dimanche, avril 11, 2010

Crash à Smolensk

D'après ce qu'on sait aujourd'hui et sous réserve de compléments d'enquête, le président polonais et les quatre-vingt-quinze personnes qui l'accompagnaient ont été victime d'un grand classique du transport aérien, qui a déjà provoqué des centaines d'accidents et des milliers de morts, l'effet tunnel.

L'effet tunnel consiste à se focaliser sur un élément du vol, à l'exclusion de tous les autres.

Un cas exemplaire est ce pilote qui doute que son train d'atterrissage est correctement verrouillé, se focalise sur ce problème, fait des manœuvres, plusieurs passages près de la tour de contrôle et finit, malgré les timides remarques du mécanicien, par tomber en panne de carburant, avec, comme le prouvera l'enquête, un train parfaitement verrouillé, c'était la lampe indicatrice du tableau de bord qui était grillée.

A cela, s'ajoute le syndrome de l'arrivée à tout prix, qui est d'ailleurs sous certains aspects une variante de l'effet tunnel. Arriver à bon port comme prévu a une récompense psychologique : la relaxation de la tension et la satisfaction d'avoir accompli ce qu'on avait prévu. Inversement, un déroutement, ça veut dire les emmerdes qui se prolongent et une insatisfaction. Bien sûr, mieux vaut être vivant sur un terrain de déroutement que mort sur le terrain de destination. Mais je vous parle d'effets psychologiques, qui, étant inconscients, ne sont pas toujours rationnels.

D'ailleurs, le pilote qui arrive à prendre conscience et à se dire «oh là, coco, ne serais-tu pas victime d'un syndrome de l'arrivée à tout prix ?» est déjà à moitié sauvé (jeune breveté, une fois j'ai trop insisté dans la crasse. Mais j'ai fini par prendre un peu tard la bonne décision. On s'est posé à Saint-Nazaire au lieu de La Baule. Le passager n'en menait pas large mais nous continuons à voler ensemble, signe qu'il a interprété positivement l'expérience).

Quand j'ai entendu que le crash avait eu lieu à la quatrième tentative d'atterrissage, j'ai immédiatement pensé au syndrome de l'arrivée à tout prix.

Ce nombre m'étonne. A moins d'un problème technique obligeant l'avion à se poser là et pas ailleurs, à la seconde ou à la troisième tentative ratée, l'équipage aurait du envisager puis mettre en œuvre un déroutement. Le pilote qui n'est pas aux commandes a pour tâche de prendre du recul par rapport au pilote en fonction et il aurait du dire quelque chose comme «on arrête les conneries, on va se poser ailleurs».

Je ne serais pas étonné que les enregistreurs révèlent un équipage dysfonctionnel, peut-être sous la pression des officiels présents, ou sous une pression auto-infligée. Il est humain que l'équipage oublie qu'il est le seul maitre à bord après Dieu (blague classique de pilote : «Vous transportez la reine d'Angleterre, elle tombe de l'avion, que faites vous ? Je trime.»)

14 commentaires:

  1. On connait tous la pression induite par la présence de VIP en cabine. Avec en plus les porte-serviettes à cran qui veulent absolument plaire au prince ("un déroutement pour cause météo, vous n'y pensez pas!")...et dont le pouvoir de nuisance sur les carrières de fonctionnaires ou militaires est réel!

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour,
    il semble qu'il n'y a eu qu'une seule "vraie" tentative d'aterrissage, precedee de trois tours au-dessus de l'aeroport.
    L'avion venait depasser un controle technique general et le pilote etait non seulement experimente (la moindre des choses pour un Air Force One)mais il maistrisait aussi parfaitement le russe, selon les dires de son superieur. Donc pas de probleme de communication avec la tour de controle.
    L'hypothese de pression effectuee sur le pilote parait etre la plus probable, surtout dans le contexte de ce qui s'etait passe il y a deux ans , quand le President Kaczynski a fait son voyage en Georgie, pendant l'offensive russe. Avec 3 autres presidents a bord (Ukraine, Lithuanie et Estonie, il me semble), le pilote devait aller a Bakou, la capitale de l'Azerbeidjan, d'ou le voyage devait etre continue en convoi de voitures jusqu'a Tbilisi. Dans l'avion Kaczynski ainsi que son entourage avaient tout fait pour obliger le pilote a se diriger sur Tbilisi. Jugeant l'aeroport georgien, situe en zone de guerre, comme etant trop dangereux, le pilote n'a pas flechi, ce qui lui a valu une remarque acerbe de la part du President : "Lorsqu'on est officier , on se doit de faire preuve d'un minimum de courage" (je cite de memoire, donc approximativement, mais le ton y est), suivie, de retour en Pologne, d'une tentative de demission ou de degradation du pilote. Finalement, il a ete decore par le ministre de la guerre "pour sevices rendus a la securite de l'Etat". Le ministre, on s'en doute bien, etait du parti oppose a celui du President. Cette affaire a fait grand bruit a l'epoque et elle est restee bien gravee en memoire de beaucoup de gens. Il est possible que l'on en recolte les fruits aujourd'hui.

    RépondreSupprimer
  3. "pour services" , bien entendu. Excusez-moi.

    RépondreSupprimer
  4. Je ne connaissais pas cette histoire. Elle cadre bien avec ce que je soupçonne.

    Le President Kaczynski aurait donc préparé sa propre mort. Une sorte de justice immanente.

    Toute pression sur le pilote est déconseillée d'un point de vue la scurité. Maintenant, on peut, pour certaines raisons impérieuses, accepter de dégrader la sécurité.

    Mais arriver à l'heure à une cérémonie justifie-t-il de prendre un risque mortel ?

    RépondreSupprimer
  5. Il n'est peut etre pas encore temps d'accuser Kaczynski. Attendons, d'abord la fin du deuil, ensuite les resultats de l'enquete. Pour le moment, tout n'est que supposition. Et puis : "De mortibus, nil nisi bene", du moins en temps de deuil.

    C'est peut-etre difficile a croire, mais meme ceux qui le combattaient ressentent beaucoup de chagrin en ce moment. Des analyses plus distancees viendront plus tard. Pour le moment, on peut dire que par sa mort il a eu le merite d'unir (temporairement, helas) une nation tres partagee. A vrai dire, meme pour un vieux cynique comme moi, c'est assez emouvant.

    RépondreSupprimer
  6. Il est tout à fait possible qu'un connard de porte-serviette, un Claudius Gueantski, ait poussé au crime.

    RépondreSupprimer
  7. je lis pour la première fois une confirmation de ce que je soupçonnais dans mon coin.

    Comme quoi cette Lime, finalement...

    RépondreSupprimer
  8. Des pilotes de l'armée de l'air m'ont confirmé que la règle était deux tentatives, voire trois si la deuxième avait apporté une information permettant de mieux s'y prendre, mais jamais quatre.

    Ils m'ont aussi cité des cas où des officiels ont joué les pousse-au-crime.

    Par ailleurs, François Fillon fait quasi tous les WE le trajet Paris-Angers en Falcon (le TGV , c'est pour les manants. On remarquera que le soi-disant souci d'économies du premier ministre ne va pas jusqu'à concerner son auguste personne). Je me suis laissé dire qu'il y avait une sorte de compétition de vitesse sur ce trajet entre les pilotes et qu'ils n'hésitaient guère à enfreindre les règles de l'air pour gagner quelques minutes.

    Enfin, plus généralement, sur le rôle de mauvais génies des conseillers et des porte-serviettes, P. de Saint-Robert dans un vieux livre, Le secret des jours, constate qu'un trait commun de nos politiciens (à part De Gaulle et Pompidou) est une grande paresse intellectuelle : ils lisent les discours (1) et les notes de synthèse écrits par d'autres, les occasions qu'il se donnent de réfléchir sont rarissimes.

    ***********
    A propos d'Alain Juppé, qui écrivait les discours de Chirac : «On prenait, à tort, cette mécanique intellectuelle bien huilée pour de l'intelligence.»

    C'est cruel mais très juste.

    RépondreSupprimer
  9. Bien sûr, la paresse intellectuelle s'applique encore plus à nos politiciens contemporains.

    RépondreSupprimer
  10. Quelques nouvelles :
    Le pilote «géorgien» a bien sûr été interviewé et il a exclu une pression directe car «les pilotes suivent un entraînemet qui les apprend notamment à résister à ce type de pressions». Selon un des spécialistes qui ont étudié les enrégistrements des «boites noires», à cause du manque du système ILS à Smolensk, le pilote , après avoir effectué 3 tours de reconnaissance, voulant descendre en-dessous du brouillard, est descendu trop bas (à env. 20 m d’altitude) à 1500 m de l’aéroport et touché l’antenne de la station radar qui s’y trouvait. Ensuite, il a essayé de remonter, en accélerant, mais c’est là qu’il a commis l’erreur fatale : au lieu de poursuivre tout droit (ce qui lui aurait permis de gagner de la hauteur et partir vers un autre aéroport), il a légèrement viré de bord, ce qui incliné l’appareil, suite à quoi une aile a touché la cime des arbres . A partir de ce moment il n’y avait plus aucune chance de redresser et l’avion a commencé à raser les arbres pour s’écraser finalement à 200 m de la piste. Il parait qu’il aurait suffit de 10-15 d’altitude de plus pour que tout se soit passé relativement bien.
    A part ça, l’opérateur de la tour de contrôle confesse avoir de serieux remords de ne pas avoir tout bonnement fermé l’aéroport pour des raisons météo, ce qui aurait obligé le Toupolev à changer de cap. Sans ça, il ne pouvait que faire des sugestions. Mais bon, si on savait...

    RépondreSupprimer
  11. Selon la meme source, les autorités russes ne voulaient pas fermer l’aéroport , car elles craignaient, connaissant la susceptibilité de Kaczyński et de son entourage, un scandale diplomatique.
    Le résultat, c’est que nous sommes maintenant, suite à l’attitude exemplaire des autités et la population russes, peut être en passe d’une nette amélioration des relations entre la Pologne et la Russie, les deux pays étant visiblement fatigués par ces longues années de querelles assez futiles. Triste ironie du sort, c’est de cette manière que Kaczyński y aurait contribué ...

    RépondreSupprimer
  12. «autorités», of course, pas «autités». Maudit clavier de m...

    RépondreSupprimer
  13. Infos très intéressantes, qui changent la perspective de mon message.

    RépondreSupprimer
  14. en tout cas d apres ce que jai appris des enregistrement des boites noires,il se pourrait qu une voix inconnu ait declare a 8 min avant le crash;je cite "ca sera macabre" ce qui me fait supposer qu ils savaient d or et deja qu une tentative leur serait fatale.NEAMMOINS ils l ont fait et ca payé cash;ils ont perdu leurs vie

    RépondreSupprimer