C'est un lieu commun fort répandu. Je ne sais pas combien de Français y croient, mais la totalité des journalistes et pas mal d'enseignants, c'est sûr.
Or, c'est totalement faux. Depuis l'antiquité grecque, l'Occident sait que la Terre est ronde.
Les auteurs analysent l'histoire de cette idée fausse.
Une époque bénie
Le moyen-âge (même si ce concept historique est trompeur, tout le monde comprend) est une époque d'extraordinaire énergie intellectuelle et spirituelle.
Sa richesse donne le tournis : Saint Louis, Saint Bernard, Saint Thomas d'Aquin, les cathédrales, les vitraux, la botanique, la philosophie ...
Certains (Rémi Brague, par exemple) pensent que la modernité est l'épuisement de toute cette énergie qui a été accumulée pendant les cinq siècles du moyen-âge (l'an mille, 1492, pour faire simple).
Au Moyen-Age, on savait (car le savoir antique n'était pas complètement perdu et nous n'avons pas eu besoin pour le transmettre des arabes, mais des byzantins (1)) que la Terre était ronde, on connaissait sa circonférence à 10 % près (résultat de la remarquable expérience d'Eratosthène) et on avait même une idée (assez théorique) du climat en cinq bandes (deux bandes polaires, deux bandes tempérées et une bande équatoriale).
Le savoir en grec était perdu mais une partie du savoir grec était passée par le latin et l'autre par Byzance. On n'avait perdu que la partie la plus pointue : on savait que la Terre était ronde, on avait une idée de sa circonférence mais l'expérience d'Eratosthène était perdue.
Les auteurs dressent une liste intéressante de livres de référence au Moyen-Age.
Au passage, ça met à bas le mythe du religieux médiéval obscurantiste, puisque tout ce savoir ne pouvait se transmettre sans les encouragements de l'Eglise. En fait, le Moyen-Age était par bien des aspects plus éclairé que la Renaissance.
Umberto Eco a fait beaucoup de mal, à notre époque, avec ses conneries anti-cléricales. Les religieux ressemblaient plus à Guillaume de Baskerville qu'au méchant Jorge (même si j'admets que Jorge est un bon prénom de méchant, n'est-ce pas ?). Eco est impardonnable, puisqu'il ne peut pas être taxé d'inculture.
A la décharge d'Eco, le film d'Annaud est beaucoup plus caricatural que le livre (avec ses longs passages en latin. Comment un machin pareil a-t-il pu être vendu, lu ?, à vingt millions d'exemplaires ?).
L'idéologie de la table rase
Bien entendu, cette légende noire de « au Moyen-Age, on croyait que la Terre était plate » vient, comme d'habitude, de ces enculés des pseudo-Lumières, pour qui rien de bien ne devait avoir existé avant eux et « l'infâme » (l'Eglise) était coupable de tous les maux.
Tous ces gens reprenaient quelques phrases idiotes de Lactance niant l'existence des antipodes au prétexte que les hommes y marcheraient sur la tête. C'était ignorer (volontairement ou non) que Lactance ne faisait pas autorité au Moyen-Age.
On retrouve bien évidemment cet enfoiré de Voltaire à la manœuvre. C'est extraordinaire : dès qu'il y a une saloperie à faire, un mauvais coup, il répond présent. C'est un des personnages les plus vils de l'histoire de France.
Mais le mythe « Au Moyen-Age, on croyait que la Terre était plate » a pris seulement au XIXème siècle, avec les conneries positivistes. Pour justifier ce culte scientiste, il était nécessaire que la flèche du progrès fût monotone, passant progressivement de l'obscurité à la lumière.
Ainsi, l'époque qui se voulait éclairée et méprisait ses prédécesseurs a propagé un nombre de bobards record (le droit de cuissage en est un autre exemple).
L'affaire Galilée s'en mêle et, hop !, « consensus »
A la fin du XIXème siècle, la vulgarisation fait une joyeuse salade, entre « ils croyaient que la Terre était plate », l'affaire Galilée (qui n'a rien à voir avec la rotondité de la Terre. C''est l'héliocentrisme, est-ce que la Terre tourne autour du Soleil ?) et « C'est Christophe Colomb qui a prouvé que la Terre était ronde ».
En particulier, les Etats-Unis deviennent un champ de bataille entre les protestants qui font de Colomb un militant anti-catholique et les catholiques qui en font un quasi-saint. Plus rien à voir avec l'histoire.
L'idée reçue s'installe, elle va de soi, plus personne ne l'interroge. Elle « fait consensus ». Parce que (classification de Pareto), elle est fausse mais utile (utile pour renier le Père, pour renier l'Eglise, pour renier le trop lourd devoir d'être des héritiers spirituels).
Pourtant, comme pour d'autres consensus trompeurs (suivez mon regard), il n'y a pas besoin d'être un érudit pointu pour soupçonner qu'il y a un loup. Il suffit de savoir que le Moyen-Age n'est pas obscurantiste, ce qui n'est tout de même pas la mer à boire, ce n'est pas un exploit universitaire d'avoir entendu parler de Saint Thomas d'Aquin ou de Guillaume d'Ockham.
La légende noire de la scolastique
Rabelais et Montaigne sont à un sommet de mauvaise foi lorsqu'ils critiquent la scolastique en la caricaturant.
Cela me rappelle Jacques Martin et Olivier de Kersauson aux Grosses Têtes se moquant des jésuites qui les avaient instruits, pour finir par reconnaître qu'ils leur devaient leur culture.
La stupidité des ingrats.
Dommage que la modernité ait pris ces évaluations malhonnêtes pour argent comptant.
Et puis, pendant qu'on y est, au Moyen-Age, on ne brulait pas de sorcières à tire-larigot, c'est venu à la Renaissance (Jeanne d'Arc est à la charnière). Et la dissection à des fins scientifiques n'était pas interdite. Et on savait que la Terre était ronde.
Je me permets de vous renvoyer à la liste Wikipedia des inventions médiévales.
Enfin, les auteurs ne sont pas sans humour, ce qui est rarissime chez les universitaires.
Bref, cet opuscule est plaisant et, à notre époque qui s'appelle Mensonge, un tout chti bout de vérité, cela fait du bien.
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(1) : évidemment, la scandaleuse censure universitaire d'Aristote au Mont Saint Michel et de son auteur ne reprochait pas à Sylvain Gouguenheim d'avoir tort mais d'avoir raison. Déjà en 2009, il n'y avait plus rien à tirer de l'université française, juste à y mettre le feu et à danser sur les cendres. Ceux qui font mine aujourd'hui de découvrir la vérole gauchiste à l'université sont des clowns.
... qui les avaient instruitS... (foutue règle du COD placé avant...)
RépondreSupprimerCorrigé.
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