mardi, septembre 01, 2015

Failure is not an option (G. Kranz)

Gene Kranz était un des « flight controllers » des missions Apollo, petit nom : FLIGHT. Tous les contrôleurs de segment avaient des petits noms en fonction de leurs responsabilités : RETRO, le responsable de la ré-entrée, FIDO, le responsable des trajectoires (flight dynamics officer), etc.

Les contrôleurs faisaient tous la mécanique de leurs bagnoles eux-mêmes : ce n'est pas si anecdotique que cela paraît, cela signifie qu'ils mettaient les mains dans le cambouis, dans tous les sens de l'expression.

Entre le décollage de la fusée et la récupération des astronautes, FLIGHT était le seul maitre à bord après Dieu, sa fiche de poste était claire, pas de compte à rendre durant les missions, ni au patron de la NASA, ni même au président des Etats-Unis : anecdote célèbre, FLIGHT a raccroché au nez de Kennedy venu aux nouvelles à un moment un peu chaud sur Mercury.

Pour vous remettre les choses en perspective : à chaque mission Mercury, c’est-à-dire tous les six mois, les performances (temps de mission, complexité de la mission) et les effectifs de la NASA doublaient.

Le principe de test d’Apollo : 1er tir de qualif = 1er tir opérationnel. C’est risqué, mais ça permet d’avancer vite et de découvrir tous les problèmes d’un coup. Le principe général de la NASA à l’époque : on met le paquet, pleine responsabilité, minimum d’interférence politique, ton patron te couvre, si ça foire le placard, si ça marche la promo : la moyenne d’âge du « flight control » était de 27 ans … comme Dassault à l’époque.

Kranz était FLIGHT sur les vols impairs, dont Apollo 11 et Apollo 13. C’est lui qui a pris la décision cruciale pour sauver l’équipage d’Apollo 13 de ne pas tenter un retour direct mais de faire le tour de la Lune, pour laisser le temps de préparer le sauvetage, au risque que l’équipage meurt de manque d’eau et d’oxygène.

Voici le discours de Kranz à ses équipes au lendemain de la mort de Grissom, White et Chaffee dans l’incendie de leur capsule Apollo 1, au sol, lors d’un essai supposé sans risques (Kranz avait 34 ans. Aujourd’hui, à 82 ans, il est mécano navigant dans un B17 entretenu en état de vol par une association).

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Spaceflight will never tolerate carelessness, incapacity, and neglect. Somewhere, somehow, we screwed up. It could have been in design, build, or test. Whatever it was, we should have caught it.

We were too gung ho about the schedule and we locked out all of the problems we saw each day in our work. Every element of the program was in trouble and so were we. The simulators were not working, Mission Control was behind in virtually every area, and the flight and test procedures changed daily. Nothing we did had any shelf life. Not one of us stood up and said, "Dammit, stop!" I don't know what Thompson's committee will find as the cause, but I know what I find. We are the cause! We were not ready! We did not do our job. We were rolling the dice, hoping that things would come together by launch day, when in our hearts we knew it would take a miracle. We were pushing the schedule and betting that the Cape would slip before we did.

From this day forward, Flight Control will be known by two words: "Tough and Competent." Tough means we are forever accountable for what we do or what we fail to do. We will never again compromise our responsibilities. Every time we walk into Mission Control we will know what we stand for.

Competent means we will never take anything for granted. We will never be found short in our knowledge and in our skills. Mission Control will be perfect.

When you leave this meeting today you will go to your office and the first thing you will do there is to write "Tough and Competent" on your blackboards. It will never be erased. Each day when you enter the room these words will remind you of the price paid by Grissom, White, and Chaffee. These words are the price of admission to the ranks of Mission Control.
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« Ca envoie du steak » (comme dit un mien collègue), n’est-ce pas ?

La différence avec aujourd’hui ? L’ambition collective. Pas l’ambition dans les discours qui ronronnent pour masquer la médiocrité générale acceptée. La vraie ambition, celle qui résulte d’un but commun bien identifié et presque inaccessible.

Et c’est par rapport à ce but commun que les actions sont orientées, les gens jugés et sélectionnés. C’est l’obligation de résultat.

Quand on n’a plus de but commun, on obtient ce qu’on a aujourd’hui dans (presque) toutes les grosses structures, publiques ou privées : les pousse-paperasses, les petits arrangeurs, les politicards de fin fond d’organigramme, les magouilleurs, les réseauteurs, les lèche-bottes. « J’ai échoué mais en respectant les procédures, on ne peut rien me reprocher ». C’est l’obligation de moyens.

Avec une telle mentalité, on est encore capable d’améliorations incrémentales, à des coûts exorbitants, mais pas de vraies innovations.

Mais la seule chose qui force les gens à une obligation de résultats (c'est pénible, une obligation de résultat) et non de moyens, c’est un but élevé, un défi. De but élevé aujourd’hui, il n’y en a pas plus dans nos sociétés que de baobabs sur la Lune.

On entend Kranz (FLIGHT)régulièrement :

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