jeudi, juillet 19, 2018

L'inévitable défaite allemande : mars-juillet 1918 (S. Ferreira)

Après l'évitable défaite française, l'inévitable défaite allemande.

J'écris souvent que les Allemands sont excellents en tactique et nullissimes en stratégie (1).

J'ai bien entendu raison (modeste, le gars) mais je ne me rendais pas compte à quel point.

Ludendorff, le commandant suprême de l'armée allemande, commence sa série d'offensives du printemps 1918 en France sans objectifs stratégiques. Ses subordonnés lui demandent plusieurs fois le critère pour juger du succès de ces offensives, pas de réponse.

Ludendorff perce suivant la logique de l'ivrogne qui cherche ses clés sous le lampadaire parce que c'est là qu'il y a de la la lumière : il perce là où c'est possible et non pas là où c'est utile.

Il y a vaguement l'idée de séparer les Anglais des Français (Hitler y parviendra en 1940), mais sans traduction concrète, sans réfléchir aux moyens d'y parvenir.

Bien sûr, les Allemands percent et remportent de grands succès tactiques, mais sans lendemain stratégique. Il y a beaucoup de morts de part et d'autre. L'armée allemande est épuisée et s'effondre. Fin de la meurtrière mascarade.

Les Allemands étaient soumis à leur obsession de la bataille décisive, alors que les Russes étaient déjà en train de poser les prémisses de l'art opératif, qui part du principe qu'entre deux belligérants modernes, il ne peut y avoir de bataille décisive, parce que les ressources modernes permettent toujours de faire une bataille de plus (2).

Il faut dire que Ludendorff n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il est l'origine de la plus grosse faute stratégique de la guerre, l'énorme bourde teutonne, la guerre sous-marine à outrance, qui fit entrer les Etats-Unis dans le conflit (alors que Wilson était un très ferme partisan de la neutralité jusque là). Bien analysée par un officier prometteur, Charles De Gaulle, dans La discorde chez l'ennemi.

Et pour enfoncer le clou, Ludendorff a écrit dans ses mémoires, donc après coup, avec le recul, que « la tactique doit prévaloir sur la stratégie pure ». Ce qui lui a attiré les sarcasmes d'un historien allemand : « Son niveau intellectuel n'a jamais dépassé celui d'un colonel de régiment d'infanterie ».

Et puis, une remarque. Vous connaissez ma méfiance pour les premiers de la classe, que je soupçonne d'être conformistes et de rester scotchés aux vielles leçons qui leur ont valu leurs succès scolaires. Ludendorff était un de ces premiers de la classe, toujours bien classé aux concours qu'il a passés.

J'admire les Anglais pour leur capacité à cultiver l'excentricité, à lui faire une place. Cela explique sans doute qu'en stratégie, ils sont autrement plus doués que les Allemands.

***************
(1) : ce que le délitement de l'UE sous direction allemande prouve une fois de plus.

(2) : possibilité qui n'a pas été saisie par les Français en 1940 mais qui existait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire