jeudi, janvier 30, 2020

L'énigme de l'anti-gaullisme de guerre.

L'anti-gaullisme de guerre est une énigme intéressante.

Il y a continuité du gaullisme de 1940 à 1969, mais je comprends que les drames de la guerre d'Algérie puissent susciter une haine anti-gaulliste.

Plus difficile à comprendre, si on se restreint à l'anti-gaullisme des années 1940-1946.

Pour les pétainistes d'époque, c'est assez facile : il ont choisi une mauvaise politique quand De Gaulle choisissait la bonne. Il est leur ennemi. Tout le monde n'a pas l'intelligence de reconnaître ses erreurs (à défaut de commencer par ne pas tomber dedans. J'aime bien Pierre Gaxotte : « Vous suivez le Maréchal aveuglement ? Aveuglement, bien sûr ! Comment pourriez vous faire autrement ? »).

S'agissant des pétainistes contemporains, ceux qui croient toujours 80 ans après que Pétain avait raison, c'est finalement assez facile aussi : ce sont des cons incapables de voir les vérités les plus élémentaires. Sans De Gaulle, nous aurions été inféodés aux Américains et nous serions tombés dans la dépression collective suicidaire dès 1945 au lieu des années 70. 35 ans gagnés et un exemple à méditer, ça n'est pas rien.

Il faut dire que la situation était assez complexe, puisque même un Zemmour n'y comprend rien (ma critique ne date pas d'aujourd'hui : lire ce billet de 2010 avec les commentaires).

Finalement, les plus intéressants, ce sont les anti-gaullistes non-pétainistes : les Monnet, Saint-Exupéry, Léger, Aron, Kérilis ... dont beaucoup partiront pour New-York.

C'est d'autant plus étrange que des gens comme Léon Blum, Pierre Cot et bien sûr Jean Moulin, qu'on ne peut en aucun cas soupçonner d'être hypnotisés par un général politicien, se rallient à De Gaulle.

Evidemment, on peut trouver des explications individuelles : Monnet n'était qu'un valet des Américains et s'il imaginait la France délivrée des Allemands, c'était pour mieux la donner à ses maitres, Saint-Exupéry était un niais en politique etc.

Mais je pense qu'il y a plus une explication plus générale :

1) le caractère : Jean-Louis Crémieux-Brilhac fait subtilement remarquer que les premiers Français Libres sont de sociologie plus élevée que la moyenne mais qu'ils ont tous un coté rebelle, vis-à-vis de leur famille, de leur milieu ou de leur hiérarchie. Or, pour un conformiste, il est très difficile de supporter la cohabitation avec un rebelle, même quand leurs analyses sont proches.

De ces contrariants par nature, le plus bel exemple est Rémy : gaulliste pendant la guerre, pétainiste après ! Les arrivistes, comme Mitterrand, faisaient le contraire.




De Gaulle qui n'hésitait pas à être familier avec ses compagnons de la première heure dit un jour : « Alors, Clostermann, vous vous êtes encore pris les doigts dans la porte ? ».

Aux anti-gaullistes non-pétainistes, ils manque le  grain de folie : ils auraient trouvé que Jeanne d'Arc n'était pas raisonnable.

2) la conception de la politique : le reproche fait à De Gaulle (comme à Sarkozy !) de « diviser les Français » est pusillanime La politique divise par essence. On peut reprocher à un politicien de faire une mauvaise politique, pas de diviser.

Je finis donc sur une banalité : il est faux de croire que les opinions politiques sont entièrement rationnelles. Mais le nombre de gens qui vous soutiennent le contraire est amusant.








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