eau !

Mes fidèles lecteurs connaissent mon obsession stratégique pour le grand large.

Si la France reste scotchée dans une politique continentale, les autres pays européens l'entraineront dans leur suicide. C'est d'ailleurs pourquoi l'anti-France, intérieure et extérieure, fait tout ce qu'elle peut pour que nous abandonnions nos confettis d'empire et nous tympanise avec le discours du « ça coûte trop cher », comme si ces gens, soudain si soucieux de notre argent, faisaient attention aux dépenses quand il d'agit d'autre chose que de dépouiller la France, quand il s'agit d'immigration incontrôlée, d'AME, de CMU, par exemple.

L'avenir de la France est dans les alliances maritimes. Ce n'est pas à la mode, et pour cause : nous sommes dirigés par des traitres qui travaillent pour que la France n'ait pas d'avenir.

Je pense que nos relations avec la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le Québec, l'Australie, le Japon et même la Chine, maintenant qu'elle se veut puissance maritime, sont plus importantes et devraient plus focaliser nos énergies, que nos relations avec l'Allemagne.

Bref, un très léger désaccord !

Pour conclure

Mais nous nous retrouvons sur un point opérationnel : le France ne peut pas affronter seule l'Allemagne, elle doit coaliser les petites nations.

Autre bon point : je ne connaissais pas le De l'Allemagne, de Heine. Belle découverte.

Pour conclure la conclusion, une confidence : je vous ai dit que je n'aimais pas l'Allemagne. Ce n'est pas tout à fait : la Bavière et la Rhénanie sont charmantes.


NUIT RHÉNANE

Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n’entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été

Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire



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(1) : Charles Gave ne cesse de se lamenter que l'université (quand elle fonctionne) est supérieure à notre système de grandes écoles et je suis tenté de croire qu'il a raison : Boris Johnson, produit d'Oxford, est très supérieur à Emmanuel Macron, produit de l'ENA.

(2) : De Gaulle se moquait de ceux qui croyaient dans la protection du parapluie nucléaire américain pour l'Europe : « Croyez vous vraiment que les Américains prendront le risque de voir atomiser un seul village du Minnesota pour sauver Paris ? ».

(3) : dans le leadership, il y a une notion d'entrainement qu'on ne retrouve pas dans les traductions françaises.


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