jeudi, février 08, 2007

L'école primaire, étape fondatrice

Vous trouverez ci-dessous le texte d'un message que j'ai envoyé à des amis. Je n'avais pas l'intention de le rendre public. Mais voilà, aujourd'hui, dans Le Monde, je suis tombé sur l'article suivant :

Orthographe : les collégiens de cinquième sont tombés au niveau des élèves de CM2 de 1987


Les pudeurs et les ménagements ne sont plus de circonstance. Si certains lecteurs se sentent visés, ma foi, ils l'ont peut-être mérité.

Beaucoup d'enseignants pensent que les problèmes de l'école viennent de l'extérieur, de la société, voire, pour les plus intoxiqués, de l'ultra-libéralisme (il faudra qu'on m'explique !!!).

Et non ! Il faut dire la vérité : les problèmes de l'école viennent d'abord de ses méthodes, de sa direction, de sa mentalité et de son organisation.

Quand les profs défendent et chérissent l'étatisation et la centralisation de l'enseignement, ils entretiennent la source des problèmes de l'école. De plus, quand ils se croient une mission sociale en même temps que leur mission d'enseignement, ils trahissent cette dernière.

*****************************
Salut,

Je suis allé ce matin à un colloque L'école primaire, étape fondatrice

Il y avait le gratin "anti-pédagogiste" (Le Bris, Boutonnet, etc...). Je vous joins les présentations et mes notes, comme j'écris très mal (bien qu'ayant appris à écrire à la plume), je vous résume les notes :

C. Krafft prof. de physique en licence, doctorat et master : elle prend certaines copies de Français pour des copies d'étrangers tellement elles sont mal écrites. 80 % des copies sans ponctuation ni accents. L'absence de maîtrise du français gêne la compréhension, l'assimilation et la raisonnement en physique (exemples de copies en petit nègre incompréhensibles).

AS Bonnet (6è en ZEP) : classe tellement hétérogène que la prof. est toujours en échec, soit avec les bons (elle va trop lentement), soit avec les mauvais (elle va trop vite). Un trimestre pour obtenir des élèves qu'ils répondent par des phrases complètes à une question. La moitié de la classe refuse d'appliquer des consignes. Rédactions jamais relues (on jette sur le papier ce qui passe par la tête puis on passe à autre chose, l'ennui, ce qui "prend la tête", voilà l'ennemi.) Réécrit certaines copies pour essayer de comprendre ce que l'élève a bien voulu dire. "Il participe" semble pour un inspecteur un motif de satisfaction suffisant.

R. Boutonnet : applique la méthode alphabétique avec le manuel Boscher de 1905 et un article de Ferdinand Buisson de 1882. Court les brocantes et les bibliothèques pour trouver les manuels honnis par l'institution. Cherche aussi les vieux profs (~ 80 ans) ayant pratiqué le B-A BA. En effet, contrairement aux apparences, le B-A BA est une méthode très subtile dans la progression et nécessite de connaître des "trucs" d'expérience. Description passionnante du premier cours en CP sur la lettre "i" tel que décrit par F. Buisson dans son article de 1882.

SE MEFIER DE LA MATERNELLE : la maternelle emploie à fond des méthodes globales (par exemple, reconnaître son propre prénom ou "maman"). Or, le pli de la "globale" (chercher à deviner les mots plutôt que les déchiffrer) est meurtrier et demande beaucoup de travail pour être rattrapé. L'idéal est donc que les parents apprennent à reconnaître les lettres aux enfants suivant une méthode alphabétique avant l'entrée en maternelle (mieux vaut prévenir que guérir).

RB donne comme exemple de pb syllabique difficile à résoudre pour un jeune instit à qui on n'a pas appris la méthode : comment expliquer la syllabe à des enfants de CP ? (c'est le nombre de fois où l'on ouvre la bouche quand on prononce un mot en forçant l'articulation).

Enfin, juste pour vous faire rire : en 1882 (début de l'école de masse), des élèves en entrée de 6ème étaient capables de faire l'analyse grammaticale complète de "Le dernier des Stuart, dépouillé de ses Etats, s'enfuit d'Angleterre et vint chercher un asile à la cour de Louis XIV."

RB "n'a jamais raté un élève". Ca ne m'étonne pas, la méthode syllabique est très structurée et mécanique, peu dépendante du niveau intellectuel de l'élève, elle a permis d'élever spectaculairement le niveau d'alphabétisation de la France rurale a une époque où l'on parlait patois à la maison et on séchait la moitié des cours pour cause de travaux des champs.

J. Lachieze : a appris à ses élèves la grammaire avec la méthode ancienne (règle, exceptions à la règle, application) au lieu de l'ORL (sigle idiot, reflétant bien l'idiotie des pédiocrates, pour Observation Réfléchie de la Langue : l'élève joue aux devinettes sur une phrase). Classe composée à moitié de Turcs. 24 dictées à 12 élèves pendant l'année, notation à l'ancienne (-4 points/faute) : 80 % des élèves ont plus de 15 de moyenne sur l'année.

Discussion avec R. Boutonnet et J. Lachieze à la pause : estiment que les méthodes pédagogistes enseignées en IUFM font l'objet de superstitions (seraient plus "égalitaires"). Evaluent à quelques pour mille le nombre d'instituteurs connaissant et enseignant les méthodes anciennes, qui fonctionnent (alors, quand on entend les syndicats d'enseignants déclarer que "Mon bon monsieur, le ministre est un con avec ses histoires de lecture, les méthodes globales ont disparu depuis longtemps" on sait ce qu'il faut en penser.)

F. Candelier : enseignante dans le Nord. Exposé dramatique sur la littérature pour jeunesse conseillée par l'EN. Exemple : propagande pour l'homoparentalité, ouvrages "Jean a deux mamans", "Dis mamanS", en maternelle, intimité des enfants dévoilée, sexualité et drogue banalisées et mises en avant, ouvrages "petit zizi", "Mlle Zazie at-t-elle un zizi ?" "La tournante" Dans un ouvrage, on voit une illustration où un enfant collectionne les crânes humains ! Famille attaquée (ringarde, dépassée, oppressive), surtout le père.

Bref, la littérature conseillée verse dans un voyeurisme de mauvais aloi.

Classiques complètement ignorés.


M. Le Bris : expose le vice fondamental des programmes et des méthodes actuels : l'idéologie de l'autonomie de l'enfant. L'enfant doit tout découvrir par lui-même, le prof. n'est qu'un outil, il ne doit plus rien transmettre. Remarque d'un intervenant : jusque dans les années 60, les enfants dans les poussettes étaient tournés vers leurs parents, depuis, ils sont tournés vers l'avant, ils foncent vers l'avenir, ce sont les rois. Comme l'élève doit être tour à tour linguiste, mathématicien, physicien, il n'avance pas vite, est frustré et ne sait rien de sûr. Le Bris fait des parallèles éclairants sur les méthodes antiques qui vont du simple au complexe et sur les méthodes "modernes" où l'élève, mis de but en blanc devant le complexe, doit le déchiffrer par la force de son génie.

Le Bris a très bien défini le problème du pédagogisme : il se donne comme but l'autonomie de l'élève, mais il utilise l'autonomie comme outil. Un but qui est un outil : il y a confusion, erreur logique.

Le Bris estime que c'est au contraire dans un cadre très rigoureux, avec des consignes claires et techniques maîtrisées, que la liberté peut s'exprimer. "L'école élémentaire est fondamentalement classique. La transgression, c'est pour les ados, c'est le secondaire, mais sans bases, on ne peut rien transgresser, on pédale dans le vide."

Le Bris qui est un breton marrant a fait remarquer que les méthodes anciennes devaient avoir du bon : il vient du 3ème village le plus alcoolique de France et la moitié de ses camarades parlait patois, ça ne l'a pas empêché de réussir.

Enfin, il a cette forte phrase qui ne va pas faire plaisir à tous : "Les IUFM sélectionnent les conformistes, les obéissants, des valets. Avec les IUFM, l'EN a inventé une machine à sélectionner les cons."

A+

F.

Notes

7 commentaires:

  1. C'est à croire que c'est complètement voulu.Une population analphabète,dépolitisée(TF1).Dans ces conditions,difficile de contester,débattre,revendiquer......
    Steph

    RépondreSupprimer
  2. Concernant Le Bris, en matière de calcul élémentaire notamment la division (lire son chapitre sur la "potence"), il est un peu à coté de la plaque. Bref ce Le Bris n'est pas parfait. Par contre sur la methode BA-BA versus méthode globale, je n'ai toujours pas rencontré d'instit qui applique l'une ou l'autre dans sa totalité. Le retour du Ba-BA est interessant car c'est bien la seule méthode aujourd'hui efficace face à la télé et à MSN qui gave nos gamins. C'est une mécanique qui un peu comme le vélo ne s'oublie pas.

    RépondreSupprimer
  3. "Bref ce Le Bris n'est pas parfait" Seul Dieu est parfait et je ne pense pas que l'ambition de MLB monte si haut.

    "je n'ai toujours pas rencontré d'instit qui applique l'une ou l'autre dans sa totalité. " Hélas, je pense que ces deux méthodes sont opposées, choisir un mélange, c'est refuser de se couper une bonne fois pour toute des superstitions et des erreurs de la méthode globale.

    Comme le fait remarquer Rachel Boutonnet, l'institution ne forme personne à la méthode alphabétique dont l'usage ne s'improvise pas ; il n'y a pas de livres du maître. Combien d'instituteurs font les brocantes et les bibliothèques, cherchent les vieux profs, pour apprendre comment on enseigne rigoureusement avec cette méthode ?

    Bien peu à mon avis. Alors comme on sent bien que la méthode globale à de gros défauts, on mélange à diverses doses, on tripatouille, on improvise, sans aller jusqu'au bout du raisonnement qui consiste à dire que c'est la méthode globale qui est dans son principe mauvaise et qu'il faut l'exclure totalement.

    Hayek ne croyait pas à la troisième voie, au socialisme tempéré entre capitalisme et communisme,
    car "il n'y a pas de voie intermédiaire entre la vérité et l'erreur."

    C'est un peu pareil pour les méthodes de lecture.

    "C'est une mécanique qui un peu comme le vélo ne s'oublie pas."

    C'est surtout une méthode qui marche sur tout terrain, qui fonctionne avec des enfants de toutes origines et de toutes aptitudes. Pas besoin d'être intelligent, il suffit de travailler (certains plus que d'autres) ; alors que la méthode globale dépend forcément du vocabulaire des élèves et l'on retrouve les origines, la classe sociale, etc ...

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour,

    La lecture des débats de ce colloque me fait penser que les choses bougent au sein de ce mammouth de l'Éducation nationale. Une part non négligeable de ma famille faisant partie de cette grande maison - À quand mon droit à des réunions de famille au cours desquelles on parle d'autre chose que "moyens réforme proviseur ministre" - j'ai pu constater que certains membres enseignants au primaire osaient dorénavant tenir tête aux grandes idées pédagogiques qui venaient du sommet.

    Comme l'a dit un jour une institutrice qui m'est très chère à un inspecteur qui lui reprochait de ne pas suivre certaines directives sur la lecture - ça remonte à cinq ans - "quand vous aurez tenu une classe pendant 20 ans, on en reparlera. Pour vous, un élève c'est une stat, pour moi, c'est un enfant qui doit savoir lire aux vacances de Pâques. En un mot: dehors".

    RépondreSupprimer
  5. Excellent billet Mr Boizard, merci beaucoup ! Je fais chaque jour des efforts plus violents sur moi-meme pour tenter de me convaincre que l'éducation nationale n'est pas le mal incarné, ou alors qu'une rédemption est possible...

    RépondreSupprimer
  6. http://devoirsmaison.canalblog.com/

    http://devoirsmaison.canalblog.com/

    RépondreSupprimer
  7. Bonjour,
    Je suis actuellement PE2 ou prof des écoles stagiaires après avoir réussi brillamment le concours (classée dans les 10 premières de mon académie). J'ai préparé le concours seule et en dehors de l'IUFM et ça ne m'a donc pas empêché de réussir... par contre je me suis vu reprocher par 2 profs de français de ne pas avoir fait de PE1 à l'IUFM. Ce système est pourri !
    Depuis septembre, nous n'avons pas vu une seule méthode pour apprendre à lire. Les seules choses que je sais, je les ai appris lors de mon stage en CP grâce à une instit en or.
    On nous rabat les oreilles avec le travail de groupes : les élèves doivent construire leur savoir !!! Mais à quoi est-ce que je sers ? Quand je mets mes CM2 en groupe, ils ne travaillent pas... Ils s'amusent : à leur place, je ferai pareil de toutes façons.
    Si je leur donne du travail individuel, comme je l'ai vécu en tant que gamine, ils bossent... Les formateurs de l'IUFM sont complètement à la ramasse. Pour moi, il me parait plus évident de donner les règles aux élèves pour qu'ils puissent écrire correctement le français plutôt que de les faire formuler... Seulement si je suis visitée sans faire de "travail de groupe", on ne me validera pas.
    Cette année de formation c'est l'horreur. Je doute même de ma titularisation, j'ai plus l'impression que c'est une histoire de "tête" que de vocation... Les PE2 ne sont pas du tout sérieux à l'IUFM, les uns signent pour les autres, les autres font autre chose pendant les cours (correction de copies, écriture du mémoire). Mais l'IUFM ne se remet pas en question. Je ne sais pas si c'est la solution, mais moi aussi, j'en arrive à penser qu'il faudrait supprimer les IUFM...
    Et qu'on ne me dise pas que je crache sur la soupe.

    RépondreSupprimer