Réflexion d'un historien sur C. Colomb et la Conquista.
La thèse de Chaunu est que l'aventure de Colomb était un événement singulier, contingent, qu'il aurait très bien pu ne pas advenir.
Vingt ans plus tôt, les techniques nautiques n'étaient pas mûres ; dix ans plus tard, les connaissances géographiques étaient trop répandues pour que l'idée de rejoindre les Indes par l'ouest fût crédible. Il aurait très bien pu s'écouler des décennies avant que quelqu'un trouve un intérêt à aller vers l'ouest et, surtout, à y rester.
Chaunu insiste sur les qualités de marin de Colomb, certains disent le plus grand. Chaque fois qu'il a eu à prendre une décision de navigation, il a pris la bonne, alors que les autres options menaient à la mort.
Autre imprévisible : l'odyssée de Cortes. Qui pouvait prévoir que deux mille conquistadores allaient soumettre vingt-cinq millions d'hommes ? Quelques remarques :
> les conquistadores étaient lettrés : alors qu'environ 10 % des occidentaux savaient lire et écrire, on estime cette proportion à 60 % chez les conquistadores, d'où un grand nombre de mémoires et de récits, qui ont popularisé la conquista.
> la moyenne d'âge des conquistadores était assez élevée : beaucoup, arrivés jeunes, blanchirent sous le harnois. Cette accumulation d'expérience a joué un rôle dans l'aventure de Cortes.
> on remarque aussi la même proportion que l'armée américaine moderne : un combattant pour dix personnes à la base arrière.
> les sacrifices humains épuisaient l'empire aztèque, certains ont vu en Cortes un libérateur. Il a bien su en jouer (la repentance, battre sa coulpe sur la poitrine de ses ancêtres, l'émeute contre les morts, ce n'est pas la tasse de thé de Chaunu). Les peuples sud-américains ont subi le choc psychologique de l'invasion a un moment où ils étaient déjà fragilisés. Victimes des maladies importées, ils se sont par ailleurs laissés mourir, comme en témoigne un effondrement dramatique de la natalité.
> comme Colomb, Cortes a fait très peu d'erreurs. Il a pris les bonnes décisions aux moments cruciaux.
Le parcours de Chaunu est intéressant : pape de l'histoire quantitative si il en fut, il a écrit un de ses derniers livres sur deux personnages, dont il arrive à expliquer logiquement qu'ils aient surgi à ce moment-là, mais qui demeurent imprévisibles dans leur singularité.
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« Les peuples sud-américains ont subi le choc psychologique de l'invasion a un moment où ils étaient déjà fragilisés. [...][I]ls se sont par ailleurs laissés mourir, comme en témoigne un effondrement dramatique de la natalité. »
RépondreSupprimerToute ressemblance avec l'Occident actuel serait purement fortuite...
Chaunu n'a pas sorti sa «peste blanche» (nom qu'il a donné au suicide démographique de l'Occident) de nulle part.
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