Philippe Nemo pense que le fait que la gauche ait imposé ses vérités historiques, qui sont des mensonges staliniens, à travers l'éducation nationale et la presse est l'un des principaux, pour ne pas dire le principal, problème de la France dans le monde moderne.
La gauche à réussi à imposer l'équation «gauche=républicanisme=patriotisme», d'où il s'ensuit que «droite=fascisme= trahison». C'est pourquoi la droite est toujours sommée de prouver son républicanisme, c'est-à-dire de mener une politique de gauche (le sarkozysme est un socialisme - le national-socialisme aussi, soit dit en passant).
Nemo distingue «1789» et «1793». Contrairement à l'affirmation de Clemenceau, ces deux épisodes révolutionnaires sont non seulement disjoints, mais opposés : 1789 est libéral, individualiste, élaboré et rationnel, 1793 est totalitaire, holiste, primitif et sentimental.
Or, la gauche française est l'héritière de 1793 tandis que la France de 2009 doit bien plus à 1789. La prétention de la gauche à être l'unique détentrice de la légitimité républicaine mériterait la moquerie si le sujet n'était pas si grave.
Vous savez quel est mon courroux chaque fois qu'on vient m'expliquer sur ce blog même que le prétendu «modèle social français» fait d'étatisme et de corporatisme est consubstantiel à la France et que s'opposer à lui, c'est être un mauvais Français.
Je peux donc citer l'avant-propos de ce livre :
Ce qui a été construit par les contingence de l'histoire peut être déconstruit par les bonnes décisions de l'avenir. Non, les prélèvements obligatoires record, la dictature des syndicats révolutionnaires, l'étouffement de l'esprit d'entreprise comme de la création intellectuelle et artistique, la domination absolue de la gauche sur l'école et les medias, tout ce qui compromet le développement actuel de la France et la voue au déclin relatif par rapport aux pays comparables, rien de tout cela ne fait partie de l'essence de la France. Ce sont des maladies récentes attrapées un jour d'hiver et que le printemps guérira.P. Nemo passe donc en revue tous les mythes que la gauche oppose à la droite dans son procès en illégitimité : la Révolution française, bienfait universel de gauche (alors que 1793 fut le précurseur du totalitarisme), la République fondée par la gauche (alors qu'elle le fut par la droite modérée), le dreyfusisme de gauche (alors que l'antisémitisme était de gauche, par haine du capitalisme libéral), la Résistance de gauche (alors que le pacte germano-soviétique, la demande de publication de l'Huma dans Paris occupé, Déat, Doriot, Marquet ... N'insistons pas).
Le passage qui m'a le plus intéressé est sur l'antidreyfusisme de gauche. Je connaissais, mais je n'étais pas entré entré dans certains détail édifiants.
L'Etat de droit et le respect de la personne ne font pas partie des valeurs de la gauche française, car ils s'opposent à la lutte des classes, pour laquelle la fin justifie les moyens (qu'importe quelques injsustices, puisqu'on oeuvre pour le bonheur de l'humanité (2)).
On comprend donc bien que, au mieux, à gauche, l'affaire Dreyfus n'intéresse pas, c'est un bourgeois, on ne défend pas ces gens-là, ou au pire, tourne à l'anti-dreyfusisme, parce que Dreyfus est un représentant du grand capital apatride.
Les figures de gauche qui furent dreyfusardes, Clemenceau, Jaurès (dont on a quelques textes antisémites au débat de l'affaire), agissent au nom des valeurs libérales de respect du droit de la personne et cachent la forêt de l'indifférence ou de l'antisémitisme de gauche.
La conversion de la gauche au dreyfusisme,
après que l'innocence de Dreyfus a été prouvée, quand la phase judiciaire est passée, sera le résultat d'un choix tactique politique heureux et non le résultat d'une conversion au libéralisme.
On ne peut donc pas tirer de l'affaire Dreyfus l'idée, pourtant communément admise de nos jours, que la gauche était du coté du bien et la droite du coté du Mal.
Tout cela est-il une découverte ? Certainement pas. On le trouve dans les textes d'époque de Blum, Thibaudet, Lazare, Clemenceau, Péguy (2). Mais le contrôle de la pensée exercée par la gauche sur notre société, en commençant par l'école et par l'université, est si fort qu'il a abouti à une véritable falsification de l'histoire. Je ne serais pas surpris si un étudiant en histoire venait m'apporter la contradiction sur ce point pourtant fort documenté.
Le résultat de tout cela, c'est que les idées de droite sont frappées, à tort, d'illégitimité. La droite peut être élue, mais nullement gouverner à droite (une lecture facile de la part des fonctionnaires dans la population suffit à constater que le socialisme gouverne continument depuis cinquante ans).
Dans tout cela, me semble-t-il, le véritable drame est la mainmise de la gauche sur le système éducatif de la maternelle à l'université (3), car la stérilisation intellectuelle et artistique qui en découle est à la fois dommageable au plus haut degré et pérenne.
Notre cher et vieux pays n'a pas fini de souffrir.
Addendum du 18/05 :Je vous ai scanné (mal, et au mépris du copyright mais pour faire la réclame de ce livre) la conclusion :
Les deux Républiques françaisesCertains prônent d'attendre le pourrissement du système éducatif. Il est certes bien avancé (je lisais récemment un article sur les armes dans les écoles françaises) mais :
> c'est un processus cumulatif, donc il peut aller très loin. Si chaque génération accepte une baisse de 10 à 20 % des savoirs, qui paraît tolérable à chaque génération, au bout de trois ou quatre générations, c'est la moitié des savoirs qui a disparu, et pas seulement des savoirs pointus, mais des choses élémentaires, communes(4).
Par exemple, les parents mauvais en orthographe sont beaucoup plus tolérants pour les fautes de leurs enfants.
> il existe des effets de seuils qui rendent le pourrissement irréversible. Faire disparaître le grec et le latin, les classiques, la littérature médiévale puis, maintenant, la géométrie, l'histoire (toutefois remplacée sous le même nom par un cours d'endoctrinement marxiste multiculturaliste) c'est facile. Mais comment les rétablir quand il n'y aura plus que quelques centaines de professeurs capables de les enseigner ? Les Israeliens ont ressuscité l'hébreu, mais avec quel effort et quelle motivation !
Ma condamnation morale des universitaires dans cette affaire est extrême : ils cautionnent un système qui détruit méthodiquement et irréversiblement des savoirs, eux dont la raison de vivre est, ou devrait être, le savoir.
C'est de leur part une véritable trahison de leurs devoirs que rien n'excuse.
(1) : cette manière de voir est encore très présente chez les électeurs de gauche. On est pour l'Etat de droit quand la droite gouverne parce que ça limite son pouvoir, mais quand la gauche est au pouvoir, l'Etat de droit est une invention bourgeoise destinée à entraver le bonheur du peuple («Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires», prononcée par un socialiste non pas au lointain Moyen-Age, mais en 1981) .
(2) : lire par exemple, Notre jeunesse, dans la Pléïade, donc nullement une édition confidentielle.
(3) : un des moyens les plus honteux de cette mainmise a été de dévaloriser le débat sur les contenus de l'enseignement en transformant l'école en garderie pour futurs chômeurs. Le débat sur l'enseignement n'intéressant plus personne, ils ont pu imposer leurs idées néfastes, pourtant invalidées par l'histoire.
(4) : songez par exemple que cette réplique des Tontons flingueurs, pourtant film grand public, «Après la mort du lion, les chacals se disputent l'empire. Enfin ... On ne peut pas leur demander plus qu'aux fils de Charlemagne.» est incompréhensible pour un lycéen de 2009.