Le nationalisme, c'est la guerre... ou pas : pourquoi nous devrions sérieusement réviser notre histoire avant de jeter la Nation avec l'eau du bain (pseudo?) fasciste
29/04/2017 - 11:02
Ce vendredi, François Hollande a déclaré qu'il fallait "chasser les mauvais vents du nationalisme". Une posture qui entre en résonance avec les propos d'Emmanuel Macron qui avait lancé lors d'un débat que "le nationalisme, c'est la guerre". Pourtant, au regard de l'Histoire, associer le nationalisme à la guerre semble profondément réducteur.
Atlantico : La charge de François Hollande contre la montée du nationalisme résonne avec celle d'Emmanuel Macron qui avait déclaré rassembler les patriotes contre le danger nationalisme il y a quelques jours ? Mais en terme de danger, le nationalisme n'est-il pas moins à redouter que l'impérialisme ?
Vincent Tournier : "Le nationalisme, c’est la guerre", ne cesse de répéter François Hollande, maintenant suivi par Emmanuel Macron. Cette convergence dans la condamnation du nationalisme n’est pas surprenante en ces temps d’intégration européenne et de montée du FN. Mais elle est malgré tout inquiétante tant elle témoigne d’une vision simpliste de l’histoire. Associer le nationalisme à la guerre est terriblement réducteur, et même totalement faux. La guerre est un phénomène ancien, sans doute éternel dans l’histoire humaine, alors que le nationalisme est très moderne puisqu’il émerge avec les Lumières et la Révolution française. Le terme même de « nationalisme » date de 1798. A cette époque, les guerres sont d’ailleurs surtout attribuées à l’ambition des Princes et aux intérêts des castes dirigeantes, alors que les peuples sont vus comme sages et pacifiques. Aujourd’hui, le raisonnement a basculé : les élites sont vues comme une source de paix alors que les peuples sont considérés comme un problème. C’est un signe supplémentaire de la crise que connaît l’idée démocratique dans l’Europe contemporaine.
Mais réduire la guerre au nationalisme revient à ignorer que les guerres ont des causes multiples, variables selon les époques. Ces causes mêlent le pouvoir, l’économie, les intérêts, la religion. Le nationalisme n’est pas en lui-même un facteur de guerre : la Suisse ou la Finlande, pourtant très nationalistes, ne menacent personne. En fait, le nationalisme ne devient un facteur de guerre que lorsqu’il s’est accompagné d’une logique impérialiste d’expansion territoriale ou, surtout, sur une volonté de regroupement des minorités nationales éparpillées, comme ce fut le cas pour la guerre de 1914, laquelle avait davantage à voir avec l’impérialisme allemand qu’avec le nationalisme français.
Et puis, tout de même : comment peut-on sérieusement soutenir que le nationalisme c’est la guerre, alors que la France est aujourd’hui menacée par un phénomène (l’islamisme) qui se caractérise justement par la négation des nations au nom d’un projet d’unification universelle autour d’une communauté religieuse ?
Face aux dangers de la mondialisation, qui est souvent décrite comme une forme d'impérialisme, une certaine conception du nationalisme (ou du patriotisme, faut-il nécessairement opposer ces deux termes ?) n'est-elle pas un rempart nécessaire ?
Vincent Tournier : Dans ses discours, Emmanuel Macron désigne explicitement ses adversaires : ce sont les « nationalistes », terme qu’il oppose aux « patriotes ».Cette distinction est factice car purement rhétorique. Mais le plus inquiétant est surtout ce recours à des étiquettes stigmatisantes. Déjà, lorsqu’on commence à désigner une partie de la population par une étiquette infâmante, cela signifie que les clivages sont en passe de franchir un cap, qu’ils prennent une tournure radicale. Il faut d’ailleurs s’attendre à ce qu’il y ait des réactions car, lorsqu’on commence à désigner un adversaire par une étiquette, l’étiquette en question finit par être brandie comme un étendard. Ceux qui sont visés par Emmanuel Macron vont certainement lui répondre : vous nous accusez d’être des nationalistes, eh bien soit, nous sommes des nationalistes, et nous en sommes fiers. Il est aussi très probable que les « nationalistes » retournent le compliment à Macron en lui attribuant à leur tour une étiquette. Laquelle vont-ils choisir : les cosmopolites ? Les mondialistes ? Les fédéralistes ?
Cette évolution n’est pas bon signe. Elle signifie que les ruptures se cristallisent et deviennent irrémédiables. De plus, elle indique que le nationalisme fait l’objet d’un rejet en bloc, devient un gros mot. Les « nationalistes » remplacent les « fascistes » dans la détestation sociale. Le nationalisme, voilà l’ennemi. Or, le nationalisme n’a pas du tout les mêmes caractéristiques que le fasciste, notamment dans son rapport à la démocratie. Faire du nationalisme le mal absolu, c’est justement oublier que celui-ci a été la condition d’émergence de la démocratie moderne. La démocratie ne peut en effet exister sans un demos, sans un peuple qui partage une langue, des valeurs, une volonté commune. Aujourd’hui, certains pensent qu’il est possible de créer une démocratie post-nationale. Or, c’est un pari pour le moins audacieux car rien dans l’histoire ne permet de justifier cette thèse. Les philosophes des Lumières en étaient même arrivés à la conclusion inverse, à savoir que les empires plurinationaux ne sont pas compatibles avec la démocratie car la coexistence de plusieurs peuples nécessite d’avoir un pouvoir central autoritaire. Le « Printemps des peuples » a précisément marqué la volonté d’émancipation des nations contre la prison impériale.
Faire du mot nationalisme le point de polarisation des clivages fait donc courir un risque majeur : celui de renier tout un pan de notre héritage démocratique. En somme, en voulant se débarrasser de ce qu’on tient pour la source de tous nos maux, on risque de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Quelles pourraient-être les composantes d'un État-Nation "pertinent" à l'heure actuelle ? Dans quelle mesure nos institutions nationales et européennes rendent-elles imaginable ou non son émergence ?
Gilles Lipovetsky : L'État-Nation pertinent existe par lui-même. Il se confond purement et simplement avec l'idéal démocratique : il ne peut pas exister de démocratie sans demos, sans peuple. La légitimité de l'État-Nation c'est la démocratie : c'est le peuple qui se donne à lui-même ses propres lois. La démocratie libérale fonde donc l'État-Nation, elle est en est à la fois le principe fondateur et légitimant. Dès lors que le peuple est appelé à voter, qu'il y a des lois et un État de droit, l'idée nationalitaire est fondée : c'est le peuple lui-même qui se pose souverain. La loi ne doit pas lui venir de l'extérieur, mais bien de lui-même.
Or, dans l'idée européenne, un relatif abandon de souveraineté est nécessaire, sinon primordial. En effet, sans cet abandon, tout le projet de construction européenne ne constitue plus qu'une collection de pactes entre des nations souveraines. L'Idéal européen est basé sur un modèle d'intégration de ces nations souveraines… Et c'est là tout le problème que rencontre l'Europe. Il est possible de considérer, sans aller jusqu'au fédéralisme, que l'idéal européen n'est pas possible parce que notre continent est fait de nations aux cultures et aux histoires trop fortes. L'identité européenne n'existe pas à ce jour – là où on peut en revanche parler d'identité américaine, mais la jeunesse du pays a un véritable impact sur ce point. En Europe, il existe une sensibilité des peuples, mais il est clair que ce qu'il se passe en Espagne n'est pas ce qui se déroule en Pologne et n'affectera pas les gens de la même façon. On ne vibre pas devant le drapeau européen. La sensibilité des peuples n'a pas intégré la sensibilité européenne : les peuples demeurent les peuples avant de ne former qu'un seul peuple européen. On trouve des Français, des Anglais, des Italiens, des Allemands, avant de trouver des Européens. C'est précisément ce qui remet en cause l'unité de l'Europe et c'est un échec de l'aventure européenne, laquelle remonte maintenant à un peu plus d'un demi-siècle (ce qui ne représente pas grand-chose à l'échelle de l'histoire, cependant). C'est ce qui explique au plus profond la situation actuelle : nous avons certes des valeurs communes, mais reste qu'on ne se sent pas européen. Nous sommes avant tout les citoyens d'une nation. Il n'y a pas d'identité commune et, qui plus est, l'Europe a été instrumentalisée par les citoyens. À partir du moment où ils y voyaient un avantage ou un intérêt. Dès lors qu'il n'apparaît plus, en l'absence de réelle sensibilité et affectibilité européenne, on ne peut que constater la sortie. C'est ce qu'il vient de se passer avec le Royaume-Uni, persuadé qu'il se débrouillera mieux seul.
Vincent Tournier : C’est toute la question de la répartition des compétences entre le niveau européen et le niveau national. Le problème est que cette question n’a jamais été clairement tranchée, mais connaît des évolutions au fil des traités et de la jurisprudence. D’où le flou qui entoure aujourd’hui le rôle des institutions européennes, seuls les spécialistes pouvant dire qui fait quoi. Cette question des compétences mériterait d’être reprise de fond en comble, mais peut-on espérer déboucher sur quelque chose de clair avec 27 Etats qui ont des histoires et des intérêts divergents ?
Par ailleurs, votre question soulève un autre débat beaucoup plus important, celui de la défense. Il faut reconnaître que les partisans de l’intégration européenne avancent un argument important : l’Europe peut-elle espérer avoir du poids dans le monde si elle reste désunie ? Quelle influence peut-elle avoir face aux nouveaux pôles émergents, dont certains manifestent une agressivité croissante ? On voit bien par exemple que la Russie et la Turquie s’activent fortement au Moyen-Orient où elles espèrent manifestement avancer leurs pions en Syrie ou en Libye. Faut-il les laisser faire leurs petites affaires en fermant les yeux ? Peut-on continuer à miser sur le rôle régulateur des Etats-Unis à un moment où ceux-ci semblent opérer un certain retrait ?
Le problème est que l’Union européenne a renoncé à cette dimension géopolitique, et il n’y a guère de raison pour que cela change à l’avenir. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas relancer le projet d’une Europe de la défense en repartant de zéro, c’est-à-dire avec quelques pays décidés à aller assez loin dans la coopération diplomatique et militaire, éventuellement en confiant le leadership à la France puisque celle-ci est la seule à avoir une armée digne de ce nom ? Pour l’heure, une telle option paraît très utopiste, mais il sera difficile d’échapper à ces débats dans les années à venir.
Quelles ont été les époques, dans l'Histoire du monde, où l'Etat-nation a pu jouer un rôle primordial et permis à un modèle de se maintenir, face à des menaces intérieures comme extérieures ?
Vincent Tournier : Il est difficile d’aborder cette question dans ces termes. Ce que l’on peut dire, c’est que les Etats-nations sont un produit de la modernité européenne. En cela, ils sont une réalité typiquement occidentale. Apparus au cours de la Renaissance, ils se distinguent des formes étatiques qui existaient auparavant, à savoir les cités et les empires. Aujourd’hui, les Etats-nations sont vus comme un archaïsme. Ils sont accusés de tous les maux, notamment celui de provoquer les guerres, comme si les cités et les empires étaient intrinsèquement pacifiques.
S’il ne s’agit évidemment pas d’idéaliser les Etats-nations, il ne s’agit pas non plus de les dénigrer. Car leur rôle a été essentiel pour façonner ce que nous sommes : ce sont eux qui ont constitué la matrice culturelle de notre civilisation en créant un cadre culturel et juridique original qui a rendu possible des processus majeurs, sans équivalents dans le reste du monde : la pacification des mœurs, le progrès des arts et des sciences, l’évolution des idées politiques autour des droits de l’homme, le développement économique et social.
Aujourd’hui, il faut évidemment adapter les Etats-nations à la nouvelle situation mondiale, mais encore faut-il prendre garde à ne pas trop déstabiliser un ordre institutionnel qui a fait ses preuves. On le voit notamment dans le cas de la démocratie. Une démocratie post-nationale est-elle possible ? Peut-on concevoir une authentique démocratie dans un ensemble pluri-national, pluri-ethnique et pluri-religieux ? Ceux qui répondent positivement à cette question vont sans doute un peu vite. Ils oublient que, depuis le siècle des Lumières, tous les grands auteurs ont soutenu que la démocratie est incompatible avec les empires.
Actuellement, les grands Etats hétérogènes comme l’Inde ou le Brésil sont bien en peine de s’imposer comme des références. La démocratie nécessite un certain contexte. Elle a besoin d’une unité culturelle. Peut-on par exemple organiser un débat démocratique dans un Etat plurilinguistique ? Peut-on s’accorder sur des règles de vie collective ou sur une définition de l’intérêt général s’il n’existe pas une vision partagée du monde ?
Gilles Lipovetsky : A partir de la Révolution française, l'idée nationale devient une idée capitale, puisqu'elle se confond avec l'idéal démocratique et incarne la lutte contre le despotisme ; contre les ennemis de l'intérieur, mais aussi contre ceux de l'extérieur comme cela peut être le cas des grands Empires. Gardons bien à l'esprit que la nation se construit en opposition profonde avec l'Empire, qui représente un ensemble dans lequel les peuples ne se retrouvent pas. À ce titre, l'idée nationale représente un élément parfaitement noble, dès la fin du XVIIIè siècle, pour tous les courants qui ont abouti à l'indépendance des peuples. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, c'est l'idée nationale. Sur cet aspect, c'est indéniablement un point de vue positif : ce n'est ni plus ni moins que le rejet du despotisme, de l'incorporation dans un ensemble dans lequel les peuples ne se reconnaissent pas. La décolonisation est l'une des formes de nationalisme dont personne ne conteste la légitimité. Le gaullisme représente également une forme de nationalisme légitime, comme ce fut aussi le cas des mouvements de résistance dans les pays occupés durant la Seconde Guerre Mondiale. Ces mouvements étaient motivés par la défense de la patrie et ce n'est pas contre ces principes-là que s'est faite la construction européenne. C'est en réaction aux deux guerres mondiales qu'elle a été amorcée, pour échapper à l'enfer qu'elles ont été. En aucun cas il ne s'agissait de lutter contre le nationalisme, qui n'a rien de détestable. N'oublions pas que les nations ne sont pas nécessairement ennemies les unes entre les autres. Il n'existe pas qu'une seule forme de nationalisme.
L'État-Nation, au travers du nationalisme, est aujourd'hui une notion toxique et difficile à revendiquer sans être relégué aux marges de l'échiquier politique. Quelles sont les confusions susceptibles de paralyser la réflexion sur ce sujet ?
Gilles Lipovetsky : C'est une question complexe. Il me semble que, depuis les années 1970 nous sommes entrés dans différentes phases. Après le premier choc pétrolier, l'une d'entre elles est née et est responsable de la prépondérance du pessimisme et de l'anxiété qui ont pris la relève des années précédentes. Face à cette panne de l'idée de progrès (due à l'explosion du chômage, à la mondialisation qui effraie par son instabilité), face à l'absence de grandes utopies, on se replie sur ce qu'il y a de plus proche. Il ne serait pas étonnant, cependant, que l'État-Nation ne constitue que le premier chaînon : à la suite du départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, on sait la volonté de l'Ecosse de demander son indépendance. Or, il m'apparaît important de rattacher ces mouvements centrifuges aux autres déchirures un peu partout. Un petit pays comme la Belgique est aujourd'hui tiraillé entre les Flamands et les Wallons. L'Espagne est scindée entre les Catalans, les Basques et les autres. Il faut bien voir que tout cela est lié à la perte des grands idéaux collectifs porteurs de progrès dans nos sociétés. Il n'y a plus d'utopies. L'Europe en était une, mais elle a fait fiasco : elle ne porte l'espoir que chez les élites, pas chez les peuples. Cette ferveur disparue, couplée au tiraillement induit par l'individualisation de nos sociétés, pousse les gens à ne plus voir que leur propre sort. Ils se reconnaissent dans la communauté la plus proche d'eux. Face à cela, il nous faut entendre le message : on ne peut plus vendre l'Europe comme la solution d'avenir : ce langage ne correspond simplement pas au vécu des gens, à leur quotidien. Il est urgent de trouver des solutions pour faire face à cette exigence. Les peuples ne se sentent pas emportés par un idéal dont ils ne voient les retombées. Ce n'est plus une époque qui vibre au nom des idéaux. Sans bénéfice, les gens n'acceptent plus ces choses-là. Par le passé, le nationalisme était sacrificiel, la nation correspondait à une valeur suprême telle que décrite par Durkheim. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : quand les Anglais défendent la nation, ce n'est plus un nationalisme sacrificiel qu'ils mettent en avant, et c'est heureux. Ce n'est plus du nationalisme conquérant, agressif. C'est du nationalisme anxieux.
Vincent Tournier : La dévalorisation du nationalisme est la conséquence des mutations socioculturelles qui ont bouleversé les sociétés européennes depuis 1945, mais surtout de la conversion des élites européennes à la mondialisation et à l’Europe. Un signe illustre cette évolution : l’émergence de la notion de "préférence nationale". Cette expression est apparue dans les années 1970 et a aussitôt subi un profond discrédit. Auparavant, la préférence nationale n’avait pas besoin d’être verbalisée car elle était la norme. Si cette expression est apparue, c’est justement parce que ce qui allait de soi a perdu tout caractère d’évidence. Elle est même devenue une insanité.
Pourtant, pour les républicains du XIXème et du XXème siècles, l’idée que seuls les nationaux devaient bénéficier d’un statut et de droits spécifiques ne se posait pas. Aujourd’hui, même si la préférence nationale n’a pas disparu et continue de recevoir un certain soutien dans l’opinion publique (ainsi que chez les artistes lorsqu’il s’agit de défendre les quotas de chansons françaises à la radio), le rejet instinctif dont elle fait l’objet montre bien que l’on a changé de cadre de référence.
Le problème est que ce changement de référence provoque un certain aveuglement. Si les risques ou les inconvénients du nationalisme sont immédiatement débusquées et pointés, les inconvénients de l’Europe suscitent beaucoup plus de tolérance. Ces derniers ont même tendance à être masqués ou déniés parce qu’ils introduisent une note dissonante. Prenons l’exemple de l’enseignement supérieur, puisque celui-ci a souvent été mis en avant pour convaincre les jeunes d’être pro-européens. Les pro-européens vantent les mérites de l’ouverture des frontières en soulignant qu’elle permet d’aller facilement étudier à l’étranger. Pourtant, cette belle promesse ne concerne que très peu d’étudiants (moins de 2% de l’ensemble des étudiants européens). Inversement, on ne veut pas voir que cette ouverture a provoqué une forte concurrence entre les universités, ce qui entraîne de nombreux effets pervers comme la hausse des droits d’inscription ou la sélection accrue, sans oublier les pressions sur les enseignants-chercheurs pour améliorer leur productivité.
Une autre illustration de cette tendance à minorer les inconvénients est la question du régionalisme. En se fixant comme but de dépasser les Etats-nations jugés obsolètes, les institutions européennes ont tout fait pour favoriser le développement des régions, mais ce faisant, elles ont peut-être joué avec le feu. Les mouvements indépendantistes ont désormais le vent en poupe, comme en Catalogne, en Flandre ou en Ecosse. Tous ces mouvements sont d’ailleurs à fond pour l’Europe, comme on l’a vu avec le Brexit puisque les Ecossais ont majoritairement voté pour le maintien dans l’UE et vont probablement organiser un nouveau référendum sur l’indépendance de leur région. En France, le redécoupage territorial a conduit à créer des super-régions dans le but de rivaliser avec les régions allemandes. La France est ainsi contrainte de faire ce qu’elle a toujours refusé, à savoir mettre en place des régions puissantes, dotée d’une forte légitimité et susceptibles de développer un sentiment d’identité locale (cette semaine encore, on a vu la nouvelle région du sud-est se baptiser "Occitanie"). Cette dynamique régionaliste est en train de détricoter plusieurs décennies voire plusieurs siècles d’unification nationale. Elle est potentiellement dangereuse car elle affaiblit considérablement le continent européen. Non seulement elle risque de provoquer une nouvelle balkanisation de l’Europe, mais de plus cet émiettement va rendre plus difficile la création d’une Europe de la diplomatie et de la défense