dimanche, mars 19, 2006

Etats-Unis : l'absence de chômage dope les salaires

Et dire qu'il y en a encore pour venir nous raconter que le "modèle anglo-saxon", c'est l'enfer ...

Ce n'est certes pas le paradis non plus. Mais, avant de faire la fine bouche, il faudrait regarder objectivement notre pays, un commentateur a dit très justement que la "la France réussit l'exploit de cumuler une fiscalité à la suédoise avec des inégalités à l'anglaise."

C'est de moins en moins vrai, mais hélas, pas dans un sens flatteur pour la France : les Suédois diminuent leurs dépenses publiques et le niveau de vie des Anglais augmente.

Je doute cependant que ces simples réalités aient la moindre prise sur ceux qui tiennent les méfaits du libéralisme (ultra, forcément ultra, on ne le répètera jamais assez) et les bienfaits du collectivisme pour des articles de foi.

J'y vois là les ravages de la pensée restreinte, vous le savez, mais il ne faut pas désespérer, l'intelligence ne meurt pas si aisément.

Voler, c'est bon pour ce que vous avez

Etats-Unis : l'absence de chômage dope les salaires

LE MONDE 17.03.06 13h33 • Mis à jour le 17.03.06 14h44

NEW YORK CORRESPONDANT

Les employeurs américains éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver du personnel. C'est flagrant dans des secteurs comme le bâtiment, la santé, l'informatique, la comptabilité et le tourisme. Les hôteliers de Floride envisagent même aujourd'hui d'aller directement chercher de la main-d'oeuvre au Mexique.

Conséquence de ces tensions, les salaires ont augmenté de 0,3 % en février pour s'établir, en moyenne, à 16,47 dollars de l'heure (13,52 euros). En un an, ils ont progressé de plus de 3,5 %. Il faut remonter à la fin des années 1990, au moment de la bulle Internet, pour se trouver dans une situation comparable.

Selon la dernière étude de conjoncture régionale (Beige Book), publiée par la Réserve fédérale (Fed) mercredi 15 mars, "le nombre d'emplois continue à augmenter dans de nombreuses régions et de nombreux secteurs de l'économie. Presque chaque district fait état de pénurie de travailleurs qualifiés".

Près de 227 000 emplois ont été créés en moyenne lors des quatre derniers mois, dont 243 000 en février, selon des chiffres publiés le 10 mars. Le total des nouveaux postes créés aux Etats-Unis ces douze derniers mois atteint 2,1 millions. Le taux de chômage a certes légèrement augmenté en février, à 4,8 % contre 4,7 % en janvier, mais parce qu'un plus grand nombre d'Américains sont entrés sur le marché du travail, confiants dans la possibilité de trouver un emploi.

Autre signe qui ne trompe pas, le nombre de démissions volontaires augmente. "Cela prouve tout simplement la bonne santé de l'économie", souligne Stephen Gallagher, économiste de SG-CIB, qui estime que les entreprises ont "surmonté leurs craintes" liées à la guerre en Irak, aux ouragans et à l'envolée des prix de l'énergie. Selon ses prévisions, les créations d'emplois se maintiendront en 2006, à plus de 200 000 en moyenne par mois, portées à la fois par les profits et l'investissement, contre 165 000 en 2005.

Cette situation tendue du marché du travail conduit les analystes à anticiper la poursuite du durcissement de sa politique monétaire par la Réserve fédérale. "La conjoncture est plus soutenue que ne l'attendait la Fed, résume Gregory Miller, de SunTrust Banks. Cela lui donne la possibilité de continuer à remonter les taux sans prendre le risque d'affecter la croissance."
La banque centrale devrait relever à nouveau d'un quart de point le loyer de l'argent au jour le jour lors de la prochaine réunion, les 27 et 28 mars, de son Comité de politique monétaire, qui se tiendra pour la première fois sous l'autorité de son nouveau président, Ben Bernanke.
La Fed pourrait encore le faire lors de la réunion suivante, début mai, et porter ainsi les taux à court terme à 5 %, contre 4,5 % aujourd'hui. Certains économistes pronostiquent même une troisième et dernière hausse en juin pour amener le loyer de l'argent à 5,25 %.

En effet, certaines régions des Etats-Unis ne sont plus dans une situation de plein emploi, mais de véritable surchauffe du marché de l'emploi. Selon le ministère du travail, 178 agglomérations importantes affichaient en décembre un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale, alors de 4,6 %, et 33 villes étaient sous la barre des 3 %, qui indique une pénurie de main-d'oeuvre. Le sud-est du pays est particulièrement concerné : en janvier, le taux de chômage en Floride était de 3 %.

Dans tous les Etats-Unis, le nombre de personnes qui restent plus de six mois à la recherche d'un emploi ne cesse de baisser. Le chômage de longue durée s'élève aujourd'hui à 19 %, contre 20,5 % il y a un an. "Un cercle vertueux s'est mis en place. Les gens ont plus d'argent à dépenser, sont plus confiants, et les entreprises embauchent plus", estime Gina Martin, économiste de Wachovia.

"La combinaison des hausses de salaires et des embauches permet à de nombreux ménages de continuer à fortement consommer", ajoute Michael Moran, économiste de Daiwa Securities. La consommation est le principal moteur de l'activité et représente près de 70 % du produit intérieur brut (PIB) américain. Même si les ventes de détail ont baissé de 1,3 % en février, après près de 3 % d'augmentation en janvier, leur progression reste spectaculaire : elle est de 7,3 % en un an. Selon les dernières estimations, la croissance américaine sera au moins aussi forte en 2006 qu'en 2005 (3,5 %).

Pas étonnant alors si le déficit extérieur des Etats-Unis continue à se creuser. La balance des paiements, qui cumule déficit commercial et déficit des capitaux, a atteint en 2005, selon un chiffre publié mardi, 804,9 milliards, un record historique. Cela représente environ 6,4 % du PIB des Etats-Unis.

Pour l'instant, le financement de l'économie américaine est assuré et les investissements étrangers restent supérieurs au déficit. Mais elle vit sous une menace permanente : celle d'une éventuelle lassitude des banques centrales, notamment asiatiques. Elle contraindrait les taux américains à remonter rapidement pour rendre les actifs libellés en dollars plus attractifs.

Cela aurait un effet immédiat sur la conjoncture. Mais personne aujourd'hui n'a véritablement intérêt à freiner la locomotive américaine, sa consommation et ses importations massives, surtout pas la Chine, le Japon ou la Corée. La première économie de la planète peut encore continuer un moment à vivre au-dessus de ses moyens.

Eric Leser

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