dimanche, avril 09, 2006

Petit collage du Figaro

Ravages de la pensée clonée

Le terme de rapport de forces évoque la conduite du violeur. Et ce rapport, que les chefs syndicaux invoquent à l'envi, joue dans la démocratie le même rôle que le viol dans les rapports amoureux. Ou, si l'on veut une image à peine plus aimable, le rapport de forces que les manifestants cherchent dans la rue rappelle la conduite des supporters de certains clubs de football : l'esprit démocratique des premiers vaut l'esprit sportif des seconds.

S'il y a rapport de forces, ce n'est pas dans le rapport du nombre de manifestants au nombre de ceux qui n'ont pas eu envie de se joindre aux cortèges, mais dans la violence faite aux salariés et aux jeunes qui subissent de plein fouet la confiscation de la rue, la fermeture des lycées et des facultés et la grève scandaleuse des services publics.

Et ce rapport de forces-là est incompatible avec la démocratie. Car celle-ci ne se mesure pas quoi qu'on en dise à gauche au nombre des braillards qui veulent imposer leurs préférences dans la rue mais au nombre des suffrages, dont l'égalité est protégée par le secret des urnes qui s'expriment lors des élections présidentielle et législatives. Rappelons de ce point de vue que la majorité de l'Assemblée nationale qui a voté le CPE a été portée au pouvoir par 53% des voix au second tour, soit près de dix fois plus d'électeurs qu'il n'y avait de manifestants le 28 mars, et que ces électeurs ne sont ni plus ni moins estimables que ceux qui tenaient à «montrer leur force», à ceci près, qui n'est pas négligeable, qu'ils n'empêchent pas les étudiants d'étudier ni les travailleurs de travailler.

Les ravages de la pensée clonée – antilibérale, altermondialiste, antiaméricaine, etc. – s'étalent au grand jour avec les mobilisations des jeunes, souvent soutenus par leurs professeurs. Entendre les manifestants décrire le CPE comme un «esclavage» et l'entreprise comme une «galère» témoigne de leur embrigadement et leur méconnaissance du monde économique. Alors que l'ensemble de l'Europe se tourne vers un libéralisme tempéré, la France reste accrochée à sa virtuelle «exception».

Il est vrai que lycéens et étudiants ont bien appris leur leçon. C'est Chirac qui, à la pointe du combat contre la directive Bolkestein en 2005, a déclaré : «Le libéralisme, ce serait aussi désastreux que le communisme.» Difficile, dans ce contexte, d'accabler la jeunesse contestataire, lorsqu'elle trouve injuste de devoir assumer une flexibilité des emplois et un travail accru, obligations épargnées à ses aînés et singulièrement à la fonction publique.

Pour autant, la France n'est pas celle de ces automates, dont l'idéal est le risque zéro et le parcours sécurisé. Ils ne méritent pas leur statut de visionnaires. «Quand en finira-t-on avec le jeunisme ambiant ?», questionnait le sociologue Jean-Pierre Le Goff dans Le Parisien (30 mars), en s'étonnant de voir valoriser «les postures victimaires et révoltées». Oui, le temps est venu de détrôner l'enfant-roi, justement dénoncé par Robert Redecker (Le Figaro de lundi).

Reste surtout à décrire les mutations de la société (la nouvelle revue Controverses s'y emploie cette semaine), afin d'affronter les faits qui bouleversent des règles politiques, économiques, sociales, culturelles. La «rupture» prônée par Nicolas Sarkozy, rendue illisible ces jours-ci par son désir de calmer une gauche sans projets, ne pourra vraisemblablement faire l'économie de ce grand déballage. La Ve République elle-même, ébranlée par une réformette, pourrait bien y laisser des plumes.

L'immigration, ce mirage...

Le refus du réel : un bon exemple en est donné avec le livre coécrit par Jack Lang et le démographe Hervé Le Bras (Immigration positive, Editions Odile Jacob). Les deux auteurs s'emploient à démontrer la fausseté de la «perception commune qui croit voir le nombre d'étrangers augmenter dans notre pays». Pour eux, «une minorité est presque toujours plus visible qu'une majorité, ce qui la fait passer pour plus importante qu'elle n'est en réalité». Suit l'argument qui tue : «Le raciste voit partout des Noirs et des Arabes.»

C'est cette culpabilisation et ce terrorisme intellectuel (celui qui s'inquiète de l'envergure de l'immigration est un «partisan de la pureté») qui rendent impossible tout diagnostic sérieux. A remarquer : les auteurs s'appuient sur l'Insee, «institution connue pour son professionnalisme». Une appréciation que ne partage précisément pas le démographe Jacques Dupâquer, membre de l'Institut, pour qui l'Insee tend à farder la réalité démographique aux yeux de l'opinion.

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