Je vous rappelle succintement comment je vois la situation politique française :
> un fond culturel étatiste hérité de la monarchie, du jacobinisme puis du gaullisme, phénomène maintes fois décrit et analysé (Tocqueville, Taine, Hayek, etc.)
> une classe (c'est à dessein que j'emploie ce mot) politique dominée par les fonctionnaires, et, plus globalement encore, profondément ignorante et inexpérimentée en matière d'économie (sur environ 600 députés, seuls 100 ont déjà travaillé dans une entreprise privée) (1).
> depuis trente ans, un recours constant, sous tous les gouvernements, à la socialisation et à l'étatisation des problèmes, ce qui entraîne une illusoire, et perdue d'avance, course à toujours plus d'assurance étatique. C'est ce que j'appelle le syndrome de l'Etat maternant, la Big Mother ; processus d'autant plus dommageable, qu'il est soumis au rapport de force des différents groupes de pression s'échinant à vivre sur la bête étatique.
> or, le phénomène que l'on appelle mondialisation est une mise en concurrence au niveau planétaire qui nécessite une libération des énergies individuelles. Autrement dit, l'Etat n'est pas la solution, c'est le problème.
> on aboutit à la schizophrénie française, le divorce d'avec la réalité, parfaitement rendu par le slogan des anti-libéraux "Un autre monde est possible". Cette envie d'arrêter le temps en 1970, de se retirer du monde, est une pulsion de mort.
Elle est le contraire de la pensée, c'est pourquoi il est vain d'argumenter, seule l'action dans une direction différente compte.
> La mondialisation est non pas un choix, mais une donnée de l'environnement dont il s'agit de tirer le meilleur parti, ceci se prouve en faisant des marchés mondiaux et de l'innovation une source de richesses.
Pour dire à quel point de bêtise nous sommes arrivés : la France est sans doute le seul pays développé dont la politique sociale et fiscale conduit sciemment à chasser les riches et les qualifiés et à attirer les pauvres et les non qualifiés.
Aujourd'hui nous en sommes à l'avant dernière étape, la schizophrénie est bien établie, mais personne n'est encore passé au traitement de la maladie par l'action politique libératrice. Y passerons nous ?
C'est toute la question de la campagne présidentielle en cours.
Les indications qui nous parviennent n'incitent pas à l'optimisme : Sarko et Ségo font assaut de populisme, l'un dans un style brouillon, l'autre dans un style éthéré. Mais aucun n'a commencé à combattre le syndrome de l'Etat maternant. Or, il me semble que les 4 mois qui restent avant le scrutin ne seront pas suffisants pour revenir sur 30 ans d'errements.
Que se passera-t-il alors ? Puisque nous n'aurons pas voulu voir les problèmes en face, nous nous trouverons des boucs-émissaires : les juifs sont passés de mode (quoique), nous nous rabattrons sur les "riches", les patrons-voyous, les "ultra" libéraux, l'Europe et, pourquoi pas, les immigrés et les pollueurs.
C'est la porte ouverte à toutes les folies, à tous les excès, à toutes les violences.
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(1) : la position correcte en économie me semble être de considérer que la macro-économie n'existe pas, que c'est un leurrre, que seule la micro-économie compte et que toutes les autres positions sont erronées.
Cependant, dans l'erreur, il y a des degrés. Voici comment, d'après leur comportement, les politiciens français envisagent l'économie : l'Etat tripatouille les "curseurs", joue avec les taux de ceci et les barèmes de cela, puis l'Etat ouvre les vannes de la dépense publique, le fluide bienfaisant se répand dans les canaux économiques, apportant croissance et emploi. Avouez tout de même que cette vision se situe très haut dans la hiérarchie des erreurs économiques telles qu'on les connaît en 2006.
mercredi, décembre 20, 2006
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Vous devriez lire Lambron, ça vous remonterait le moral !
RépondreSupprimerLui se pourlèche les babines de la victoire de Ségo au sein du PS, où il voit le prélude d'un grand coup de torchon sur la France, avec un petit plus si le vainqueur de la finale se prénommait Nico.
L’auteur se présente comme un romancier issu de la rue d’Ulm et de Sciences-Po, très vaguement de gauche et spectateur cynique de la comédie politique française. Devant l’ascension de Ségolène Royal, il a soudain l’impression de ne plus comprendre, et prend quelques semaines de vacances pour étudier le phénomène en toute subjectivité.
Ce qui le fascine, c’est la "tueuse d’éléphants". L’arme du crime serait la vérité, dont elle serait, depuis Rocard, la première personnalité socialiste à "sentir les avantages" (p. 29). Ségolène serait désinhibée, défierait tranquillement les vieux dirigeants socialistes en s’appuyant sur le "pays réel" et surferait, au sens à la fois nautique et internautique, sur sa propre ignorance, avec le seul appui de son sourire conforté au miroir des sondages. Elle conquerrait le parti socialiste par les marges, révélant sa fragilité d’édifice vermoulu.
C’est donc le refus prolongé de la vérité qui aurait causé la ruine de cette vieille maison. Ses deux patrons récents, Mitterrand et Jospin, auraient accumulé à plaisir les zones d’ombre, l’un sur son passé vichyste prolongé en dîners avec Bousquet et en promotion de quadras fils de collabos, l’antigaullisme cimentant le tout, l’autre sur son entrée "entriste" au PS, en service commandé du conspirateur trotskyste Pierre Boussel, dit Lambert. Point commun : le totalitarisme. L’usage, même frauduleux, des voix communistes pour conquérir ou garder le pouvoir et l’ascension, bienvenue à cet égard, du Front national, complètent le tableau : "l’oiseau social-démocrate volait avec des ailes totalitaires". (p. 72)
Mais à cette sauce, en France, on peut accommoder n’importe qui ! Quel gouvernement s’est assuré qu’il n’embarquait aucun suppôt de l’OAS, aucun enfant de massacreur colonial ? Et cette façon même de coller des étiquettes indélébiles et de dresser des camps, fussent-ils seulement classificatoires et dépourvus de barbelés, n’est-elle pas au principe même de la démarche totalitaire ?
Elle est, en tout cas, des plus antigaullistes, le Général ayant été, pour liquider la Seconde Guerre comme celle d’Algérie, l’adepte des procès exemplaires suivis d’amnisties rapides à quelques fusillés près. Il est vrai que de Gaulle ici n’est guère aimé. Son mérite unique est de n’avoir point été à Vichy mais pour le reste il fut lui-même, il faut oser l’écrire, un Conducator, en raison, tenez-vous bien, de son amour de la France : "(...) la France était dans le monde la seule démocratie populaire réussie : un Conducator à l’Elysée, des autoroutes et des sous-marins, la Régie Renault fonctionnant en cadences, du lait dans les écoles et la télévision aux ordres, la paix civile cogérée par Matignon et la CGT."
Point de Bush dans ce livre, à peine un peu de Blair (pour mettre en doute l’adhésion de l’héroïne à ses méthodes) et une petite allusion au 11 septembre. Des poncifs en revanche sur le référendum du 29 mai 2005, avec un gommage plus soigneux que jamais du fait que les électeurs étaient appelés à juger un texte, et libres de le trouver mauvais. On aura compris : c’est le plat de la France ringarde qui est ici réchauffé pour la cent- millième fois, sous le masque friable d’une prose plagiaire de Saint-Simon.
Dans le portrait manquent curieusement les deux hommes les plus proches : Hollande, et Mitterrand lui-même. Des sentiments du patriarche envers la jeune attachée de l’Elysée, il est dit expéditivement qu’il l’aimait bien, et rien du tout sur la captation qu’elle-même tente de l’héritage, en toute occasion. Mitterrand avait soin d’annexer Blum et Jaurès -sans doute parce qu’il n’était pas de la maison. Ségolène, Lambron le fait remarquer à juste titre, se tait sur les figures historiques du socialisme... mais non sur Mitterrand et cela, pour les besoins de sa démonstration, il l’omet. De même, "conquérir le parti par les marges", oui, sans doute, mais par le centre aussi ! Pour pouvoir prendre de haut les autres dirigeants, il n’était peut-être pas inutile d’avoir dans sa poche le premier d’entre eux.
La référence à Rocard, en revanche, est éclairante. Rocard, qui n’est pas mort, n’a pas dit son dernier mot et s’affiche avec Bayrou. En fait de vérité et de modernité, c’est bien une nouvelle mouture de l’alliance socialo-centriste qui se dessine, celle que de Gaulle a pulvérisée en 1958 et que sa République n’a point encore connue malgré de chaudes alertes, Defferre en 65, Poher en 69, Rocard en 79, Mitterrand II en 88, Delors en 94. La disparition, en bonne voie à l’heure où j’écris (20 décembre 2006), de tout contrepoids à gauche ne peut que précipiter le phénomène. Sans parler d’une présence possible de Le Pen au second tour, contre la gauche cette fois. Mais Lambron n’en dit rien.
Au total, il préférerait Sarkozy. On le sent inquiet de tout ce qu’il repère de souple et d’indéterminé dans la personne de Ségolène, et surtout, peut-être, dans la situation créée par sa brusque ascension. Avec Nicolas on saurait à quoi s’en tenir et Max Gallo, l’ancien porte-parole du gouvernement Mauroy, est admiré d’avoir franchi le pas (p. 42). Ce qui pourrait perdre le maire de Neuilly, c’est son "mauvais genre". Racaille et kärcher ? vous n’y êtes pas : Balkany. Les arrivistes-affairistes des Hauts-de-Seine, qui entretiennent autour de lui une atmosphère digne de Borsalino.
L’ouvrage s’achève sur l’espérance que Ségolène n’ait été qu’un "moment"... et qu’un vampire : "la ruse que l’air du temps aurait choisie pour vider les cadres du Parti de leur vieux sang socialiste". L’auteur retourne à ses romans en rangeant ses "polaroids" sur lesquels "on voyait courir les porcinets et les bourriquets, les petits gourous et les tigres fous."
Heureusement, le réel est bien plus surprenant que les imagiers d’un politologue approximatif.