vendredi, octobre 02, 2009

«Ceux qui écrivent et ceux qui lisent sont une survivance»

«Ceux qui écrivent et ceux qui lisent sont une survivance», déclare Philip Roth.

Je le crois sans peine car deux phénomènes se conjuguent, liés à des évolutions dans l'éducation (plus exactement, la non-éducation) et à l'environnement :

> les capacités de concentration ont diminué de manière spectaculaire. Certaines études faites sur des élèves de primaire montrent un passage en trente ans de 15 minutes à 3 minutes. Elles valent ce qu'elles valent, du moins est-il facile de constater que les gens ne savent plus prendre le temps de s'isoler, voire de s'ennuyer.

> l'aptitude à être dérangé de son confort est maintenant proche de zéro. Symptôme parmi d'autres, on m'explique, et je le constate, que les jeunes (mais j'ai l'impression que ça concerne aussi pas mal de vieux) sont incapables de regarder un film en noir et blanc (sans parler de film muet ou en VO !) Ca témoigne d'une étroitesse d'esprit affligeante (1).

Ces deux éléments mis bout à bout interdisent la lecture, puisqu'elle requiert de la concentration et procure en retour du dérangement, un sain dérangement (2).

Montaigne a toujours été la lecture d'une poignée, mais cette poignée était vaste. J'ai peur qu'elle se réduise à quelques dizaines d'individus. Et pourtant, la satisfaction est à la hauteur de l'effort.

Soit, Montaigne est un exemple sans doute excessif. Mais Pascal, Racine, La Bruyère, Hugo, Stendhal, Flaubert, Maupassant, Proust ?

Or, la transmission orale du savoir étant perdue (apprendriez vous et réciteriez l'Iliade et l'Odyssée ?), la seule transmission possible aujourd'hui est la lecture. Tous les autres moyens, télévision, radio, sont de débit insuffisant (3) et ne forment ni la sensibilité, ni le goût.

Allons nous finir avec d'un coté les sous-hommes téléphages, bons robots, incapables de penser plus loin que le bout de leur nez et de l'autre, les hommes, encore un peu réfléchis, parmi lesquels se trouveront quelques cyniques manœuvrant la masse à leur profit ?

Ensuite, nous passerons peut-être aux androïdes !

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(1) : il y a là une amère ironie. La doctrine officielle est à l'ouverture tous azimuths. Mais on constate que les endoctrinés de l'ouverture sont d'une étroitesse d'esprit exceptionnelle.

(2) : «Quand on me contrarie, on esveille mon attention, non pas ma cholere : je m'avance vers celuy qui me contredit, qui m'instruit. La cause de la verité, devroit estre la cause commune [...] Je festoye et caresse la verité en quelque main que je la trouve, et m'y rends alaigrement, et luy tends mes armes vaincues, de loing que je la vois approcher. Et pourveu qu'on n'y procede d'une troigne trop imperieusement magistrale, je prens plaisir à estre reprins. Et m'accommode aux accusateurs, souvent plus, par raison de civilité, que par raison d'amendement : aymant à gratifier et à nourrir la liberté de m'advertir, par la facilité de ceder. Toutesfois il est malaisé d'y attirer les hommes de mon temps. Ils n'ont pas le courage de corriger, par ce qu'ils n'ont pas le courage de souffrir à l'estre.» Montaigne, De l'art de conférer

(3) : une heure de télévision tient en une page lue en deux minutes. Bien sûr, les informations ne sont pas de même nature.

5 commentaires:

  1. 43 % de la population française en âge de lire ne lit pas un seul livre dans l'année.

    http://baronnet.blogspot.com/2008/01/lire-ou-ne-pas-lire.html

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  2. Pour que les gens lisent davantage, il faudrait d'abord leur apprendre à lire correctement. La majorité des lecteurs lisent "avec la bouche", ils sont obligés de sub-vocaliser le texte qu'ils lisent pour pouvoir le comprendre. Or, cette technique de lecture est absolument épuisante, la gorge devient sèche au bout de 15 minutes et on finit par avoir des maux de tête très rapidement. Résultat, les gens lisent en moyenne 20 pages en une heure et ils sont vite découragés dans leur lecture.
    Il faut enseigner des techniques de lectures rapides et entraîner les gens à lire uniquement avec leurs yeux. De cette manière, le plaisir de la lecture est beaucoup plus grand et les gens liraient beaucoup plus. La baisse du débit de lecture ne signale pas le déclin de nos sociétés, c'est uniquement un problème d'apprentissage de la lecture que l'on peut très facilement corriger.

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  3. «La majorité des lecteurs lisent "avec la bouche"»

    Vous êtes sûr ? C'est une technique d'enfant qui ne maîtrise pas encore la lecture.

    «c'est uniquement un problème d'apprentissage de la lecture que l'on peut très facilement corriger.»

    Pour ça oui !

    Si ce que vous dites est vrai, c'est ridicule et honteux.

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  4. "Vous êtes sûr ?"

    Pas totalement certain, mais quand je suis dans le bus ou dans le métro, la majorité des gens remuent les lèvres quand ils lisent le journal.
    C'est seulement à la fac que j'ai appris à lire correctement grâce à un prof formidable qui nous a livré le secret de son érudition: lire avec les yeux (c'est tout con, mais très peu de gens savent le faire...., ou alors, ils le savent mais ils ne font pas confiance à leur cerveau et ils ont besoin d'entendre "le son des mots" dans leur tête pour se rassurer, or, plus on passe du temps à relire un mot ou une phrase, moins on comprend le sens du texte. Essayez de lire "hal-lu-ci-no-gè-ne" en appuyant sur chaque syllabe: aussitôt que vous avez lu la dernière syllabe, vous avez déjà oublié ce que vous étiez en train de faire. Pas étonnant que les gens passent 10 minutes à relire chaque paragraphe d'un texte et qu'ils soient épuisés après la lecture d'un chapitre. C'est pourtant comme ça qu'on apprend la lecture en classe de CP et c'est franchement ridicule. Lire lentement, c'est une énorme erreur d'apprentissage. Il n'y a qu'à lire Alexandre Dumas, Stendhal ou encore Dostoievski pour se rendre compte que la lecture doit toujours être nerveuse et agitée. Et pour ceux qui veulent me dire que la poésie se lit lentement, je leur répondrai que la poésie ne se lit pas, mais qu'elle s'apprend par coeur et se récite à voix haute. Voilà pourquoi je n'aime pas trop les écrivains qui mettent de la poésie dans le romanesque.

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