vendredi, février 21, 2020

Les anonymes de la Résistance en France : 1940-1942 Motivations et engagements de la première heure (L. Yagil)

L'édition de ce livre est lamentable, il pullule de fautes grossières qui témoignent d'une absence de relecture. C'est dommage car le contenu vaut le détour.

Les premiers engagés dans la Résistance, les Rémy, Fourcaud, Loustanau-Lacau (dont le nom a  été refusé à une promotion de Saint-Cyr ! Ô bêtise ! Triste époque que la nôtre), m'ont toujours intéressé.

Car ils sont fils de la petite fille Espérance de Péguy. A part quelques extra-lucides, comme De Gaulle (et encore), peu font un calcul rationnel.

La réaction tient du « Ah ! C'est trop bête ! Perdre comme ça ... La partie ne peut pas s'arrêter là. Ca doit continuer » de De Gaulle.

L'auteur essaie de répertorier les actes de résistance individuels, ceux qui ne demandent aucune organisation, couper les poteaux téléphoniques (1), détourner les panneaux routiers, semer des clous sur la route, imprimer et distribuer des tracts. Actes qui peuvent tout de même coûter la peine de mort.

Une Résistance précoce

Un des premiers actes répertoriés date du 20 juin 1940 : Etienne Achavanne, 48 ans, coupe les câbles téléphoniques entre la kommandantur de Rouen et la base aérienne de Boos, facilitant ainsi un bombardement anglais. Il est arrêté et fusillé.

Le directeur de l'usine Schneider du Creusot organise lui-même les sabotages (évidemment, on n'est jamais mieux servi que par soi-même !). Les ouvriers de Montbéliard passent leur matériel en Suisse, pour être incapables de travailler.

Les premiers chapitres tracent le portrait d'une France du « non-consentement », cette France en-dessous du radar de la Résistance armée.

On est loin des « 40 millions de pétainistes » d'Henri Amouroux, qui, comme a dit une méchante langue, voulait se sentir moins seul (si son engagement dans la Résistance est pour le moins douteux, son comportement, dans la poche de Royan, par la suite fut courageux). Et loin également des élucubration paxtoniennes, qui ont un prisme officiel et prennent pour argent comptant ce que les vichystes disent d'eux-mêmes.

Je ne suis pas étonné de ce portrait d'une France qui refuse l'Occupation dès 1940.

En effet, si une petite minorité seulement passe à l'action, tous savent assez rapidement que l'hypothèse fondamentale du gouvernement Pétain « l'Angleterre aura le cou tordu comme un poulet » a du plomb dans l'aile.

Le premier acte de résistance qui entre dans la grande histoire est la manifestation étudiante du 11 novembre 1940.

Des militaires cons comme des balais

Les vichysso-résistants furent également précoces, même si leur position politique est stupide.

Mais la Résistance dans l'armée était dérisoire par principe : ce n'est pas quand on a chié dans son froc qu'il faut serrer les fesses, ce n'est pas quand on perdu la guerre qu'il faut commencer à avoir de l'imagination et de la combativité.

Le haut commandement français, Gamelin, Weygand, Georges, Huntziger, est peuplé d'imbéciles : on peut véritablement dire qu'ils sont bêtes à manger du foin, ils sont mauvais comme des cochons (2). Weygand s'aperçoit en septembre 1940 que la guerre va continuer, mais, mon coco, c'était en juin qu'il fallait t'en apercevoir. C'est toute la différence d'intelligence avec De Gaulle (plus je connais Weygand, plus je comprends le mépris dans lequel le tenait De Gaulle).

Jean Monnet, qui conseillait le général Giraud, se désespérait de la bêtise de son protégé.

Et Darlan, le pire de tous ? Comme dit Churchill, il passait avec sa flotte du coté anglais en juin, il devenait le sauveur de la France et de l'Europe, De Gaulle en plus grand. Au lieu de ce destin grandiose, il fait encore plus carpette devant les Boches que Laval. Quand on est minable ...

Avec des branques pareils, c'est compréhensible que nous ayons perdu la guerre en 40.

Le truc le plus intelligent que pouvait faire un militaire de l'époque, c'était de rejoindre la France Libre et ils ne se sont pas bousculés au portillon.

Filons les filières

Plus longue est la mise en place de réseaux d'évasion d'aviateurs abattus : c'est la mission la plus complexe dans la clandestinité (3). Il faut nourrir, habiller, loger, transporter des gens qui ne parlent pas français. C'est le film La grande vadrouille mais en plus difficile et en vrai, avec la peine de mort et la déportation au bout du chemin.

Le réseau Comète comprenait 3 000 membres et a fait évader 800 personnes. On estime qu'un quart des aviateurs alliés abattus arrivés vivants au sol ont pu regagner l'Angleterre (le plus célèbre d'entre eux est Chuck Yaeger, le premier homme à passer le mur du son, qui a gardé des liens avec les familles françaises qui l'ont recueilli), c'est une performance loin d'être négligeable, qui suppose de nombreuses complicités actives et passives, un halo protecteur. Ca rend absurde la thèse des Français tous salauds (la photo, c'est Marie-Madeleine Fourcade).

Mon a curé a du réseau

Autant les évêques sont plutôt maréchalistes (il paraît que l'Enfer est pavé de crânes d'évêques), autant le bas clergé et les congrégations sont Résistants. La Trappe des Dombes cache 280 tonnes de matériel : armes, essence, camions et même un char ! On a aussi des curés et des révérends pères chefs de maquis ou de groupes de combat (ce n'est pas les couilles molles Bisounours de Vatican 2).

Je suis surpris de cette omniprésence des religieux au niveau de base de la Résistance, je ne l'avais pas mesurée. On note également pas mal de châtelains : il faut de la place pour héberger les fugitifs.

On glisse souvent du caritatif à la lutte armée : on commence par recueillir des évadés, puis on cache des armes et on finit par faire le coup de feu.

La mémoire ne s'en est pas totalement perdue : dans Papy fait de la Résistance, le curé joué par Michel Blanc réceptionne des parachutages !

Les maquis

Mais n'oublions pas (ce n'est pas le sujet du livre) non plus la grande flambée patriotique de l'été 44.

On a beaucoup moqué les RMS, les Résistants du Mois de Septembre, mais ceux qui sont morts en juin, juillet août, ne se sont pas relevés. Les dizaines de milliers d'hommes (on chiffre autour de 50 000) qui sont partis au maquis exprimaient le cri de libération d'un peuple sevré d'humiliations et de privations.

Quel est l'effet militaire de la Résistance ?

S'agissant de la résistance armée, il est quasiment nul : dix mitraillettes Sten en face d'une mitrailleuse MG42, c'est la mitrailleuse qui gagne.  Et les troupes employées à mater les maquis étant de second ordre, elles n'ont pas manqué sur le front de Normandie. Eisenhower a eu la gentillesse de dire qu'il représentait 15 divisions, c'est de la blague pour faire plaisir à un pays allié.

Et puis, il y a le fait que beaucoup d'officiers de carrière se retrouvent à commander des maquis et veulent venger la défaite de 1940 par de jolies batailles rangées pas du tout adaptées à ce genre de troupes. Gilbert Joseph a écrit un livre décapant sur le maquis du Vercors.

En revanche, toute la partie renseignements a eu un poids très fort en donnant aux Alliés de l'assurance dans leurs choix.

La partie sabotage du transport, qu'il est difficile d'isoler de la campagne de bombardement alliée, a eu probablement une certaine efficacité.

Nous sommes passés du mythe résistantialiste, « tous Résistants », au mythe collaborationniste « tous collabos », encore plus faux, et beaucoup plus nocif.

Mitterrand, qui savait de quoi il parlait, disait que ceux qui propagent ce mythe collaborationniste n'aiment pas la France.

Et il n'y a pas que de douteux métèques, ces nouveaux arrivants qui passent leur temps à nous donner des leçons de France, à propager ce mythe destructeur, il y a de purs Français de souche, dont certains présidents de la république.

En fait, comme je l'expliquais dans la recension du livre de PF Paoli, il s'agit pour les vrais coupables de collaboration, notamment les intellectuels et les artistes, de faire un amalgame de manière à ce que, la faute retombant sur tout le peuple français, elle ne retombe plus sur personne en particulier. Quand tout le monde est coupable, plus personne ne l'est.

Alors, rétablissons la vérité : il y eut des Résistants précoces, plus qu'on ne le dit, et des Résistants tardifs, mais authentiques (l'espérance de vie d'un Résistant fin 1943 était de 6 mois), très nombreux.

D'ailleurs, il faut bien mal connaître les Français pour soutenir les thèses repentantes. Hélas, c'est le cas : nos élites urbaines connaissent fort mal les Français (l'entourage de Sarkozy comprenait quelques descendants de collabos issus de la bourgeoisie parisienne). Quiconque a de la famille a la campagne a des connaissances qui ont aidé des évadés ou des maquisards.

Je connais quelqu'un dont le père, qui organisait les comités de réception de parachutages, a enterré quelques caisses de grenades et de Stens en Sologne en se disant que ça pouvait toujours servir. Malheureusement, la mémoire de l'emplacement a été perdue. C'est dommage, ça peut effectivement toujours servir.

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(1) : ça m'a fait penser aux Gilets Jaunes avec les radars !

(2) : les Anglais (surtout) et les Américains ont eu le même problème de mauvaise qualité des généraux. Une des hantises d'Hitler était de faire la guerre avant que les Allemands basculent dans ce qu'on n'appelait pas encore la société de consommation et se désintéressent de l'armée. Probablement que ce processus était plus entamé dans d'autres pays.

(3) : la Belge Andrée de Jongh monte à seulement 25 ans le réseau d'évasion Comète (elle sera la seule femme chef de réseau avec Marie-Madeleine Fourcade). Elle est infirmière au Congo dans les années 60, la RAF apprend que sa mère est malade en Belgique, elle met aussitôt un avion à sa disposition pour qu'elle puisse aller la visiter. Les Anglais ne sont pas toujours ingrats.

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